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Rémunérer le travail non rémunéré

4 Une réforme en profondeur de l’État social pour résoudre la question de

4.3 Rémunérer le travail non rémunéré

Un salaire pour le travail domestique : telle était l’une des REVENDICATIONS DU NOUVEAU MOUVEMENT FÉMINISTE DES ANNÉES 1970. Toutefois, seule une partie des féministes demandait la valorisation du travail domestique par rapport au travail lucratif par le biais du versement d’un salaire ; d’autres y voyaient le RISQUE DE VOIR LE PARTAGE DES TÂCHES CIMENTÉ SELON LES STÉRÉOTYPES GENRÉS et refu-saient catégoriquement un tel salaire. Plus généralement, ce mouvement entendait lancer un débat politique sur la répartition du travail sous la devise « la vie privée est publique ». Il n’était pas encore question de présenter le travail de care comme un travail affectif. C’est plutôt l’émancipation du travail domestique qui était au centre des préoccupations. Conformément à l’idéal socialiste, il s’agissait de supprimer purement et simplement les tâches ménagères, considérées comme des tâches de repro-duction ; d’une part, on proposait de rationaliser ces tâches et d’autre part de transférer une partie d’entre elles à la société.

La rémunération du travail d’assistance et de soins non rémunéré fut PLUS TARD LE CHEVAL DE BATAILLE DE FORCES PLUTÔT CONSERVATRICES, qui craignaient la disparition du modèle familial tradi-tionnel compte tenu de l’évolution de la société ou du moins la fin de l’accomplissement des tâches d’assistance et de soins dans le milieu privé. La réaction fut l’introduction, dans l’Allemagne des an-nées 1980, d’une ALLOCATION DÉDUCATION (supprimée depuis) destinée aux parents dont un des deux membres restait à maison lorsque les enfants étaient petits. Bien que la mesure ait été formulée de manière épicène, c’est en général la mère qui restait à la maison. Le périodique féministe Emma n’hésita d’ailleurs pas à taxer cette allocation de « PIÈGE À MÈRES » car elle contribuait à cimenter le partage du travail selon des critères stéréotypés de hiérarchie entre les genres. De plus, l’allocation était de très loin inférieure à un revenu obtenu sur le marché du travail. Le FAIBLE NIVEAU

DINDEMNISATION est typique des systèmes comparables existant dans d’autres pays, de même que le fait que la protection de la législation sur le travail ne s’étend pas aux personnes qui fournissent un travail de care dans le contexte privé et que ces personnes ne sont pas couvertes par les assurances sociales. L’objectif politique déclaré de la rémunération du travail jusque-là non rémunéré est de don-ner une plus grande liberté de choix entre travail de care et travail lucratif ; dans la réalité et compte tenu des circonstances actuelles, une telle mesure a pour effet de PRÉCARISER le statut professionnel des personnes qui se spécialisent dans les tâches de care et de ne pas combler les lacunes dans la protection sociale de ces personnes.

En SUISSE, seuls QUELQUES CANTONS ont introduit des mesures pour ENCOURAGER LA PRISE EN CHARGE DES ENFANTS EN BAS ÂGE PAR LES PARENTS MOYENNANT LABANDON DE LEUR EMPLOI, un modèle qui se rapproche de celui du salaire familial. Le canton de Zurich, par exemple, verse des allocations de petite enfance aux parents d’enfants de moins de deux ans ; la prestation est conditionnelle, car liée à un taux d’activité des parents et à une prise en charge extrafamiliale relativement faibles. Les alloca-tions de garde versées dans les cantons de Fribourg et de Bâle-Ville sont plus étoffées. Indirectement, l’initiative de l’UDC demandant des exonérations fiscales pour les parents qui assurent eux-mêmes la garde de leurs enfants (cf. 3.5) peut elle aussi être considérée comme demandant une indemnisation symbolique du travail de care non rémunéré. Il faut cependant relever que ni l’Association profession-nelle des gestionnaires de famille ni le Syndicat des personnes actives au foyer ou son pendant alé-manique Gewerkschaft der Hausfrauen und Hausmänner ne revendiquent la rétribution du travail do-mestique et familial non payé65

Au chapitre 3, la présente étude propose à plusieurs reprises de discuter de la possibilité de protéger certaines phases de care intensives par des indemnisations financières directes. Les mesures à étu-dier esquissées dans ce cadre se distinguent des indemnisations existantes visées ci-dessus à plu-sieurs points de vue importants :

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● Soit les indemnisations existantes sont conçues comme des CONGÉS LIMITÉS DANS LE TEMPS, appli-cables dans des situations bien précises, et donnent droit à un revenu de remplacement ainsi qu’à la protection contre le licenciement. C’est notamment le cas des différents modèles de congés parentaux (cf. 3.3.5) et du congé payé pour soins (cf. 3.3.8).

● Soit ELLES TRANSFORMENT LE TRAVAIL DE CARE NON RÉMUNÉRÉ EN EMPLOI ORDINAIRE, soumis au régi-me des assurances sociales et assorti d’une protection sociale. L’assurance-maladie et les prestations complémentaires réservent d’ores et déjà cette possibilité dans le domaine des soins à domicile (cf.

3.1.3 et 3.4.1) ; mais il s’agit d’une option peu connue et on manque d’expérience pour en déterminer les avantages et les inconvénients. Une solution analogue a été envisagée par l’AI dans le cadre du projet pilote de budget d’assistance ; le projet a été abandonné au stade de l’introduction définitive pour des raisons financières (cf. 3.3.4). Dans le cas des malades chroniques tributaires de soins de longue durée, l’indemnisation du travail de care par une assurance sociale semble justifiée, d’autant que le placement dans un établissement spécialisé est généralement beaucoup plus coûteux pour la société.

Dans les deux cas, la rétribution de phases de care dans le domaine privé n’est pas à considérer comme une solution de rechange au travail lucratif. Les solutions qui permettent de décharger les travailleuses et les travailleurs de care permettent bien plutôt de raffermir leur lien avec le monde pro-fessionnel et, de plus, de leur assurer une protection sociale constante. Pourtant, le modèle à deux apporteurs de revenus/de soins ne mise pas sur la rétribution systématique du travail de care non rémunéré. Au contraire, les objectifs principaux de ce modèle sont la répartition plus large et donc plus égalitaire des tâches de care non rémunérées entre les deux sexes, la responsabilité parentale

65L’ASSOCIATION PROFESSIONNELLE DES GESTIONNAIRES DE FAMILLE exige une reconnaissance du travail familial sous la for-me d’une reconnaissance des compétences acquises dans le cadre de la famille et du ménage, sans pour autant revendi-quer un paiement pour l’accomplissement de ces tâches. Selon les revendications de cette association, cette reconnaissan-ce passe par la mise en plareconnaissan-ce de proreconnaissan-cessus d’équivalenreconnaissan-ce, par la gestion des compétenreconnaissan-ces et par un plan de qualification ; l’association a lancé un projet d’examen professionnel doté d’un certificat fédéral de capacité afin de contribuer à une meil-leure reconnaissance des compétences familiales et domestiques sur le marché du travail

HAUSFRAUEN- UND HAUSMÄNNERGEWERKSCHAFT s’engage lui

aussi en faveur de la reconnaissance du travail domestique et familial, pilier incontournable d’une économie et d’une société prospères ; il revendique par ailleurs l’équivalence de ce type d’activité avec le travail lucratif

conjointe pour la garde des enfants et la compatibilité réelle entre une carrière professionnelle et des responsabilités privées dans le domaine du care.