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3 La protection sociale du travail de care non rémunéré en Suisse

3.3 Les assurances soicales

3.3.9 Allocations familiales

Les parents obtiennent pour chaque enfant d’abord une allocation familiale, puis une allocation de formation ; ces allocations leur reviennent indépendamment de leur statut professionnel (employé-e-s ou indépendant-e-s, en formation, sans emploi pour raison de santé). Lorsque les parents vivent sépa-rés, les allocations sont versées au ménage où les enfants vivent la majeure partie du temps. Cette allocation permet de compenser partiellement la charge financière supplémentaire encourue par les familles en comparaison avec les adultes sans enfant. Ces allocations sont adaptées au renchérisse-ment et à l’évolution des salaires pour ne pas perdre de valeur.

3.3.9.2 Situation de départ et état du débat

La réglementation entrée en vigueur au plan fédéral début 2009 visant à verser des allocations fami-liales et de formation identiques de 200 francs, respectivement de 250 francs, sur l’ensemble du terri-toire national constitue une avancée historique en termes de péréquation des charges dans le domai-ne des familles, même si, contrairement à l’intention initiale, l’allocation n’est pas versée systémati-quement à tous les enfants. Pour remédier à cette injustice, l’ancien conseiller national PCS Hugo Fasel avait déposé une initiative parlementaire en 2006 (06.476), qui demandait de concrétiser le principe « UN ENFANT UNE ALLOCATION » dans une deuxième étape. Les commissions des deux Chambres avaient approuvé l’initiative, tout en limitant son applicabilité aux personnes indépendantes et privant ainsi d’allocation les parents sans activité lucrative du fait d’une formation ou d’une maladie.

Alors que le Conseil national avait accepté lui aussi cette proposition, le Conseil des États la refusait dans un premier temps, n’entrant en matière que lors de l’élimination des divergences mais renvoyant l’initiative aux commissions. Un différend a alors enflammé le débat : fallait-il assujettir désormais à la caisse de compensation familiale les familles paysannes, alors que jusque-là les allocations familiales pour les familles paysannes étaient payées par la Confédération et financées par des rentrées fisca-les. A son deuxième passage, la proposition a passé la rampe des deux Chambres, sans changement pour les familles paysannes par rapport à la situation actuelle.

Les allocations familiales : quelques chiffres

DES ALLOCATIONS FAMILIALES d’un montant minimal de 200 FRANCS et des ALLOCATIONS DE FORMATION d’un montant minimal de 250 FRANCS sont versées à tous les parents qui ont un statut salarié.

Le conseiller national PDC Luc Barthassat demande dans une initiative parlementaire (10.438) que des allocations familiales spéciales soient versées aux pères et aux mères qui abandonnent leur acti-vité professionnelle pour se consacrer à un enfant. La Commission de la sécurité sociale et de la

san-té publique du Conseil national (CSSS-N) propose de ne pas donner suite à cette initiative, qui n’a pas encore été traitée par les Chambres. Le conseiller national PDC Meinrado Robbiani demande en outre dans une motion (09.3571) que le droit aux allocations familiales soit amélioré en cas de maladie. Le parlementaire rappelle que la loi sur l’assurance-accidents contient déjà une telle disposition. La Confédération estime que cet aspect relève de la compétence des cantons et recommande son rejet.

La motion, en suspens depuis plus de deux ans, a été classée en juin 2011. Le canton de Genève demande quant à lui dans une initiative cantonale que, lorsque les parents vivent séparés, l’allocation familiale soit versée directement au parent qui a la garde effective des enfants. Actuellement, tel n’est souvent pas le cas si l’autre parent a un taux d’activité plus élevé ; cette situation est une source de conflits fréquente. Les commissions de la sécurité sociale et de la santé publique des deux Chambres ont néanmoins voté en faveur du rejet de cette proposition et le Conseil des États s’est rallié à elles ; les chances de voir cette initiative cantonale adoptée par le Conseil national sont par conséquent min-ces.

3.3.9.3 Champs et possiblités d’action

Les allocations familiales et de formation constituent des instruments importants pour réduire quelque peu les charges financières subies par les parents, surtout quand plusieurs enfants vivent dans la famille. Ces allocations permettent de dégager un peu plus de temps pour le travail de care durant les premières années de vie des enfants. Ultérieurement, les allocations familiales contribuent surtout à financer les dépenses de consommation croissantes des enfants. Le montant que doivent avoir ces allocations est une question politique. Or, les enfants continuent de coûter même si leurs parents sont en formation ou malades et les parents dans une telle situation subissent une pression financière im-portante, souvent même supérieure à celle des autres parents. Par conséquent, le principe « un en-fant – une allocation » reste un objectif important si l’on veut tenir compte un tant soit peu des tâches de care familiales qui apparaissent dans toutes les situations de vie. Il est en outre souhaitable que ces allocations soient versées au ménage où vivent effectivement les enfants.

Tableau 14 : Champs et possibilités d’action dans le domaine des allocations familiales

Adaptations de fond Sans adaptation de la

loi

Avec adaptation de la loi

Un enfant – une allocation, y compris pour les parents en formation ou malades.

Non Oui

Versement direct au ménage où les enfants vivent la plupart du temps.

Non Oui

3.3.10 Conclusion

Pour simplifier, on peut dire que le système de sécurité sociale suisse est structuré de manière à considérer que LE TRAVAIL DE CARE NON RÉMUMÉRÉ VA DE SOI ET DONC QUE LA DÉPENDANCE DE PRESTATIONS DE CARE NEST PAS UN RISQUE DE LEXISTENCE QUI A BESOIN DÊTRE COUVERT PAR UNE ASSURANCE. Les assurances sociales visent avant tout la compensation de la perte de revenu éven-tuelle liée à différents risques de l’existence ; elles sont liées au travail rémunéré et non au travail considéré dans un sens plus large. Au contraire, le travail de care non rémunéré est considéré comme étant automatiquement assuré par le biais du revenu du soutien de famille.

C’est CE PARTI PRIS QUI EST À LORIGINE DE BON NOMBRE DE PROBLÈMES, qui ne sont pas réellement nouveaux. Toutefois, compte tenu des modèles de vie et des configurations familiales qui ont changé, et compte tenu de la fragilisation des parcours professionnels, cette orientation des assurances socia-les présente des risques accrus pour l’ensemble de la population, y compris pour socia-les hommes.

Ainsi, les besoins de care ne sont pas couverts notamment lorsque la famille ne joue pas son rôle d’assurance sociale faute de réseau performant avec des disponibilités en temps élevées. Ce phéno-mène apparaît plus particulièrement dans le contexte de la prise en charge et des soins aux person-nes âgées. LA PRÉSENCE OU NON DUN-E PARTENAIRE fait une différence importante dans ce contexte.

La TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE se caractérise par la diminution du nombre des descendant-e-s sus-ceptibles d’aider ou par leur absence totale (du moins géographiquement proches) et LETAUX DACTIVITÉ PROFESSIONNEL ACCRU DES FILLES ET DES BELLES-FILLES réduit leur disponibilité temporelle par rapport aux générations précédentes. Dans ce domaine des soins et de la prise en charge, les lacunes en termes d’assurance sociale sont de plus en plus visibles. Les assurances-maladie et les cantons se bornent à financer une partie des prestations de soins, mais ne couvrent pas la prise en charge, souvent plus gourmande en temps. Le reste ne peut être couvert par des prestations com-plémentaires que sous condition de ressources (cf. 3.4.1). Des problèmes analogues existent au ni-veau du RISQUE, NON COUVERT PAR LES ASSURANCES, QUE COURENT LES ENFANTS DE VOIR LEURS PARENT SE SÉPARER,mettant ainsi en péril les disponibilités financières permettant d’assurer la prise en charge et l’entretien des enfants (cf. 3.1.2 et 3.4.3).

Bon nombre des améliorations qui ont été réalisées dès les années 1990 sous le titre « Droits égaux pour femmes et hommes » ont contribué à mieux protéger le travail de care. Les bonifications pour tâches éducatives et d’assistance dans le calcul des prestations AVS en constituent un bel exemple.

Mais la nécessité d’accomplir des travaux de care non rémunérés et la question de la conciliation future des travaux de care et des activités lucratives n’ont pas été systématiquement prises en compte lors de la restructuration proposée de l’État social. De même, les tâches de care n’ont toujours pas été complètement débarrassées de leur connotation genrée. Cette deuxième étape reste à accomplir aujourd’hui : les différences qui subsistent aujourd’hui dans le système de la sécurité sociale en fonc-tion du sexe ou de l’état civil devront être remplacées par LE CRITÈRE DU CARE, À SAVOIR PAR LA QUESTION : CETTE PERSONNE ASSUME-T-ELLE OU NON DES TÂCHES DE CARE ? Celles et ceux qui accom-plissent des tâches de care à un moment donné de leur vie méritent une protection sociale supplé-mentaire, indépendamment de leur sexe et que ces tâches soient effectuées ou non dans le cadre d’un mariage ou d’un concubinat.

Pour offrir la possibilité croissante de FINANCER SES PROPRES TRAVAUX DE CARE PAR LE BIAIS DUNE MEILLEURE INSERTION PROFESSIONNELLE INDIVIDUELLE, la question de la CONCILIATION de ces deux types de tâches est essentielle. Une telle approche suppose non seulement des STRUCTURES DACCUEIL pour les personnes demandeuses de care, mais aussi des ADAPTATIONS DANS LE MONDE du travail. L’État social est aussi appelé à assurer, pendant les périodes de forte charge de care, la possibilité de

PRENDRE DESCONGÉS DE CARE ET DE RÉDUIRE LE TAUX DACTIVITÉ de façon à permettre de concilier ef-fectivement travail lucratif et travail de care non rémunéré (cf. 3.1.3 et 3.3.8). Tant que ces possibilités de se décharger ne seront pas accessibles indépendamment du genre et sans retard de carrière, les responsabilités de care demeureront synonymes de handicap sur le marché du travail ; elles le reste-raient d’ailleurs même si les tâches de care non rémunérées étaient réparties de manière égale entre les deux sexes.

Un inconvénient financier supplémentaire peut apparaît lorsqu’une personne responsable de tâches de care a un emploi précaire, irrégulier, indépendant ou limité dans le temps qui lui procure un revenu faible et qui, de plus, est mal couvert par les assurances sociales, ce qui est le cas aujourd’hui pour presque toutes les assurances sociales à l’exception de l’AVS. Toutes les mesures destinées à amé-liorer, dans le système de sécurité sociale, la condition des personnes qui sont dans une situation financière précaire malgré un taux d’activité élevé (« working poor ») contribuent aussi à améliorer la situation des personnes en charge de tâches de care. La situation est PARTICULIÈREMENT

INSATISFAISANTE au niveau des CAISSES DE PENSION (cf. 3.3.2) et de LASSURANCE DINDEMNITÉS JOURNALIÈRES EN CAS DE MALADIE (cf. 3.3.6)

L’approche de l’ACTIVATION fait son chemin, jusque dans le domaine des assurances sociales (cf. 2.1).

Dans l’optique du care, cette approche comporte à la fois des AVANTAGES ET UN POTENTIEL

DISCRIMINATOIRE. L’avantage réside dans le fait que les mesures d’insertion profitent notamment aux personnes qui, du fait d’activités de care présentes ou passées, ont davantage de difficultés à prendre pied dans la vie active ; ces mesures permettent d’accroître la capabilité de ces personnes au sens d’Amartya Sen (cf. 3.2.2). Quant au potentiel discriminatoire, il réside dans le fait que les activités de care sont soit négligées, soit oubliées, les doubles responsabilités et les problèmes de compatibilité n’étant pas pris en compte de manière adéquate ou alors les prestations de soutien n’étant accordées unilatéralement que lorsqu’une insertion professionnelle immédiate semble possible.

Lorsqu’on considère les deux décennies passées, on constate que la protection sociale du travail de care non rémunéré a enregistré à la fois des AMÉLIORATIONS ET DES DÉGRADATIONS. Parmi les avan-cées les plus significatives, citons l’instauration de l’assurance-maternité obligatoire ainsi que des bonifications pour tâches éducatives et pour tâches d’assistance dans le cadre de l’AVS. Les pro-grammes d’austérité de l’État ont toutefois eu des retombées négatives : les révisions de l’assurance-chômage ont ainsi augmenté à quatre heures par jour la durée du temps de déplacement jugé accep-table pour un travail, sans prendre de mesures de protection explicites pour les familles afin d’assurer la compatibilité entre travail et famille.

AUJOURDHUI, ON NE PEUT PAS DIRE QUUNE POLITIQUE DE RÉFORMES COHÉRENTE ait été menée dans le domaine des assurances sociales pour chercher à prendre en compte la réalité sociétale nouvelle, dans laquelle les deux sexes cherchent à assumer à la fois des tâches lucratives et des tâches de care et à les concilier. Les démarches qu’il conviendrait d’entreprendre dans les différentes branches des assurances sociales pour avancer vers ce but sont résumées dans le tableau synoptique n° 20 à la page 138.