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Chapitre 2 Origines de la question linguistique et histoire de l'Office québécois de la langue

2.5 L'histoire de l'Office québécois de la langue française

2.5.3 L’Office de la langue française

2.5.3.4 Mandat, organisation et actions de l’Office, de 2001 à 2009

L’Office amorce l’exercice 2001-2002 en adoptant un Plan stratégique en matière de politique linguistique pour 2001-2004. Ce plan, élaboré conjointement avec la Commission de protection de la langue française, la Commission de toponymie, le Conseil de la langue française et le Secrétariat à la politique linguistique et déposé à l’Assemblée nationale en mars 2001, traduit la nouvelle philosophie de gestion de l’Office, qui repose sur une déclaration de services39 orientée vers la qualité des services à l’égard de sa clientèle, de ses ressources humaines et de son mode de gestion. Par cette déclaration de services, l’Office entend offrir à sa clientèle des services de qualité à moindre coût, reconnaît l’apport clé de son personnel pour garantir la qualité de ses services et compte sur ses gestionnaires pour mettre en application son mode de gestion axée sur la transparence, la confiance et le respect.

Le Plan stratégique en matière de politique linguistique pour 2001-2004 décrit le contexte sociolinguistique qui influence l’action de l’Office. En outre, le plan explique que les francophones du Québec représentent 23,5 % de la population canadienne comparativement à 29 % en 1951 et que le pourcentage de personnes qui parlent français à la maison est passé de 25,7 % en 1971 à 22,6 % en 1996. Le plan précise aussi qu’en matière de langue de travail et

39 En mai 2000, dans le cadre du processus de modernisation de la fonction publique québécoise, le

gouvernement sanctionne la Loi sur l’administration publique. Cette loi recommande à tous les ministères et organismes gouvernementaux d’instaurer un cadre de gestion axé sur la transparence, l’imputabilité et la primauté de la qualité des services offerts aux citoyens et prescrit l’adoption d’une déclaration de services à cette fin.

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d’intégration linguistique des immigrants, en 1997, dans la région de Montréal, 24 % des anglophones et 44 % des allophones utilisent principalement le français au travail. De plus, dans leurs communications avec les commerces, les établissements de santé et de services sociaux, les ordres professionnels et les organismes publics, 23 % des anglophones et 54 % des allophones utilisent le français (Québec. Secrétariat à la politique linguistique 2001 : 11- 13).

Outre cela, le plan met en lumière le fait que l’ouverture des marchés et le développement massif des technologies de l’information créent une force d’attraction vers l’anglais qui se répercute sur le marché linguistique, en particulier sur celui de la terminologie étroitement lié à la traduction, la rédaction technique et la localisation. Le plan précise que ces phénomènes intensifient la concurrence linguistique, d’où l’importance, pour l’Office, d’offrir aux entreprises et aux institutions des produits et des services diversifiés, plus performants et adaptés à leurs besoins. À cela s’ajoute la nécessité de développer des partenariats solides avec les milieux d’affaires pour permettre la diffusion et l’implantation durable de la terminologie française et atteindre les objectifs de francisation fixés par la Charte.

Selon les tendances, les priorités et les recommandations qui se dégagent du Plan stratégique en matière de politique linguistique pour 2001-2004, l’Office se donne quatre grandes orientations stratégiques. Il s'agit de rendre disponibles en français les technologies de l’information dans les entreprises, l’Administration de même que dans les milieux de travail et de la formation professionnelle et technique pour assurer et maintenir l’usage du français; de contribuer au développement et à la généralisation du français en mettant à la disposition des usagers des terminologies de qualité en fonction des besoins observés dans les milieux de travail; de veiller à ce que le français soit présent dans l’affichage, les biens de consommation et les services; et de suivre de près l’évolution de la situation linguistique au Québec en menant diverses études sur les milieux de travail et l’intégration des immigrants à la collectivité québécoise française.

En tenant compte de ces orientations stratégiques, l’Office définit des axes d’intervention et fixe les objectifs qu’il souhaite atteindre annuellement pour chacun au cours des trois prochains exercices. En outre, en matière de francisation des milieux de travail,

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l’organisme se propose d’augmenter de 5 % le nombre d’entreprises dans lesquelles l’utilisation du français est généralisée à tous les niveaux, de régulariser le dossier de 35 % des entreprises dont le programme de francisation est en cours depuis dix ans et de faire progresser la francisation dans le cas de 20 % des organismes administratifs en évaluation, soit en délivrant un certificat de conformité ou en approuvant le programme de francisation. En ce qui a trait au développement et à la généralisation du français, l’Office établit à 5 000 le nombre de fiches du Grand dictionnaire terminologique à créer ou à mettre à jour (Québec. Secrétariat à la politique linguistique 2001 : 20 et 22).

Le 1er octobre 2002, l’entrée en vigueur de la Loi modifiant la Charte de la langue française, loi 104, crée l’Office québécois de la langue française. Issu de la fusion du personnel et des tâches relevant auparavant de la Commission de la protection de la langue française, d’une partie du Conseil de la langue française et de l’Office de la langue française, l’Office québécois de la langue française se voit confier le mandat d’assurer le respect de la loi, autrefois la responsabilité de la Commission de la protection de la langue française, de traiter les plaintes, tâche confiée à la Direction du traitement des plaintes nouvellement créée, et de suivre, par la conduite d’études et d’analyses, l’évolution de la situation linguistique. Les articles 160 et 163 de la Charte précisent, en effet, que l’Office québécois de la langue française « surveille l’évolution de la situation de la langue française au Québec et en fait rapport au moins tous les cinq ans au ministre, notamment en ce qui a trait à l’usage et au statut de la langue française ainsi qu’aux comportements et attitudes des différents groupes linguistiques ». Pour s’acquitter de ce mandat, l’Office « établit les programmes de recherche nécessaires à l’application de la présente loi. Il peut effectuer ou faire effectuer les études prévues par ces programmes » (Québec. Éditeur officiel du Québec 2002a : 32).

Entre 2001 et 2004, les efforts consentis par l’Office pour assurer une meilleure place au français dans les milieux de travail ainsi que dans les produits et les services offerts à la population lui permettent d’augmenter à 9 % le nombre d’entreprises qui ont généralisé l’utilisation du français, de régulariser la situation de 54,5 % des entreprises dont le programme de francisation est en cours depuis plus de dix ans, de faire progresser la francisation des organismes administratifs en évaluation à 21,4 % et de mettre à jour 3 979

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fiches du Grand dictionnaire terminologique (Québec. Office québécois de la langue française 2004d : 21, 22, 23 et 25).

Par ailleurs, les dispositions de la Charte quant au suivi de l’évolution de la situation linguistique québécoise amènent l’Office à revoir ses activités de recherche. Entre autres, l’Office met à jour des indicateurs sur l’évolution démolinguistique du Québec et en élabore de nouveaux relativement à la langue de travail, à la langue d’enseignement, à la langue de l’immigration et à la langue de consommation des produits culturels. De plus, l’Office s’associe avec le ministère de l’Éducation, le ministère de la Culture et des Communications, le ministère des Relations avec les citoyens et de l’Immigration et l’Institut de la statistique du Québec pour mettre sur pied un vaste programme de recherche et d’étude sur la maîtrise et la qualité du français et sur les attitudes et comportements des groupes linguistiques. Les résultats des études menées dans le cadre de ce programme sont publiés sous forme de fascicules dans la collection « Suivi de la situation sociolinguistique » de l’Office.

En 2005, le plan stratégique 2001-2004 est reconduit pour l’exercice 2005-2008. Le Plan stratégique en matière de politique linguistique 2005-2008 s’inscrit dans la continuité du plan précédent quant aux axes d’intervention et objectifs de l’Office en matière de francisation des milieux de travail et de l’utilisation du français comme langue des affaires et du commerce de même qu’au respect de la Charte de la langue française. À ce titre, le plan souligne l’importance « d’affirmer le caractère français du Québec dans les milieux de travail ainsi que dans le domaine du commerce et des affaires […] pour que les travailleurs et les consommateurs québécois, majoritairement francophones, puissent travailler et être servis en français » (Québec. Secrétariat à la politique linguistique 2005 : 11). Cette orientation découle du constat que malgré les effets positifs de la Charte de la langue française, l’attrait et l’utilisation de l’anglais dans différents secteurs de la vie publique demeurent forts, en raison, notamment, de la mondialisation économique et du développement des communications et des technologies de l’information ainsi que du comportement linguistique des travailleurs.

De cette orientation, l’Office se donne comme priorités de faire progresser le processus de francisation dans les entreprises et les organismes de l’Administration inscrits à l’Office, qui n’ont pas encore de certificat de francisation, et d’augmenter la généralisation de l’usage

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du français comme langue du travail, du commerce et des affaires. Pour ce faire, l’Office mène, au cours de l’exercice 2005-2008, des interventions sectorielles auprès d’organismes de l’Administration et d’entreprises du secteur des technologies de l’information afin de les amener à franciser leurs produits et leurs services pour les rendre disponibles aux consommateurs québécois. De même, l’Office signe, en septembre 2007, une entente avec l’Association canadienne du logiciel de divertissement, qui prévoit que tous les jeux vidéo pour consoles et ordinateurs développés et vendus au Québec depuis le 1er octobre 2007 soient disponibles en français au 1er avril 2009, si la version française est disponible ailleurs dans le monde. Conformément à son mandat de surveiller l’évolution de la situation sociolinguistique et d’en faire rapport au moins tous les cinq ans depuis 2002, l’Office dépose, en mars 2008, le premier Rapport sur l’évolution de la situation sociolinguistique au Québec, 2002-2007 (2008b).

Ce rapport met notamment en lumière la grande diversité linguistique de la population québécoise et la vulnérabilité du français dans les différentes sphères de la vie publique, dont le travail, le commerce, les affaires et la recherche, en particulier dans l’île de Montréal où l’utilisation du français comme langue de travail tend à diminuer. Comme le précise le rapport, « le français est plus utilisé comme unique et principale langue de travail à l’extérieur de la région métropolitaine de Montréal qu’à l’intérieur de cette dernière. Aussi, plus on se rapproche de l’île de Montréal, moins le français est utilisé seul au travail. […] De plus, les résidents de la couronne de Montréal travaillant dans l’île de Montréal emploient le français à une moins grande fréquence que ceux qui occupent un emploi dans la couronne » (Québec. Office québécois de la langue française 2008b : 137). Selon le rapport40, plusieurs facteurs expliquent cette tendance, dont le vieillissement de la population de langue maternelle française, la diminution du poids démographique de la population francophone, la hausse de la population anglophone, l’augmentation de l’immigration allophone, les transferts linguistiques et les migrations interprovinciale et intraprovinciale.

40 Outre ce rapport, d’autres études mentionnent les mêmes facteurs et confirment leur impact sur l’utilisation du

français dans la région métropolitaine. Voir Statistique Canada 2004 et 2007; Castonguay 2005 et 2008; Office québécois de la langue française 2005c; Béland 2008; Termote 2008; Curzi 2010 et Pagé 2010.

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Pour contrer cette tendance, la ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine et ministre responsable de la Charte de la langue française, Christine Saint-Pierre, rend public, le 20 mars 2008, le plan d’action gouvernemental Réussir ensemble

en français. Ce plan vise à « donner un nouvel élan à la francisation des entreprises, à

promouvoir l’utilisation de la langue française dans les commerces afin de mieux servir les consommateurs et à valoriser l’utilisation d’une langue de qualité ainsi que la richesse et la vitalité de la langue française au Québec » (Québec. Secrétariat à la politique linguistique 2008a). Comme prévu dans le plan d’action, un Rendez-vous des gens d’affaires et des

partenaires socioéconomiques se tient en octobre 2008 afin de créer des partenariats entre

l’État, les organisations syndicales et les petites entreprises pour mieux répondre aux besoins de francisation des petites entreprises montréalaises et de leur personnel.

Au terme de ce Rendez-vous, auquel participent quelque 250 représentants du milieu des affaires, du travail, de la politique et de l’éducation, une entente – Le français, notre

affaire à tous – Stratégie commune d’intervention pour Montréal 2008-2013 – est conclue.

D’une durée de cinq ans, cette entente prévoit une série de mesures destinées, entre autres, à renforcer la place et l’usage du français dans l’espace public québécois, à enrichir la terminologie française dans les domaines des technologies de l’information et des communications, des sciences de la santé et du développement durable, à mieux faire connaître les dispositions de la Charte de la langue française touchant la francisation, à créer un guichet unique pour accompagner et soutenir les entreprises dans leurs activités de francisation et, enfin, à favoriser l’intégration des immigrants au marché du travail par des cours de francisation.

En vertu du plan d’action gouvernemental, l’Office québécois de langue française annonce la réalisation de l’affichette Ici, on commerce en français, laquelle est distribuée dans les centres commerciaux, les commerces et les chaînes de magasin montréalais. Du 13 décembre 2008 au 2 janvier 2009, l’Office tient une campagne de promotion, Faire des

affaires en français, dans les régions de Montréal, de l’Estrie et de l’Outaouais par l’entremise

de quotidiens, des stations de radio et des sociétés de transport public. Du 16 au 31 mars 2009, l’Office tient également une campagne de publicité Enfin, on peut jouer en français, laquelle

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vise à sensibiliser les commerçants à offrir leurs produits de consommation et les documents qui les accompagnent en français. En août 2008, l’Office publie une étude sur l’utilisation du français dans les entreprises de moins de cinquante personnes : Les entreprises de 11 à 49

employés : portrait de leur situation linguistique (2008). En septembre 2009, l’Office met

également en œuvre deux programmes destinés à promouvoir la francisation, soit le

Programme de soutien aux associations pour la promotion de la francisation dans les entreprises pour l’année 2009-2010 (2009d) et le Programme de soutien à la francisation des technologies de l’information et des communications (TIC) pour l’année 2009-2010 (2009c).

Les interventions sectorielles et les actions de l’Office en matière de francisation que nous venons de décrire donnent des résultats convaincants. En effet, entre 2005 et 2009, le taux de certification des entreprises inscrites à l’Office passe de 80 % au 1er avril 2005 à 84,7 % le 31 mars 2009, le pourcentage le plus élevé depuis plus de quinze ans. De même, au 31 mars 2009, 30 % des grandes entreprises sont certifiées, dépassant ainsi le 25 % fixé en 2005 (Québec. Office québécois de la langue française 2009e : 13-14).