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La diaboloïde symétrique

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4.1.1 Description géométrique

La diaboloïde se compose d’une double caténoïde s’appuyant sur deux anneaux de rayonsR1etR2et sur unfilm plan, de rayonA, situé entre les anneaux (Fig. 6.28).

La distance entre les deux anneaux est notée h, la distance entre le film plan et l’anneau 1 (resp. 2) est notée h1 (resp. h2). La portion de caténoïde construite sur l’anneau 1 (resp. 2) est notéeΣ1 (resp. Σ2), lefilm plan est noté Σp. L’étude est de

14. Cettefigure a été baptisée en référence au jeu de jonglage bien connu, le diabolo.

4. LA DIABOLOÏDE 139

ρ2(z) = a2cosh z a2

+C2 . (6.52)

Comme précédemment, supposonsR1,R2ethfixés. Pour déterminer les 7 constantes (a1, C1, h1, a2, C2, h2, A), les quatre premières conditions aux limites s’écrivent

Pour pouvoir résoudre le système, deux conditions aux limites supplémentaires sont à imposer. Celles-ci sont dictées par la stabilité du bord de Plateau de part (1ère condition) et d’autre (2ème condition) du film plan horizontal. Rappelons ici que les deux premières lois de Plateau [140, 145] imposent pour toute surface d’un film de savon la dérivabilité (la surface est « lisse ») et une courbure moyenne uniforme en tout point. Cette courbure moyenne est d’ailleurs nulle ici, puisque toutes les surfaces minimales étudiées sont ouvertes. Dans le cas présent, la 3ème loi de Plateau énonce que les trois angles, autour du cercle de rayon A rejoignant les trois surfaces en présence Σ1, Σ2 et Σp, doivent être identiques et égaux à 2π/3 (Fig. 6.28). Notons tout de même que ces conditions sont valables dans la limite d’un film de savon

« sec ». En réalité, la fraction volumique de liquide contenue dans un film de savon n’est pas nulle, et des études récentes, vis-à-vis des conditions de Plateau, montrent que ceci engendre des angles légèrement différents de 2π/3[127]. Cet effet, attribué à la présence d’une tension de ligne négative, concerne d’ailleurs plus généralement la physique des mousses, et montre que dans certaines conditions, une approche purement géométrique n’est pas suffisante pour décrire la conformation des films de savon. Comme la correction appliquée, de l’ordre de 2% sur les angles, reste très faible, nous laissons de côté cet effet dans la présente analyse. Mathématiquement, les pentes locales des deux caténoïdes en z=0 s’expriment donc :

ρ1(z = 0) = sinhC1 = tanπ

CHAPITRE 6. DESCRIPTION DE QUELQUES SURFACES MINIMALES : INFLUENCE DES CONDITIONS AUX LIMITES ET DE SYMÉTRIE soit finalement :

En revenant ici à la caténoïde symétrique, remarquons que cette dernière impose, au lieu de2π/3, un angle deπau niveau du rayon de gorge : il n’y a en effet aucune rupture de pente dans cette géométrie simple. En plaçant de la même façon son rayon de gorge à la position z = 0, il vient alors immédiatement16 C1 =C2 = 0. Ce point se révèle intéressant un peu plus loin. La résolution des conditions aux limites s’achève en écrivant à nouveau, enz =h1,−h2 :

En contraste avec les résultats obtenus avec la caténoïde symétrique, remarquons que le fait d’imposer des angles de 2π/3 sur le bord de Plateau, ce qui revient à avoir C �= 0, implique une borne supérieure différente pour a, en veillant à garder h1 >0, h2 >0. Ainsi :

En revanche, il est immédiat de montrer que A est borné de la même façon que le rayon de gorge de la caténoïde, c’est-à-dire :

A <min(R1, R2). (6.66) Cette quantité étant par ailleurs aisément mesurable expérimentalement, le raison-nement se poursuit au moyen de cette grandeur, au détriment de la constantea.

4.1.2 Existence et stabilité

Par analogie avec le traitement mathématique de la caténoïde, nous pouvons réécrire la condition aux limites en z = h1 (Éq. 6.55) de façon adimensionnée, en rappelant que dans le cas symétrique, R1 =R2 =R :

cosh(Δ1X+C) =X, (6.67)

15. En anticipant sur la partie suivante, mentionnons que ces premières conditions sont aussi bien valables dans le cas symétrique ou asymétrique. L’asymétrie commence à se faire ressentir à partir de l’équation 6.62.

16. L’apparente contradiction avec le résultat obtenu précédemment pour une caténoïde symé-trique,C=h/2a, tient seulement d’un choix différent pour la position de l’origine de l’axe(Oz).

4. LA DIABOLOÏDE 141

Δ Δc

Figure 6.29: Évolution du rayon du film plan en fonction de la distance entre les anneaux. En trait plein, la diaboloïde stable présente un film plan large. En poin-tillés, la diaboloïde instable présente un film plan étroit. Les points verts et orange indiquent les solutions correspondant aux diaboloïdes montrées à la figure 6.30.

avec X =R/a, Δ1 =h1/R=h/2R, par symétrie. Soit, en introduisant Δ=h/R : cosh

�ΔX 2 +C

=X. (6.68)

Cette équation implicite ressemble fortement à l’équation 6.10 obtenue dans le cas de la caténoïde symétrique, la seule différence provenant de la valeur non nulle de C ici. Par conséquent, une démarche analogue démontre que, comme pour la caté-noïde, tant que les anneaux ne sont pas trop éloignés l’un de l’autre, une valeur de Δ donnée correspond à deux valeurs dea (ou A, c’est équivalent), associées à deux diaboloïdes distinctes (Fig. 6.30). L’analyse énergétique effectuée plus bas montre que l’une des diaboloïdes est stable, alors que l’autre est instable, du fait de la différence de leurs énergies. Ceci est vrai jusqu’à ce que Δ atteigne un seuil noté Δc. La hauteur critique de stabilité est de nouveau notée hc, le rayon du film plan correspondant est noté Ac. Il n’y a alors plus de solution sous la forme recherchée : la limite d’existence est atteinte et la diaboloïde critique s’effondre. La figure 6.29 représente l’évolution du rayon du film plan adimensionné A/R en fonction de Δ pour les deux diaboloïdes solutions au problème.

Remarquons notamment que, du fait de la présence du film plan central, la hau-teur critique de la diaboloïde symétrique (hc �0.82R) est relativement plus faible que celle d’une caténoïde symétrique de même rayon (hc �1.33R). Ce résultat sug-gère que les contraintes additionnelles imposées par la 3ème loi de Plateau sur les diaboloïdes rendent ces structures moins stables que les caténoïdes. Les nouveaux seuils d’existence (Ac, hc) peuvent à nouveau être retrouvés par le calcul en posant une fonction f telle que :

f(X) = cosh

�ΔX 2 +C

−X. (6.69)

Résoudre l’équation implicite 6.68 au point critique revient à imposer une et une seule intersection entre la droite et le cosinus hyperbolique comprises dans

l’expres-CHAPITRE 6. DESCRIPTION DE QUELQUES SURFACES MINIMALES : INFLUENCE DES CONDITIONS AUX LIMITES ET DE SYMÉTRIE

Δ=0.25 Δ=0.5 Δ=0.75

Figure 6.30: Représentations 3D de diaboloïdes symétriques typiques, obtenues pour Δ = 0.25,0.5,0.75 (valeurs indexées sur la figure précédente). En vert, les diaboloïdes présentant un film plan large. En orange, les diaboloïdes présentant un film plan étroit. L’échelle verticale est modifiée pour la clarté de la figure. En comparaison avec la figure 6.8, notons la rupture de pente du profil au niveau du film plan central.

sion de f, comme le montre la figure 6.6 dans le cas de la caténoïde. De façon analogue à l’analyse de stabilité des surfaces minimales précédentes, ceci est vérifié lorsque la fonction f s’annule ainsi que sa dérivée première ∂Xf. Il s’ensuit alors :

coth

�ΔcXc

2 +C

= ΔcXc

2 . (6.70)

Cette nouvelle équation implicite a pour unique solution positive ΔcXc/2 � 1.08.

En exploitant à nouveau l’annulation de ∂Xf et f en ce point, il vient : hc � 2R

sinh(1.08 +C) �0.82R, (6.71) Ac =accoshC � RcoshC

cosh(1.08 +C) �0.44R. (6.72) Ces seuils sont en accord avec la figure 6.29, et apportent une justification à une estimation expérimentale publiée par ailleurs dans la littérature : hc �0.8R [127].

4.1.3 Analyse énergétique

L’énergie potentielleE de cette nouvelle configuration, encore adimensionnée par 2γπR2, peut se décomposer comme :

E =Ep +E1+E2, (6.73)

oùEp,E1etE2 désignent respectivement les énergies des surfacesΣp1 etΣ2. Ainsi, en vertu des résultats précédents :

Ep =

�A R

2

, (6.74)

4. LA DIABOLOÏDE 143

Δ Δm Δc

E

Figure 6.31: Évolution de l’énergie en fonction de la distance entre les anneaux.

En trait plein, la diaboloïde stable. En pointillés, la diaboloïde instable. En rouge, la surface de Goldschmidt composée des deux anneaux.

La figure 6.31 représente l’évolution des énergies des deux diaboloïdes solutions au problème variationnel en fonction de Δ. Comme auparavant, nous remarquons que la diaboloïde très échancrée, correspondant à un film horizontal étroit, possède une énergie supérieure à la diaboloïde peu échancrée, qui est effectivement celle obser-vée expérimentalement. Par ailleurs, à la limite des anneaux accolés, la diaboloïde instable tend asymptotiquement vers la surface composée des deux anneaux, soit E ∼2. D’un autre côté, la diaboloïde stable se rapproche asymptotiquement d’une surface composée d’un cylindre de plus en plus écrasé, dont la surface tend vers 0, et du film plan, dont le rayon A tend vers R : soit finalement E ∼ 1. La surface de Goldschmidt, d’énergie E = 2, apparaît de nouveau comme une surface minimale a priori accessible au système. Mais ici encore, le choix d’un chemin réactionnel analogue à la partie précédente fait apparaître une barrière d’énergie séparant cet état de la diaboloïde stable, jusqu’à la limite d’existence de cette dernière.

4.1.4 Résultats expérimentaux

De la même manière que précédemment, une diaboloïde symétrique est formée expérimentalement en immergeant deux anneaux identiques et accolés dans la solu-tion savonneuse. Les observables, mesurées de façon systématique, sont désormais la distance h séparant les cadres et le rayon Adu film plan central. La série de clichés présentée sur la figure 6.32 fait clairement apparaître la rupture de pente au niveau du film plan, conséquence de la 3ème condition de Plateau discutée plus haut. Les

CHAPITRE 6. DESCRIPTION DE QUELQUES SURFACES MINIMALES : INFLUENCE DES CONDITIONS AUX LIMITES ET DE SYMÉTRIE

1cm

Δ

¢

c

¢

A =R A

c

=R

R

R R R

Figure6.32: Série typique de photos illustrant l’évolution d’une diaboloïde symé-trique expérimentale (R = 2.6 cm) en fonction de l’écartement adimensionné des anneaux. Le rayon du film plan A est mesuré en fonction de la distance h séparant les anneaux. Le graphe représente ces deux quantités adimensionnées par le rayon R. Chaque série de symboles correspond à une valeur de R fixée.

données expérimentales sont en excellent accord avec la prédiction théorique, pour différentes valeurs de R. Ceci conforte l’hypothèse que cette surface minimale, du fait des contraintes supplémentaires imposées par rapport à la caténoïde symétrique de rayon identique, possède une zone d’existence sensiblement réduite, quelle que soit la valeur de R.

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