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Chapitre III – Les hypogées du Mont-Aimé

3. Le remplissage des tombes

3.1. L’hypogée I

3.1.1. La chambre funéraire

Contenus dans un fin sédiment homogène et aéré, incluant des nodules de craie et quelques pierres, les vestiges archéologiques (pour l’essentiel des restes humains) formaient une couche continue, épaisse de 0,10 m à 0,35 m42, qui occupait la base du remplissage. À proximité immédiate et contre les parois de la salle

antérieure, les vestiges étaient inclus dans une couche de craie indurée (interprétée comme résultant de la dissolution, sous l’action de l’eau, de la roche et de sa recomposition ultérieure). Le tout était recouvert par une masse de terre pulvérulente (identique à celle englobant les ossements humains et les artefacts : terre végétale d’infiltration ?) atteignant, en moyenne, un mètre de puissance dans la salle postérieure. Dans la partie antérieure de l’hypogée, l’épaisseur initiale de cette couche de terre n’a pu être évaluée, en raison des remaniements occasionnés par le terrassement mécanique.

3.2. L’hypogée II

3.2.1. L’antégrotte

Le sol de l’antégrotte, ainsi que ses parois, étaient recouverts par une épaisse couche s’apparentant à du « mortier », qui correspond à un phénomène de dissolution et de recomposition du substrat crayeux, sous l’action de l’eau (analyses de B. Van Vliet de Lanoé, dans Crubézy et Mazière, 1990 : 68). L’antégrotte était dépourvue de tout vestige archéologique, à l’exception notable de blocs de calcaire gréseux, interprétés comme de possible éléments de calage au dispositif de fermeture du boyau communiquant avec la chambre funéraire (ce chapitre, § 2.1.). Le remplissage du boyau d’accès était homogène et formé d’un sédiment compact, de couleur grisâtre, avec des inclusions de nodules de craie et de charbons de bois épars.

42 L’épaisseur de la couche d’ossements a été estimée à partir des cotes d’altitude relevées sous les vestiges, pour chaque

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3.2.2. La chambre funéraire

La séquence stratigraphique, telle qu’elle a pu être observée au moment de la fouille, est décrite comme sensiblement différente entre les deux salles de la chambre funéraire (Mazière et Crubézy, 1988, 1989 ; Crubézy et Mazière, 1990, 1991). Les vestiges archéologiques découverts sont abondants, avec une prédominance de restes osseux et dentaires humains (plus de 20000).

Dans la salle du fond, où le comblement atteignait 0,45 m de puissance maximale, les vestiges archéologiques se sont révélés fortement perturbés par la faune ambiante. En effet, de nombreux terriers y ont été relevés, de même que des ossements disloqués de renards, de blaireaux et de micromammifères, ces derniers en quantité abondante. Aucune différence sédimentaire n’a été observée. Les vestiges étaient englobés dans une matrice homogène, constituée d’un sédiment très aéré, de couleur brune à orangée, d’aspect organique, incluant des fragments de craie en abondance (de plus fortes concentrations ont été observées à l’approche des parois). À moins de 0,1 m du sol de l’hypogée, la fouille a mis au jour plusieurs dalles de calcaires gréseux de dimensions variées (une dizaine d’entre elles sont volumineuses : 0,40 x 0,30 x 0,10 m), se répartissant sur l’ensemble de la surface de la salle, sans organisation apparente ; elles reposaient à plat ou suivant un léger pendage. Des ossements humains se situaient au-dessus et en dessous des éléments lithiques.

Le remplissage du passage entre les deux salles (« seuil ») est constitué, dans sa partie supérieure, par de nombreux blocs de craie dont la fouille a montré qu’ils provenaient du délitage des parois et du plafond. En dessous de ces blocs, la couche archéologique atteint une épaisseur d’environ 0,25 m. La fouille de ce secteur a également révélé quelques fragments de dalles en calcaire.

À l’intérieur de la première salle, les vestiges archéologiques formaient une couche continue, d’une épaisseur comprise entre 0,20 et 0,30 m environ, située à la base du remplissage. Elle était surmontée par des dalles de calcaire gréseux (dimensions : environ 0,25 x 0,10 x 0,03 m), non jointives, qui reposaient à plat, en léger pendage ou de chant (carré C4) ; elles montraient une répartition diffuse sur toute la surface de la salle. L’ensemble était recouvert par plusieurs accumulations de sédiment pulvérulent, d’environ 0,45 m d’épaisseur en moyenne, incluant des fragments de craie et de calcaire gréseux, ainsi que des vestiges fauniques, de rares petits os humains et quelques objets de parure. Enfin, le sommet du remplissage était occupé par un cône d’éboulis de craie, atteignant 1,2 m de hauteur maximale, qui recouvrait presque toute la surface de la salle. Cette accumulation de roche correspond à un ou plusieurs épisodes d’effondrement d’une partie de la voûte. À l’instar de la salle du fond, l’activité de la faune ambiante était bien tangible dans cette partie de la chambre funéraire, mais semble avoir été moins intense, comme en témoignerait la séquence stratigraphique observée dans les travées 4, 5 et 6 (Crubézy et Mazière, 1991 : 125). Du sommet à la base du remplissage, les fouilleurs ont distingué cinq niveaux :

 Le niveau 1, qui se développe sur 0,15 m d’épaisseur, présente un pendage sud-nord. Il se compose d’un sédiment pulvérulent, de couleur grise, incluant des vestiges fauniques (blaireaux et renard), un peu de mobilier et quelques os humain de taille réduite. Viennent s’ajouter des blocs de craie et des morceaux de calcaires gréseux, peu abondants.

 Le niveau 2, d’une épaisseur comprise entre 0,10 et 0,15 m, accuse un léger pendage dans le sens nord-sud. Il se compose d’un sédiment (nature non précisée) englobant quelques dalles éparses en calcaire gréseux (environ 0,25 x 0,10 x 0,03 cm). Les ossements humains, qui sont très peu nombreux, consistent en pièce de petite taille.

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 Le niveau 3 se caractérise par un sédiment gris, pulvérulent, formant une couche de 0,10 m d’épaisseur environ. Les restes humains sont faiblement représentés. Parmi eux figurent des os longs des membres en position verticale, dont certains relient les niveaux 2 et 5.

 Le niveau 4 est composé uniquement de dalles en calcaires gréseux, de formes et de dimensions variées, reposant à même le niveau 5. Abondantes, les dalles sont disposées de façon irrégulière (non jointives) et adoptent, pour la plupart, une position proche de l’horizontale ; dans le carré C4, plusieurs apparaissent de chant.

 Le niveau 5 est constitué par un sédiment plus compact, formé d’une terre grisâtre et de petits nodules de craie (1-3 cm). Il comprend l’essentiel des vestiges archéologiques, os humains et artefacts, qui se répartissent sur une épaisseur comprise entre 0,20 cm et 0,30 m.

Il n’existe aucune coupe longitudinale ou transversale de la séquence stratigraphique décrite. La présence de dalles, sus-jacentes à la couche d’ossements, a été interprétée comme une possible couche de condamnation (Crubézy et Mazière, 1991).

4. Attribution chrono-culturelle

4.1. L’hypogée I

4.1.1. Datations absolues

Les ossements humains découverts dans l’hypogée I du Mont-Aimé ont fait l’objet de trois datations radiométriques (année 2007, laboratoire de Groningen, Pays-Bas). Les échantillons sélectionnés, à savoir des fémurs gauches complets, attribuables à des individus adultes (maturation osseuse achevée), correspondent à des ossements disloqués, dont deux d’entre eux proviennent du remplissage de la salle antérieure (salle 1 : D2/D3, n°249 ; E4/E5, n°2072) et l’autre de la salle du fond (salle 2 : C6/D6, n°4132).

Les résultats indiquent des mesures couvrant la seconde moitié du IVe millénaire avant notre ère, voire

un peu antérieure pour l’une d’entre elles, soit une amplitude chronologique comprise entre 3621 et 3023 cal BC : 3621-3356 cal. BC (GrN-31025 : 4650 ± 40 BP, salle 1), 3491-3102 cal BC (GrN-31026 : 4560 ± 40 BP, salle 1) et 3344-3023 cal BC (GrN-31027 : 4470 ± 40 BP, salle 2) (courbe de calibration atmosphérique Intcal13, Reimer et al., 2013; intervalles HPD [Highest Posterior Density region] à 95 % correspondants). La détermination radiocarbone la plus ancienne (3621-3356 cal BC) concerne la première salle, la plus récente la salle du fond (Donat et al., 2019).

4.1.2. L’assemblage mobilier

Le mobilier de l’hypogée I du Mont-Aimé comprend au moins 273 objets individualisés représentant de l’industrie lithique et osseuse (37,4 % et 4,8 %, respectivement), des objets de parure (57,1 %), ainsi que les restes très incomplets de deux récipients en céramique (0,7 %). En partie décrit dans le cadre de recherches universitaires (Langry-François, 2003 ; Polloni, 2008), cet abondant mobilier demeure en grande partie inédit, si ce n’est sous la forme d’inventaires présentés à titre de comparaison, pour les objets de parure (Donat et al.,

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2014 : 402), ou dans une synthèse consacrée à l’outillage lithique des hypogées de la Marne (Langry-François, 2004). Par ailleurs, le document rédigé après les investigations archéologiques menées sur le site expose un inventaire sommaire du mobilier, qui précise le nombre et le type d’artefacts découverts dans la chambre funéraire (Chertier, 1986 : 7).

Figure 23. Objets découverts

dans l’hypogée I du Mont-

Aimé (Chertier, 1983 : 388).

1 : poinçon en os ; 2 : hache

polie ; 3 : parure biforée en coquillage ; 4-5 : perles en os ;

6 : pendeloque biforée en os ; 7-10 : armatures tranchantes

en silex.

L’industrie lithique

L’inventaire de l’outillage en silex, tel qu’il est présenté dans le rapport administratif établi à la suite de la fouille de la tombe (Chertier, 1986), mentionne la découverte de 102 pièces, se déclinant en 5 haches polies, 2 grattoirs, 1 racloir, 1 pointe, 15 lames et 78 armatures tranchantes trapézoïdales à tranchant transversal (dont 73 pièces complètes), auxquelles s’ajoutent quelques éclats de débitage (sans plus de précision quant à leur nombre). Dans son essai de caractérisation des productions lithiques des hypogées de la Marne, intégrant l’outillage de l’hypogée I du Mont-Aimé (alors réduit à 74 pièces), F. Langry-François distingue les catégories typologiques suivantes : 3 grattoirs, 11 lames (non retouchées), 4 éclats (non retouchés), 4 pièces à retouche oblique ou rasante représentées par 1 pointe et 3 racloirs, 1 pièce à retouche abrupte (troncature), 45 armatures tranchantes (réalisées par bitroncature), 2 retouchoirs ou briquets à encoche et, enfin, 4 haches polies (Langry- François, 2004 : 95, tab. 2). Il est à remarquer que les disparités existantes entre les inventaires dressés à près de deux décennies d’intervalle (Chertier, 1986 : 7 ; Langry-François, 2004) concernent surtout le nombre d’armatures tranchantes, avec une différence de 33 pièces (égarées entre-temps).

Les objets de parure

La parure est représentée par 156 objets, qui ont été confectionnés à partir de matières d’origine animale (coquillage, os, dent et bois de cervidé) et minérale (calcaire) (étude inédite : Polloni, 2008). Diversifiée et abondante (76 pièces), la parure en coquillage rassemble 41 Dentalium (tronqués à l’extrémité la plus étroite), 10 Oliva (pourvues d’une perforation près de l’ouverture naturelle), 7 Natica (découpées, afin d’exposer la columelle), 3 Venericardia (perforés au niveau du crochet), 3 Turritella (réduites à une demi- spire), ainsi que 12 pendeloques biforées (perforations jumelées) réalisées à partir de tests nacrés d’Unionidés (seules 4 sont constituées d’une valve entière ; Fig. 24). La parure en os comprend 9 longues perles de forme

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cylindrique, dont une seule a été complètement façonnée (les autres présentent des extrémités irrégulières et des traces de sciage sur le fût), et une pendeloque en quille incomplète (la tête est manquante) confectionnée à partir de l’extrémité d’un andouiller de cervidé. À ces éléments viennent s’ajouter 9 dents percées d’animaux, dont 3 sont attribuables à des suidés (sangliers probables) et 2 à des bœufs (espèces non précisées pour 4 pièces43). Les objets en matière minérale regroupent 60 perles en calcaire tendre, de forme discoïde (10 à 15

mm de diamètre), ainsi qu’une perle en ambre (ou résine fossile locale) de même morphologie (15 mm de diamètre).

La plupart des objets recensés portent les stigmates d’utilisation, se manifestant par des traces d’usure au niveau des perforations, qui sont déformées et agrandies. Ainsi, toutes les perles en calcaire portent des traces de frottement au niveau de leurs surfaces supérieure et inférieure : ce type de modification de surface est caractéristique de perles en contact les unes avec les autres, ce qui indique qu’elles étaient enfilées sur un lien et formaient un collier. Ajoutons que la face nacrée de deux pendeloques biforées montre un sillon très marqué reliant les orifices de perforation, en relation avec le passage d’un lien. Ces parures ont donc été portées, cousues sur des textiles ou suspendues par un lien. Certaines d’entre elles ont été réparées.

Figure 24. Objets de parure provenant de l’hypogée I du Mont-Aimé : pendeloques

biforées nacrées réalisées à partir de tests d’Unionidés. Photo A. Polloni.

La céramique

Les vestiges céramiques découverts dans la chambre funéraire consistent en dix fragments (éléments de bord, panse et fond) attribués à deux récipients distincts, sans plus de précision quant à leurs caractéristiques typo-technologiques (Chertier, 1986 : 7).

43 Les taxons ont été identifiés par T. Poulain, qui a réalisé l’étude des vestiges fauniques de l’hypogée I du Mont-Aimé

(document dactylographié inédit accompagnant le rapport de fin de fouille, daté de 1986 (B. Chertier, dir.), conservé au

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L’outillage en matière dure animale

L’industrie en matière dure animale (13 objets) comprenait 3 gaines de hache, 3 lissoirs et 1 baguette (section circulaire), tous en bois de cerf, ainsi que 6 poinçons dont 4 sont en os et 2 en bois de cerf (Chertier, 1986 : 7). Ni la morphologie des pièces, ni leurs principales caractéristiques technologiques ne sont connues.