• Aucun résultat trouvé

Chapitre III – Les hypogées du Mont-Aimé

2. L’Architecture : deux tombes jumelles

Les hypogées I et II du Mont-Aimé ont été entièrement creusés par l’homme dans le substrat crayeux (Crétacé). Les deux tombes, orientées sud-nord, ont leur entrée ouvrant vers le sud. Leur morphologie est très proche, tant au niveau du plan d’ensemble que des dimensions générales. Chacune comprenait un couloir d’accès, entièrement détruit par les terrassements à l’origine de leur découverte, une antégrotte et une chambre

Chapitre III – Les hypogées du Mont-Aimé

70

funéraire allongée, constituée de deux salles disposées en enfilade dans l’axe longitudinal du monument (Fig.

20).

L’hypogée I a subi d’importants dommages lors de l’aménagement du site, qui ont amputé le monument d’une grande partie de sa voûte (et des parois) et détruit le couloir d’accès et l’antégrotte (Fig. 20). Cette dernière, dont il ne subsistait que la base, se présentait sous la forme d’une cuvette ovale d’environ 1,6 m de largeur pour une profondeur de 0,9 m environ. À partir de cette petite cavité, on accédait à la chambre par un court boyau, d’environ 0,5 m de long et 0,6 m de large (hauteur indéterminée) ; l’ensemble est décentré vers l’est par rapport à l’axe longitudinal du caveau.

La chambre funéraire, dont la superficie totale atteint près de 17 m2, est très allongée : elle mesure 6,8

m de longueur pour une largeur maximale de 2,5 m. Un pilier latéral (1,1 m de longueur pour 0,7 m d’épaisseur), se détachant de la paroi ouest, scinde l’espace en deux salles rectangulaires séparées par un passage de 1,2 m d’envergure. La salle antérieure (salle 1), la plus spacieuse des deux, mesure 4,1 m de longueur sur environ 2,5 m de largeur, soit une superficie d’environ 10 m2. La salle du fond (salle 2), ou salle

postérieure, située dans le prolongement de la première, affiche des dimensions plus réduites : 2,7 m de longueur pour une largeur qui se rétrécit de 2,5 m à 2,3 m, en allant vers le fond (superficie d’environ 6 m2).

Très irrégulier, le sol de la chambre s’abaisse légèrement du fond vers l’entrée d’environ 0,1 m ; il est par ailleurs situé 0,2 m en contrebas du sol de l’antégrotte. La hauteur sous voûte n’a pu être relevée qu’au niveau de la salle du fond en raison de l’effondrement complet du plafond de la salle antérieure ; elle est de l’ordre de 1,6 m. À cet endroit, l’épaisseur de la couche de craie au-dessus de la voûte atteint 1,8 m d’épaisseur.

Chapitre III – Les hypogées du Mont-Aimé

71

Le plan de l’hypogée II diffère quelque peu du précédent, mais reste dans l’ensemble très semblable (Fig. 20). Le couloir d’accès, bien que complètement détruit, devait se développer sur 5 à 6 m environ, d’après la pente du terrain (Crubézy et Mazière, 1991). L’antégrotte, de plan sommairement ovale, mesurait 1,2 m de large, un peu moins d’1 m de hauteur en son milieu et environ 0,7 m de profondeur. Elle était fermée, du côté du couloir, par une dalle subcirculaire (0,85 x 0,70 x 0,10 m) de calcaire gréseux, calée par un amas de pierres. L’antégrotte communiquait avec la chambre sépulcrale par une étroite chatière, dont l’ouverture est de forme ovoïde, de 0,45 m de large sur 0,8 m de haut et 0,7 m de développement. La présence de blocs épars, situés au niveau du passage reliant la chambre funéraire, peut constituer les vestiges d’un dispositif de fermeture, comme une porte en bois maintenue par un amas de pierres.

La chambre funéraire, d’une superficie totale d’un peu plus de 16 m2, mesure 7,4 m de longueur sur

2,3 m de large dans sa partie antérieure et 3 m dans sa partie postérieure (Fig. 20). Elle est divisée en deux salles rectangulaires, de dimensions inégales, par un pilier latéral massif ménagé dans la paroi ouest. La salle antérieure (salle 1), la plus grande des deux, est longue d’environ 4 m pour une largeur maximale de 2,3 m. La salle du fond (salle 2), dont le grand axe est perpendiculaire à celui de l’hypogée, mesure 3 m sur 2,2 m. Le passage entre les deux salles (appelé « seuil »), large d’un peu plus d’1 m, ne montre aucun aménagement particulier (type porte ou marche d’accès). Les parois de la chambre sont verticales, mais présentent un aspect très irrégulier en raison du délitage du banc de craie encaissant. Le plafond, d’une hauteur de 1,7 à 1,8 m, est légèrement cintré ; il conserve, par endroits, quelques traces d’outils ayant servi à l’excavation (Crubézy et Mazière, 1991 : 122, fig. 7). Le sol présente une légère déclivité, de quelques centimètres, du fond vers l’entrée. Dans la salle du fond, il est parcouru de fissures en diagonale, étroites et profondes, dues au clivage naturel de la craie tandis que dans la première salle, il est plus régulier et compact (Crubézy et Mazière, 1991 : 123, fig. 8).

2.2. Des tombes singulières

Les hypogées I et II du Mont-Aimé ont une architecture qui leur est propre, sans équivalent véritable parmi les hypogées champenois : ils s’en distinguent tout d’abord par leur forme très allongée. Au Mont-Aimé, le développement en longueur de la chambre funéraire atteint son maximum et la superficie engendrée figure parmi les plus étendues qui soient, même si elle n’offre en réalité que quelques m2 supplémentaires. Cette

morphologie étirée n’est pas sans rappeler les allées sépulcrales du nord-ouest du Bassin de la Seine, avec lesquelles les hypogées de l’aire champenoise partagent la même configuration interne, avec division bipartite de l’espace, marquée par la séquence antichambre – ou vestibule dans le cas des allées sépulcrales – chambre funéraire. Mais, l’évidente caractéristique architecturale des hypogées du Mont-Aimé réside dans la subdivision en deux parties de la chambre funéraire. En effet, la présence d’une chambre funéraire double constitue une particularité architecturale qui n’est attestée qu’aux Mournouards II (Leroi-Gourhan et al., 1962 : 26-30) et dans trois monuments de la nécropole de La Grifaine à Chouilly (butte de Saran) explorés en 1921 et 1922 (Favret, 1923, 1935 ; Fig. 21). Ces hypogées, situés très au nord des tombes du Mont-Aimé, partagent avec elles une configuration proche avec deux salles, de plan carré ou rectangulaire, placées dans l’axe longitudinal du monument. Aux Mournouards II, le passage de la première salle à celle du fond est marqué par deux piliers latéraux, disposés presque en vis-à-vis l’un de l’autre. À Saran (hypogées 5, 6 et 7), les salles sont mieux individualisées et séparées par une véritable cloison percée d’une ouverture trapézoïdale ou en forme de bouche de four, haute de 1,2 à 1,5 m et large d’environ 1 m (Fravret, 1923, 1935 ; Martineau et al., 2016 ; Fig. 21).

Chapitre III – Les hypogées du Mont-Aimé

72

Figure 21. Plan et coupes de l’hypogée 5 de la nécropole de La Grifaine sur la butte de Saran à Chouilly (d’après Favret, 1923).

Figure 22. Mur de refend et épais bourrelet de craie sur le sol divisant en deux parties inégales la chambre funéraire de l’hypogée 23 de la nécropole du Razet (Coizard, Marne). Photo R. Donat.

Tous les autres hypogées champenois dont on dispose du plan ont une chambre unique, mais l’une des tombes de la nécropole de La Grifaine (hypogée 2) comporte un pilier transversal quadrangulaire, d’environ un mètre de longueur, qui scinde partiellement l’espace intérieur (Barré, 1866b : pl. VIII). De même, l’hypogée 23 de la nécropole du Razet à Coizard montre sur le sol un épais bourrelet de craie, divisant virtuellement la chambre en deux parties inégales, qui pourrait marquer l’emplacement d’une cloison aujourd’hui disparue (Fig.

Chapitre III – Les hypogées du Mont-Aimé

73

22). À ce propos, J. de Baye évoque la présence dans certains des hypogées qu’il a exploré d’une cloison

séparant en deux compartiments le fond de la chambre (de Baye, 1874 : 228), mais l’on ne dispose de guère plus de précision quant à la localisation et au nombre de tombes concernées par ces aménagements.

En résumé, l’évidente caractéristique architecturale des hypogées du Mont-Aimé réside dans la subdivision en deux parties de la chambre funéraire. Dès lors, la question est de savoir à quoi correspond cette segmentation de l’espace interne : simple adaptation architectonique – réduire la portée de la voûte par l’intermédiaire d’un pilier (mur de refend) – ou volonté de séparer deux groupes de défunts ?