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Prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI

3 La protection sociale du travail de care non rémunéré en Suisse

3.4 Les prestations sous condition de ressources

3.4.1 Prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI

Pouvoir assurer le minimum vital à l’aide de prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI demeure une mesure importante car, même dans un modèle à deux apporteurs de revenus/de soins, les assu-rances sociales sont en premier lieu liées au travail lucratif. L’insertion professionnelle n’est pas facile pour tout le monde, en particulier parce que certaines et certains assument, dans une mesure plus ou moins importante, des travaux de care non rémunérés. La deuxième fonction des prestations com-plémentaires consiste à couvrir le financement de soins en cas de besoin ; elle est maintenue. Toute-fois, les prestations complémentaires sont déchargées depuis qu’une assurance de soins obligatoire a été introduite (cf. 3.1.3). Le droit aux prestations complémentaires ne fait plus de différence entre les couples dont l’un ou les deux membres sont soignés dans une institution ou dans un hôpital et ceux qui sont soignés à domicile en ce qui concerne la limite de la fortune prise en compte. Le splitting de la fortune, appliqué depuis un certain temps déjà aux personnes soignées dans une institution ou à l’hôpital, est étendu à toutes les bénéficiaires de prestations complémentaires qui reçoivent également une allocation pour impotent.

Le remboursement des frais de maladie ou d’invalidité par le biais de prestations complémentaires permet aussi, en cas de besoin, d’indemniser le travail des proches qui fournissent des prestations de soins, indépendamment du degré de parenté et de l’état civil. Les personnes qui fournissent ces soins peuvent se faire employer directement par la personne soignée ou par les institutions d’aide et de soins à domicile ; elles sont ainsi couvertes par les assurances sociales et, le cas échéant, elles ont droit à des indemnités journalières de chômage lorsque la prestation de soins n’est plus requise.

3.4.1.2 Situation de départ et état du débat

En Suisse, les prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI constituent le SYSTÈME DE PRESTATIONS SOUS CONDITION DE RESSOURCES LE PLUS IMPORTANT EN TERMES FINANCIERS. Ces prestations sont bien établies ; elles fournissent une contribution notable pour ASSURER LE MINIMUM VITAL DES AÎNÉ-E-S, DES SURVIVANT-E-S ET DES INVALIDES lorsque la rente est insuffisante ; par ailleurs, elles couvrent le

FINANCEMENT DES SOINSDANS LES CAS DE NÉCESSITÉ, dans la mesure où ces soins ne sont pas cou-verts par les caisses-maladie et par les cantons (cf. 3.1.3). Aujourd’hui, deux tiers des personnes qui ont droit à des prestations complémentaires vivent dans un ménage privé et le tiers restant dans un EMS. Les pensionnaires des EMS sont en effet nombreux à ne pas pouvoir faire face seuls aux frais élevés de ces établissements.

Les personnes concernées par cette situation ont un droit établi à des prestations complémentaires41

41 Ce droit n’entre en vigueur qu’après dix ans de résidence en Suisse dans le cas des ressortissant-e-s qui ne sont pas ci-toyens d’un État membre de l’UE et de l’AELE. Les prestations complémentaires ne sont pas exportables. De plus, une initiative

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Les prestations complémentaires sont la seule prestation sociale qui ait été étoffée au cours des ré-centes années, dans la mesure où le niveau des prestations maximales et les limites de revenu et de fortune ont été augmentés. En contrepartie toutefois, des prestations sociales sans condition de res-sources ont été été réduites dans le domaine de l’AI et des soins.

Les personnes qui n’ont jamais eu d’activité lucrative ou qui n’ont eu qu’un taux d’activité faible ont elles aussi droit aux prestations complémentaires à l’âge de la retraite et en cas de décès des parents ou du conjoint/de la conjointe. Les prestations complémentaires jouent donc un rôle essentiel dans la protection sociale des personnes qui fournissent un travail de care et qui se retrouvent dans une situa-tion ouvrant droit aux prestasitua-tions complémentaires. La situasitua-tion est un peu différente pour les rentiè-res et les rentiers AI : en cas d’invalidité partielle, le calcul des prentiè-restations complémentairentiè-res tient compte notamment des revenus hypothétiques générés par une activité lucrative acceptable (art. 9, al.

5c LPC). La prise en compte dans le calcul un revenu hypothétique signifie qu’on fait l’hypothèse de l’existence d’un revenu lucratif déterminé, indépendamment de la situation salariale réelle du ména-ge et que la prestation est réduite au pro rata. Au quotidien, l’administration et la jurisprudence tien-nent compte de plusieurs facteurs, notamment les tâches de soins et d’assistance et la garde des enfants, avant d’imputer un salaire hypothétique lors du calcul de la prestation (Carigiet/Koch 2009, 158).

Les prestations complémentaires de l’AVS/AI : quelques chiffres

● En 2009, 13,9% DES RENTIÈRES AVS ET 8,6% DES RENTIERS AVS BÉNÉFICIAIENT DE PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES.Le taux de bénéficiaires de telles prestations est particulièrement élevé chez les femmes séparées ou divorcées.

● Parmi les rentières et rentières AI, les prestations complémentaires se répartissent de manière éga-le entre éga-les deux sexes ; dans éga-le cas des prestations complémentaires versées à des BÉNÉFICIAIRES DE RENTES AVS, PLUS DE DEUX TIERS DES PERSONNES QUI OBTIENNENT DE TELLES PRESTATIONS SONT DES FEMMES.

● Cette différence s’explique par le faible niveau de revenu, mais bien davantage encore par LA

PROBABILITÉ PLUS ÉLEVÉE POUR LES FEMMES DUN SÉJOUR EN EMS : parmi les plus de 84 ans, cette probabilité était en 2008 estimée à 16% POUR LES FEMMES ET 9% POUR LES HOMMES.

Source : Statistiques des prestations complémentaires ; Höpflinger et al. 2011

D’après les calculs de l’Observatoire de la santé (Obsan), l’évolution démographique risque de provo-quer un DOUBLEMENT DU COÛT DES SOINS DE LONGUE DURÉE DICI 2030 pour atteindre 2,8% du PIB (Höpflinger et al. 2011). L’insertion professionnelle accrue des filles et des belles-filles, traditionnelle-ment en charge des tâches de soins et de prise en charge non rémunérées, risque de provoquer un gonflement supplémentaire des coûts. AUJOURDHUI déjà, 17% DES FRAIS DE SOINS SONT PAYÉS PAR LES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES DE L’AVS (OFAS 2008). La charge financière du système des presta-tions complémentaire va donc encore augmenter. Cette tendance, qui pourrait exposer le système des prestations complémentaires à une pression politique à moyen terme, est encore renforcée par l’évolution qui a lieu au niveau de l’AI, où, suite à la dernière révision, bon nombre de rentes partielles ont été réduites. En cas de besoin, les lacunes ainsi apparues doivent être couvertes par des presta-tions complémentaires. La création d’une assurance obligatoire pour couvrir les besoins de soins et de

parlementaire du conseiller national radical Philipp Müller (08.428) entend interdire le regroupement familial des bénéiciaires de prestations complémentaires.

prise en charge (cf. 3.1.3) permettrait de décharger financièrement le système des prestations com-plémentaires tout en désamorçant les éventuelles incitations négatives (Bütler 2009)42

Actuellement, les montants limites en termes de fortune sont variables lorsqu’il s’agit de déterminer le droit d’un couple à percevoir une prestation complémentaire. Lorsque l’un ou les deux membres du couple résident dans un EMS ou à l’hôpital, on procède au fractionnement de la fortune et la limite pour obtenir des prestations complémentaires est fixée individuellement à 60'000 francs pour chacun des membres du couple (référence : 2011). Si le couple vit à son domicile, la limite de 60'000 francs vaut pour le ménage. Cette disparité risque de provoquer des incitations négatives, telles que le pla-cement du couple dans une institution dont le surcoût est à la charge des prestations complémentai-res au lieu de chercher une solution de prise en charge à domicile.

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CERTAINES LÉGISLATIONS CANTONALES prévoient déjà, au chapitre des prestations complémentaires, la possibilité pour les MEMBRES DUNE FAMILLE qui renoncent à une activité lucrative ou qui la réduisent pour assumer des tâches de soins de percevoir une indemnisation à titre de REMBOURSEMENT DE FRAIS DE MALADIE OU DINVALIDITÉ. La compétence de réglementer cette question est accordée aux cantons depuis 2008 et, par conséquent, on trouve des solutions disparates sur le territoire national. Dans le canton de Saint-Gall, par exemple, l’ordonnance applicable prévoit que les soins et la prise en charge de proches peut être indemnisée par des prestations complémentaires, sauf s’il s’agit du conjoint ou de la conjointe pris-e en compte dans le calcul des prestations complémentaires (Carigiet/Koch 2009, 217). La personne qui nécessite des soins peut salarier ses proches au moyen de ces prestations complémentaires, ce qui leur donne une couverture sociale. Par conséquent, les proches qui effec-tuent des tâches de soins peuvent, si nécessaire, percevoir des allocations de chômage lorsque les rapports de soin ont pris fin.

En règle générale, une condition importante doit être remplie pour bénéficier de ce dispositif : il faut que la personne soignante ait effectivement subi une perte de gain importante pendant une période plus longue et qu’elle puisse en fournir la preuve. Si de telles pertes de gain ne peuvent pas être prouvées, les personnes qui effectuent les soins ne peuvent pas demander à être indemnisées au moyen d’une prestation complémentaire. Tel est par exemple le cas lorsqu’une personne a été soi-gnée par ses proches avant d’atteindre la majorité. Comme dans le cas du AI (cf. 3.3.4), le système incite ainsi à choisir une solution de prise en charge coûteuse en institution au lieu de privilégier les soins à domicile. Par ailleurs, il faut relever que dans le contexte des soins par des proches, la notion de proche n’est pas définie avec précision. En général, il s’agit de parents qui prennent en charge leur enfant handicapé adulte ou, à l’inverse, d’enfants qui s’occupent de leurs parents (Carigiet/Koch2009, 218).

3.4.1.3 Champs et possibilités d’action

Les prestations complémentaires de l’AVS/AI sont un instrument essentiel de lutte contre la pauvreté des personnes âgées, des personnes survivante-s et des personnes atteintes d’un handicap.

L’AUGMENTATION DES COÛTS intervenue au cours des récentes années, qui était d’ailleurs attendue et

QUI SEXPLIQUE EN PARTIE PAR DES TRANSFERTS À LINTÉRIEUR DES ASSURANCES SOCIALES, ne doit pas déboucher sur une réduction des prestations aux dépens des bénéficiaires modestes de prestations complémentaires. Des possibilités nouvelles au niveau de l’assurance du risque soins (cf. 3.1.3) et

42 Récemment, le périodique alémanique Beobachter a rendu attentif à un cas d’abus: de jeunes bénéficiaires de rentes AI peuvent se faire verser leur avoir de libre-passage AI; après l’avoir dépensé, ils peuvent obtenir des prestastions complémentai-res de l’AI (cf. Beobachter 17/10, « Freipass für Verprasser »).

des correctifs dans le système des caisses de pension (cf. 3.3.2) sont à même de décharger significa-tivement le système des prestations complémentaires.

Pour éviter les incitations négatives, il convient de remettre en question les dispositions en vigueur à propos des valeurs limites des fortunes des couples pour avoir droit à des prestations complémentai-res, qui font dépendre ces prestations des conditions de domicile. Comme le fractionnement de la fortune est limité aux personnes qui résident dans des EMS ou dans des hôpitaux, cela peut avoir pour effet secondaire indésirable que ces personnes soient placées en institution plus rapidement pour des raisons financières.

Il convient par ailleurs d’approfondir la question de l’opportunité, pour les proches, de renoncer à un travail lucratif au profit d’une activité de soins dans certaines circonstances. Dans ce contexte, il serait bon d’étudier la faisabilité d’une réglementation au plan suisse, au sens d’une indemnisation des pres-tations de soins fournies par des proches telle qu’elle est pratiquée dans certains cantons (prise en compte des coûts salariaux du personnel de soins engagé à titre privé dans le calcul des besoins pour l’obtention de prestations complémentaires). Dans certains cas, des raisons tant économiques que personnelles sont favorables à une telle solution. Il n’en demeure pas moins qu’un examen critique des conséquences du PAIEMENT DES TRAVAUX DE CARE JUSQUE-LÀ ACCOMPLIS SANS RÉMUNÉRATION PAR DES MEMBRES DE LA FAMILLE s’impose afin d’identifier les risques d’un tel changement, tout particuliè-rement en ce qui concerne le dumping salarial et la dépendance financière à l’égard de la personne soignée. Aujourd’hui, la prise en compte du salaire des membres d’une famille qui accomplissent des tâches de care est encore rare, cette solution étant encore mal connue et se présentant sous des formes différentes selon les endroits. Si l’examen de cette formule devait se révéler positif, il s’agira de la faire connaître afin de procurer une couverture sociale nettement améliorée aux personnes qui ac-complissent un travail de care.

Il convient également d’étudier en détail les interactions entre la possibilité d’employer à titre privé un membre de la famille pour des travaux de soins en imputant ces frais aux prestations complémentai-res et la possibilité de faire employer par une institution d’aide et de soins à domicile un proche qui fournit des prestations de soins dans le cadrede l’assurance-maladie. Il faudra enfin évaluer systéma-tiquement les avantages et les inconvénients des deux systèmes. Le cas échéant, une solution uni-forme peut se révéler judicieuse à moyen terme.

Tableau 15 : Champs et possibilités d’action dans le domaine des prestations complémentaires de l’AVS et de l’AI

Adaptations de fond Sans adaptation de la

loi

Avec adaptation de la loi

● Fractionnement de la fortune des couples mariés, même en cas de prise en charge de personnes impo-tentes à domicile.

Non Oui (art. 9, al. 3 LPC)

Amélioration de la protection sociale des proches qui fournissent un travail de soins et d’assistance : examiner les avantages et les inconvénients liés à la prise en compte des coûts salariaux de proches em-ployés à titre privé dans le calcul des besoins pour les prestations complémentaires . Comparer cette solution à celle qui consiste à employer les proches par l’intermédiaire des institutions d’aide et de soins à do-micile et à financer ces prestations au travers de la LAMal.

Oui, examen seulement Oui, en cas de mise en œuvre effective qui

né-cessite une adaptation des législations

cantona-les

3.4.2 Prestations complémentaires pour les familles