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Chapitre I : Effets sur les droits entre époux

2. Régime matrimonial

A) Canada

En ce qui concerne le régime matrimonial, plusieurs provinces et territoires du Canada ont reconnu la relation polygamique par codification législative. En effet, les femmes polygamiques sont reconnues comme

« conjointes de fait » en vertu la loi en l’Ontario,307 au Yukon,308 sur l’Île du Prince Édouard,309 aux Territoires du Nord-Ouest310 et au Nunavut311 afin de

306 Même une recherche superficielle révèle une application fréquente devant le tribunaux français.

307 Ontario, Loi sur le droit de la famille, op. cit. note 196, s. 1(2).

308 Yukon, Loi sur le patrimoine familial et l’obligation alimentaire, LRY 2002, c 83, s. 1.

309 Île-du-Prince-Édouard, Family Law Act, op. cit. note 196, s. 1(1).

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McLeod, les cours ontariennes ont suivi le raisonnement de l’arrêt de Mahoney v. King au moins deux fois récemment, dans les arrêts Saveski v.

Carstensen316 et Su v. Lam.317 Dans Saveski v. Carstensen, la Cour soulignait que le fait d’être toujours marié, de continuer à recevoir le courrier à sa résidence matrimoniale et encore d’être copropriétaire de cette résidence ne changeait rien au fait de pouvoir être conjointe de fait de son amant au regard du régime matrimonial. Dans Su v. Lam, les deux conjoints de fait étaient encore mariés à leurs époux, et le tribunal admit que cela pouvait avoir un impact au niveau de la preuve. Néanmoins, le tribunal trouva que cela ne créait pas d’obstacle pour estimer qu’il s’agissait de conjoints de fait au sens de la loi successorale et, plus fort en ce qui concerne les pensions alimentaires, au sens de la Loi sur le droit de la famille ontarienne.318

Mais ce n’est pas seulement en Ontario que les relations quasi-polygamiques sont reconnues selon le régime matrimonial au Canada. Au Saskatchewan, l’arrêt Thurlow v. Shedden319 confirmait de même que les conjoints étaient des conjoints de fait et qu’une personne peut être obligée de rembourser à sa conjointe non seulement la moitié de la valeur de la résidence partagée pendant la cohabitation, mais aussi une obligation alimentaire. Le juge J.D. Koch soulignait que l’article 293 du Code criminel interdisant la polygamie ne s’appliquait pas, sans d’ailleurs donner de raisons plus détaillées.320 Cet arrêt doit être lu avec la décision de la Cour Suprême du Canada Walsh v. Bona,321 dans laquelle le juge Bastarache trouvait que la décision de ne pas se marier avait pour conséquence de ne pas avoir accès au partage des biens, mais que d’autres moyens, comme un contrat familial, pourraient représenter une alternative.

Un arrêt venant la Colombie-Britannique en 1992 se rapproche probablement le plus d’un jugement impliquant une relation

316 Saveski v. Carstensen, 2009 CarswellOnt 4645 (Ont S.C.J.).

317 Su v. Lam, 2011 ONSC 1086 (Ont S.C.J.).

318 Loi sur le droit de la famille, op. cit. note 196.

319 Thurlow v. Shedden, 2009 SKQB 35.

320 Ibid., au par. 20-23.

321 Nouvelle-Écosse (Procureur général) c. Walsh, 2002 CSC 8.

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B) France

Pour le régime matrimonial, la situation est similaire en France et il peut exister une obligation alimentaire aux épouses polygamiques, ce que la Cour de cassation a reconnu par application de la loi personnelle des époux, à savoir leur loi nationale commune ou, à défaut, la loi de leur domicile commun. 325 Ce principe a été reconnu depuis les deux arrêts

« Chemouni ».326

M. Chemouni était un Israélite tunisien qui était déjà marié depuis 1940 avec Mme Valensi. En 1945, M. Chemouni contracta en Tunisie un second mariage selon la loi mosaïque avec Mme Krieff, avec laquelle il avait deux enfants. Ensuite, M. Chemouni s’installa en France et abandonna la seconde épouse pour y vivre avec la première. Mme Krieff demanda donc devant la juridiction française le versement d’une pension alimentaire. Après un rejet de la Cour d'appel, la Cour de cassation condamna M. Chemouni à verser une pension alimentaire à Mme Krieff. M. Chemouni invoqua ensuite la nullité de son mariage. Selon la Cour de cassation le second mariage était valable au regard de la loi personnelle des deux époux, et le mariage avec Mme Krieff avait été valablement contracté à l'étranger conformément à la loi compétente au fond comme en la forme. La Cour décida de reconnaître l'effet atténué de l’ordre public puisqu’il serait injuste de permettre à M. Chemouni de se dégager de ses obligations.327

À défaut de contrat de mariage seul le régime de séparation de biens semble compatible avec la polygamie.328 Chacun repart donc avec ses biens, et pour les biens détenus par les époux, ils sont considérés appartenir aux époux à un tiers (au cas de trois époux), à moins d’une preuve contraire.

325 Fadlallah, op. cit. note 100, au par. 39; Cass civ 1re, 28 janv. 1958, (1958); Cass civ 1re, 20 oct. 1987, (1988) Rev. crit. DIP 540 (annotation Y. Lequette); Cass civ 1re, 19 fév. 1963;

Cass. 1re civ., 24 sept. 2002.

326 Ibid.

327 Ibid.

328 Béatrice Bourdelois, « Mariage polygamique et droit positif français », (1993) 45:4 RIDC 933–935 [Bourdelois, « Mariage »]; Géraud, « Effets », op. cit. note 266; Éric Fongaro,

« L’adaptation du droit patrimonial de la famille au mariage polygamique » (2007) 35 Revue Lamy Droit Civil 51–57.

Dans tous les autres cas, on doit se référer soit « à un recours à la volonté tacite des époux, réputés s’être référés au régime légal de la loi qui autorise la polygamie, soit à l’acte de mariage qui comporterait des stipulations, telle la dot, impliquant la séparation de biens, soit à la difficulté de faire fonctionner des communautés simultanées, au moins à partir du second mariage. »329 Pour trouver une solution à la difficulté de coordonner des communautés successivement instaurées, les juges s’inspirent des cas de bigamie, si le second mariage est putatif, donc conclu à bonne foi par la seconde épouse.330 En principe, selon les recherches du professeur Fadlallah, la volonté des époux demeure prépondérante, mais toujours dans le cadre des règles classiques du régime matrimonial.331

Notre recherche démontre que les tribunaux français sont beaucoup plus habitués à reconnaître les relations polygamiques pour des fins d’équité et d’égalité en ce qui concerne les droits entre les époux, et les juges n’hésitent pas à atténuer l’application stricte de la prohibition polygamique afin de contrebalancer les effets négatifs que la non-reconnaissance de la polygamie pourrait avoir. Au Canada, les cours sont moins familiarisées avec les cas de polygamie en soi, mais nous avons vu que les tribunaux sont prêts à conférer des droits successoraux et des droits résultant d’un régime matrimonial de conjoints de fait. En réalité, cette acceptation par les juges a pour résultat dans une reconnaissance partielle des relations quasi-polygamiques par les tribunaux au Canada et en France pour ces fins spécifiques.

329 Fadlallah, op. cit. note 97, au par. 42.

330 Ibid.; Philippe Malaurie et Laurent Aynès, Les régimes matrimoniaux, 3e éd., Defrénois, 2010, à la page 571;Cass Civ 2e, 5 nov. 2015, 14-25.565, Inédit.

331 Fadlallah, op. cit. note 97, au par. 42.