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Régime dynamique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 189-197)

Étudions maintenant la formation de bulle interfaciale lorsque la vitesse de mon-tée v est non nulle. Au lieu de se placer au seuil d’existence de la demi-caténoïde symétrique et de sonder son effondrement, nous imposons maintenant au cadre, ini-tialement immergé dans le bain liquide, une vitesse d’ascension constante v. Nous nous intéressons à l’évolution de la tailleRb de la bulle interfaciale créée en fonction deR etv, dans les cas inviscide et visqueux.

3.2.1 Petits cadres : vitesse critique

Dans le paragraphe précédent, nous avons montré que lorsque R était inférieur à une certaine taille de coupure, respectivement de l’ordre de Rc,i et Rc,v dans les cas inviscide et visqueux, aucune bulle ne se formait en régime quasi-statique. Nous montrons dans la suite qu’il est possible de créer une bulle en régime dynamique en imposant une vitesse v suffisamment grande. Au-delà de cette vitesse critique, la taille de la bulle est une fonction croissante de la vitesse ; nous cherchons ici à déterminer cette vitesse seuil, en présentant de façon disjointe les résultats obtenus dans le cas inviscide, puis le cas visqueux.

v

c,i

Figure7.13: Cas inviscide : évolution de la taille de la bulle interfaciale Rb, norma-lisée par R, en fonction de v. Les symboles pleins correspondent à la solution d’eau savonneuse, les symboles vides correspondent à la solution de SDS.

3. FORMATION D’UNE BULLE INTERFACIALE À LA SURFACE DU BAIN 177

t v

v

c,i

Figure7.14: Cas inviscide : séries de photos expérimentales prises de part et d’autre de la vitesse critique de transitionvc,i, avec la solution de SDS etR= 2.2mm. Notons en particulier la présence d’une « langue » d’air envahissant l’intérieur du film de savon qui, si elle n’est pas chassée par le liquide provenant du ménisque (v > vc,i), donne naissance à une bulle, entourée en rouge pour plus de visibilité.

LorsqueR≤Rc,i, le liquide présent dans le ménisque est mis en mouvement pendant un temps typique τp ∼ (γ/ρlg3)14 (voir Éq. 7.5), permettant ainsi de chasser inté-gralement l’air compris à l’intérieur dufilm de savon. Mais le film est tout de même capable d’emprisonner de l’air situé plus haut, et donc former une bulle (Fig. 7.14), si le temps de montée du cadre sur une longueur typique du ménisque κ1 est suffi-samment court devant le temps de mise en mouvement de ce même ménisque. Nous pouvons donc traduire ce critère de création de bulle en termes mathématiques :

κ1 v <

� γ ρlg3

14

, (7.19)

v > vc,i

�γg ρl

14

. (7.20)

L’expression de cette vitesse critique ne dépend pas de R, et son ordre de grandeur est de 130 mm.s−1. Ce mécanisme conforte donc les résultats expérimentaux dans le cas inviscide. Il est intéressant de remarquer que cette échelle de vitesse inter-vient également dans les ondes gravito-capillaires : à un facteur près, elle fixe la

CHAPITRE 7. ÉTUDE DYNAMIQUE D’UNE DEMI-CATÉNOÏDE SYMÉTRIQUE EN MONTÉE vitesse minimale d’une perturbation de la surface libre pouvant engendrer de telles ondes [161].

Cas visqueux Le même type de comportement est observé avec des fluides vis-queux pour des cadres de rayon R ≤ Rc,v, mais les vitesses critiques mesurées sont désormais plus faibles, et dépendent fortement de la viscosité de la solution (Fig. 7.15). Après avoir préparé des mélanges permettant d’explorer une large échelle de viscosité, il apparaît que cette nouvelle vitesse critique, notée vc,v, est une fonc-tion décroissante de la viscosité, et semble tendre vers une valeur de l’ordre de vc,i

pour des viscosités suffisamment faibles.

v

´

v

c,v

l

Figure 7.15: Cas visqueux : évolution de la taille de la bulleRb, normalisée par R, en fonction de v. Chaque série de symboles correspond à une solution de viscosité donnée : ηl = 0.1 Pa.s (�), 0.35 Pa.s (•), 1.44 Pa.s (�), 6.4 Pa.s (�), 35 Pa.s (�).

Toutes les mesures ont été effectuées avec un cadre de rayonR = 2.2 mm.

Pour comprendre ce nouveau résultat, tentons de réexprimer un critère temporel permettant au système de piéger une bulle d’air au cours du processus de pincement (Fig. 7.16). PuisqueRc,v ∼κ1, la taille pertinente devient ici la longueur capillaire κ−1, indépendamment de la taille R du cadre. En reprenant l’expression des temps caractéristiques de pincement dans le cas visqueux, prenons garde au fait que le temps de mise en mouvement du ménisque à prendre en compte ici n’inclut pas le temps d’amincissement de la colonne liquide, celui-ci s’effectuant a posteriori, indé-pendamment de la présence ou de l’absence de bulle. De fait, par analogie avec le raisonnement précédent, le système parviendra à emprisonner de l’air si le temps de montée sur une longueur typique du ménisqueκ−1 est suffisamment petit devant le temps de mise en mouvementηlκ1/γ de ce même ménisque. Ce critère se réexprime

Cette prédiction est testée sur la figure 7.17, celle-ci prouvant une excellente corré-lation, avec un préfacteur satisfaisant de l’ordre de 2.

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t v

c,v

Figure7.16: Cas visqueux : séries de photos expérimentales prises de part et d’autre de la vitesse critique de transition vc,v, avec l’huile silicone de viscosité 6.4 Pa.s et R = 2.2 mm. La bulle, formée pour v > vc,v, est entourée en rouge pour plus de visibilité.

° / ´l

vc,i

vc,v

° / ´l,c

Figure 7.17: Vitesse seuil de création de bulle dans le cas visqueux : comparaison entre l’expérience et la prédiction donnée par l’équation 7.22.

CHAPITRE 7. ÉTUDE DYNAMIQUE D’UNE DEMI-CATÉNOÏDE SYMÉTRIQUE

Figure 7.18: Allure générale de la vitesse critique en fonction de la viscosité de la solution, cas inviscide et visqueux confondus. Toutes les mesures ont été effectuées avec un cadre de rayon R= 2.2mm.

Transition entre les deux régimes Étudions à présent le raccordement entre les cas inviscide et visqueux décrits plus haut, afin d’estimer à partir de quelle viscosité critique ηl,c la solution peut être considérée comme visqueuse vis-à-vis de cette expérience. La transition s’effectue lorsque les vitesses critiques associées aux deux cas deviennent du même ordre de grandeur :

�γg

Tous les mélanges utilisés ayant approximativement la même tension de surface γ = 20 mN.m1, nous obtenons ηl,c ∼ 0.17 Pa.s. Ainsi, au-dessus de cette visco-sité, le mécanisme est visco-capillaire ; en-dessous, le mécanisme est inertio-capillaire (Fig. 7.18). L’évaluation de cette viscosité typique justifie également que les vitesses critiques mesurées pour les mélanges les moins visqueux soient proches de la valeur déterminée dans le cas inviscidevc,i, indépendante de la viscosité de la solution.

3.2.2 Grands cadres

La figure 7.19 représente la variation de la quantité Rb/R en fonction de la vitesse, dans les cas inviscide et visqueux. Les deux graphes montrent que la taille de la bulle créée est une fonction croissante de la vitesse d’ascension du cadre, et que cette croissance est très différente selon le graphe considéré.

Cas inviscide Dans le cas inviscide, nous pouvons distinguer un plateau quasi-statique lorsque la vitesse est typiquement inférieure à 10 mm.s−1, et pour lequel Rb/R ne dépend pas de v : on retrouve la valeur discutée dans le régime quasi-statique. Au-delà de cette vitesse typique, le système évolue continûment vers un 3. FORMATION D’UNE BULLE INTERFACIALE À LA SURFACE DU BAIN 181

v

visqueux

Figure 7.19: Évolution de la taille de la bulle interfaciale Rb, normalisée par R, en fonction de v. Le graphe supérieur correspond au cas inviscide : la gamme de rayon sondée est R = 2.5−6.5 cm. Le graphe inférieur correspond au cas visqueux (ηl = 6.4 Pa.s) : la gamme de rayon sondée est R = 0.7−3.6 cm. Chaque jeu de symboles correspond à un rayon R fixé.

régime dynamique pour lequelRb/Rcroît avecv. Tentons de décrire cette croissance en utilisant des arguments physiques simples. Dans le régime quasi-statique, rappe-lons que la forme conique du film de savon au moment du pincement a permis de déterminer la tailleRb de la bulle interfaciale en fonction de la hauteur de pincement hp,qs (Éq. 7.18). De fait, la hauteur de pincement quasi-statique vérifie :

hp,qs∼R, (7.25)

puisque nous avons montré que la taille de la bulle interfaciale formée dans le régime quasi-statique était elle-même proportionnelle au rayon R du cadre (Fig. 7.10). En imposant désormais au cadre une vitesse v, introduisons empiriquement dans l’ex-pression généralisée de la hauteur de pincement hp une contribution dynamiquehp,d

telle que :

hp =hp,qs+hp,d. (7.26)

Le raccordement au régime quasi-statique impose d’avoir hp,d = 0 si v = 0. En tenant compte de cette condition, la façon la plus simple d’écrire hp,d, et confortée par les expériences, correspond à la relation suivante :

hp,d =

τp

0

vdt∼v

�ρaR3

γ , (7.27)

CHAPITRE 7. ÉTUDE DYNAMIQUE D’UNE DEMI-CATÉNOÏDE SYMÉTRIQUE EN MONTÉE

(a) (b) (c)

(d) (e)

Figure 7.20: En régime dynamique, le film de savon adopte une forme approxima-tivement conique au moment du pincement, quelle que soit la vitesse v : 20 (a), 50 (b), 100 (c), 200 (d), 400 (e) mm.s−1. Le rayon du cadre vaut R= 3.6cm.

en faisant intervenir le temps de pincement inertio-capillaire pour les grands cadres dans le cas inviscide. Physiquement, cette hauteur de pincement dynamique s’inter-prète comme la distance verticale supplémentaire parcourue par le cadre pendant le temps de pincement typique du film. En première approximation, le film de sa-von conserve au moment du pincement une forme conique en régime dynamique (Fig. 7.20), dont le rayon à la base est fixé par le rayon du cadre. De fait la conser-vation du volume impose à présent :

hpR2 ∼Rb3, (7.28)

soit en injectant la forme dehp,d donnée par l’équation 7.27 : R3b ∼c1R3 +c2v

�ρa

γ R72, (7.29)

avecc1 etc2 deux coefficients d’ajustement sans dimension. Il vient finalement : Rb

R ∼C1(1 +C2

We)13, (7.30)

avec C1 et C2 deux nouveaux paramètres d’ajustement sans dimension, et We le nombre de Weber défini comme :

We= ρav2R

γ . (7.31)

Cette analyse dimensionnelle prédit ainsi aux fortes vitesses une dépendance en We16, soit une dépendance en v13 du rapport Rb/R. Remarquons que la très faible puissance en R16 justifie le fait que les séries expérimentales mesurées pour diffé-rentes valeurs de R ne se séparent presque pas sur la gamme de taille sondée pour les grands cadres5 : R=2.5−6.5 cm. Un ajustement des différents jeux de données

5. Il est expérimentalement difficile de travailler avec des cadres de rayon plus grand dans le régime dynamique.

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We

Figure 7.21: Cas inviscide : ajustement des résultats expérimentaux tirés de la figure 7.19 par l’équation 7.30, avec pour paramètres C1 = 0.15,C2 = 125.

expérimentaux par la relation 7.30 est en assez bon accord (voir Fig. 7.21), même s’il convient de garder à l’esprit que ce processus est en réalité bien plus compliqué.

Cas visqueux Les résultats expérimentaux dans le cas visqueux apparaissent plus dispersés, il semble difficile de dégager une tendance générale d’évolution. En parti-culier, les différentes séries expérimentales ne se superposent pas aux vitesses faibles, suggérant queRne soit pas l’unique taille pertinente dans le processus de pincement.

Cette constatation confirme par ailleurs que le pincement d’une demi-caténoïde sy-métrique visqueuse apparaisse très différent du cas inviscide, tant au regard desfilms (voir Fig. 7.22) qu’au niveau des échelles de temps mises en jeu, par comparaison directe des figures 7.4 et 7.7. En revanche, au-delà d’une vitesse de l’ordre de vc,i, les courbes se superposent.

t

Figure 7.22: Séquence de photos illustrant l’effondrement d’unfilm visqueux (huile silicone de viscosité ηl=6.4 Pa.s), pour un cadre de rayon R=0.9 cm et une vitesse ascendante v = 0.3m.s−1.

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4 Formation d’un fi lm plan sur le cadre

Observons à présent le comportement du film plan formé suite à l’effondrement de la demi-caténoïde symétrique, et venant s’appuyer sur le cadre circulaire. Nous décorrélons ici deux processus subis par ce film plan. Aux temps courts (en-dessous de la seconde), celui-ci subit des oscillations amorties, nous tentons de comprendre et de décrire l’onde stationnaire qui ébranle le film pendant ces premiers instants.

Aux temps longs (de l’ordre de quelques secondes à quelques minutes dans le cas inviscide), les oscillations sont complètement atténuées, et lefilm voit son épaisseur diminuer au cours du temps. Nous proposons une modélisation de cet amincissement.

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