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Chapitre 2 Origines de la question linguistique et histoire de l'Office québécois de la langue

2.5 L'histoire de l'Office québécois de la langue française

2.5.2 La Régie de la langue française

2.5.2.1 Mandat, organisation et actions de la Régie, de 1974 à 1977

Instituée par la Loi sur la langue officielle, sanctionnée en juillet 1974, la Régie de la langue française n’est plus un service du ministère des Affaires culturelles, mais un organisme autonome recouvrant deux entités organisationnelles : une entité collégiale et une entité administrative. L’entité collégiale est composée de neuf membres, dont le président, Maurice Forget, et deux vice-présidents, Jean-Denis Gendron et Gérald N. Martin, nommés par le lieutenant-gouverneur en conseil. Pour sa part, l’entité administrative est rattachée au ministère du Conseil exécutif. Le chef est le ministre responsable de la Loi sur la langue officielle et le sous-chef, le président de la Régie. Le directeur général, Jean-Guy Lavigne, est responsable de l’administration, dont le fonctionnement est calqué sur celui des ministères. Les membres du personnel de l’entité administrative sont nommés par la Loi de la fonction publique.

La Loi sur la langue officielle confie un vaste mandat à la Régie, qui « s’étend de la Loi sur la langue officielle aux autres dispositions législatives et réglementaires relatives à la langue française, et, au-delà, à l’état général de la langue au Québec, de même qu’aux questions intéressant le développement des recherches en matière linguistique » (Québec. Régie de la langue française 1976c : 37). Concrètement, la Régie apporte son soutien à l’exécution de la loi, exerce une surveillance sur sa mise en application et fait connaître ses dispositions de même que celles liées à l’emploi du français au Québec à tous ceux à qui elle s’adresse.

Conformément à ce mandat, la Régie est chargée de poursuivre la correction et l’enrichissement de la langue parlée et écrite au Québec; de donner son avis au gouvernement sur les questions que celui-ci lui soumet ainsi qu’au ministre responsable de l’application de la Loi sur la langue officielle sur l’attribution des crédits alloués aux activités de recherche linguistique et de diffusion du français; de faire connaître la loi auprès des entreprises et des organismes pour les aider à s’y conformer et à l’appliquer adéquatement; d’aider les entreprises à élaborer et mettre en œuvre les programmes de francisation; d’assurer la

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normalisation des termes utilisés dans l’administration publique et les entreprises; d’approuver les termes recommandés par les commissions de terminologie; de délivrer des certificats de francisation et de conclure des ententes avec d’autres organismes ou gouvernements pour faciliter la mise en œuvre de la loi (Québec. Éditeur officiel du Québec 1975 : 13).

De par ce mandat, la Régie assure à la fois les fonctions de diffuseur de la langue française auprès des entreprises et organismes visés par la loi, d’expert-conseil en matière linguistique auprès du gouvernement et du ministre, de surveillant quant au respect de la loi et de ses règlements à l’égard des plaintes reconnues par les commissaires-enquêteurs et de guide en ce qui a trait à la normalisation, à la correction et à l’enrichissement du français. Pour accomplir ce mandat, la Régie dispose essentiellement d’un pouvoir d’ordre moral, ce qui signifie que ses recommandations concernant les manquements à la loi ne sont pas exécutoires sur le plan juridique. C’est par le truchement du ministre responsable de l’application de la loi que la Régie peut faire en sorte que ses recommandations soient suivies; le rôle que donne le législateur à la Régie est davantage de surveiller et de négocier le respect de la loi.

Au cours des deux premières années de son existence, la Régie s’attache à comprendre le mandat que lui confie le législateur, à définir l’orientation de son travail et à mettre sur pied une structure administrative nécessaire à cette orientation. En effet, lors de sa création, « la Régie a hérité de l’ancien Office de la langue française un personnel nombreux et compétent en matière linguistique; mais pour les autres services, tout était à faire, ou presque, si l’on excepte le petit noyau, précieux, des personnes qui s’étaient déjà penchées sur les problèmes de la francisation des entreprises et de la diffusion des travaux d’ordre linguistique » (Québec. Régie de la langue française 1976c : 11).

Dès le début de son mandat, la Régie établit un plan d’action ayant pour but d’assurer la mise en application et le respect de la Loi sur la langue officielle. Ce plan comporte des séances d’information destinées à expliquer la portée des dispositions de la loi à tous ceux à qui elle s’adresse, soit la population en général et les publics spécialisés comme les entreprises, les associations, les organismes, le gouvernement et ses ministères directement touchés par l’application de la loi, ainsi qu’à faire connaître la Régie et son travail. Tout en maintenant les services déjà offerts sous l’égide de l’Office ainsi que la publication et la

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diffusion des vocabulaires, des glossaires et des lexiques, la Régie consacre une partie importante de ses activités à la francisation des entreprises, car les tâches à accomplir sont nombreuses. À cet égard, la Régie élabore divers programmes pour lui permettre de procéder à des analyses linguistiques, de préparer les programmes de francisation dans tous les secteurs visés par la loi, de concevoir des outils de travail pour contrôler et améliorer la situation du français et pour mettre en place des moyens d’intervention pour la francisation des entreprises qu’elle doit négocier avec elles, de mettre au point les terminologies communes de ces secteurs de même que les terminologies spécialisées, de développer une banque de terminologie, d’administrer les tests de connaissance du français, de recevoir les suggestions du public liées au statut du français et de traiter les plaintes de non-conformité à l’égard du français.

Pour mettre en œuvre ces programmes, la Régie crée une structure administrative comprenant sept directions regroupées sous deux grandes directions : les directions d’exécution et de contrôle et les directions de soutien administratif. Les directions d’exécution et de contrôle assurent l’exécution et le contrôle de la loi. Ces directions sont la Direction de la francisation, la Direction de la terminologie, la Direction de la recherche et de l’évaluation, la Direction des enquêtes et la Direction des relations publiques.

La Direction de la francisation est responsable de la francisation des entreprises et elle voit à l’implantation du français dans l’administration publique et à l’utilisation du français dans les entreprises d’utilité publique et les ordres professionnels. Elle comprend un service de relations avec le monde du travail, dont la tâche principale est d’apporter sa contribution à l’amélioration de la qualité du français tant à l’oral qu’à l’écrit. La Direction de la terminologie répond aux demandes linguistiques et terminologiques de la population, normalise le vocabulaire utilisé dans l’administration publique et les entreprises, maintient à jour un inventaire des travaux de terminologie en cours, mène des recherches théoriques et appliquées dans les domaines de la terminologie et de la linguistique et conseille la Direction de la francisation relativement à l’implantation des terminologies techniques dans l’administration publique et les entreprises. La Direction de la recherche et de l’évaluation est chargée de développer des outils de recherche servant à évaluer la situation du français, de

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participer aux travaux de recherche de la Régie en matière socio-économique et à agir à titre d’expert-conseil auprès des autres directions relativement à l’application de la Loi sur la langue officielle. La Direction des enquêtes veille à ce que les dispositions de la loi et ses règlements afférents soient observés, évalue le bien-fondé des plaintes liées à l’application de la loi et apporte son aide à la rédaction des demandes d’enquêtes, si formulées. Enfin, la Direction des relations publiques a comme responsabilités de faire connaître la Régie, ses objectifs et ses activités auprès des médias, de divers organismes et de la population en général, de diffuser les documents élaborés par la Régie et de coordonner le travail des bureaux régionaux.

Les directions de soutien administratif comprennent deux directions : la Direction du secrétariat et la Direction de la gestion. La Direction du secrétariat fournit un soutien administratif auprès des neuf membres de la Régie et du conseil de la direction. Ses tâches sont de préparer les réunions, les procès-verbaux et les rapports annuels, de donner des avis juridiques quant aux problèmes liés à la mise en application de la loi et d’émettre les certificats de francisation. La Direction de la gestion prépare le budget, fournit un soutien administratif aux autres directions de la Régie et s’occupe du recrutement, des relations de travail et de la logistique. Toutes ces directions nécessitent une augmentation des effectifs et du budget. En 1974, la Régie compte 183 personnes, qui occupaient 74 postes permanents et 109 postes occasionnels. Au cours de l’année 1975, le nombre de postes permanents passe de 74 à 136 et 118 nouveaux postes sont créés, portant le total des effectifs à 254 personnes. Quant au budget, il est de 1 966 617 $ au cours de l’exercice financier de 1974-1975, passe à 3 725 700 $ au cours de celui de 1975-1976 et augmente à 5 807 300 $ en 1976-1977 (Québec. Régie de la langue française 1976c : 76-77).

Au début de l’année 1976, la structure organisationnelle de la Régie est bien définie et les programmes sont suffisamment élaborés pour qu’elle puisse exercer son mandat. Mais à peine a-t-elle le temps de mettre à exécution son plan d’action et d’atteindre les objectifs qu’elle s’était fixés, que le Parti québécois est porté au pouvoir en novembre de la même année. Comme nous le verrons au chapitre 3, le gouvernement québécois instaure la Charte de la langue française, qui crée cinq organismes, soit la Commission de surveillance de la langue

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française, le Conseil de la langue française (CLF), la Commission d’appel, l’Office de la langue française, qui remplace la Régie de la langue française, et la Commission de toponymie (CT), rattachée administrativement à l’Office.