• Aucun résultat trouvé

L'épistémologie, que l'on peut définir à la suite de Lapierre (1992, p.218) en tant que "réflexion critique sur la connaissance, notamment sur la science, ses conditions de

possibilité et de développement, ses principes, ses règles de méthode, ses limites ", apparait

constituer pour tout scientifique "un gain net en humanisme et en ouverture d'esprit" (Jarrosson, 1992, p.8). Dans le cadre de notre étude, l'objet et la situation de recherche apparaissent rendre une démarche épistémologique inévitable, tant sur le plan théorique que sur celui de la méthode. Plusieurs observations nous semblent étayer ce postulat.

1. Le syndrome de l'autisme est une entité clinique extrêmement complexe à définir, aux frontières si floues qu'il est de plus en plus fait mention de l'existence d'autismes plutôt que d'autisme (Gepner, 2006a ; HAS, 2010a). Au-delà du consensus des critères symptomatologiques permettant le diagnostic et du consensus actuel portant sur la nature neuro-développementale du syndrome, l'hétérogénéité des manifestations cliniques apparait comme allant de pair avec son existence, et son étiologie demeure inconnue. L'une des premières constatations que l'on puisse faire sur la recherche liée au syndrome est qu'il n'existe pas de cadre de référence théorique unique, mais a contrario une multiplicité d'approches théoriques, diverses et variées, la plupart focalisées sur l'étude d'aspects spécifiques, selon les enjeux scientifiques personnels des chercheurs. Beaucoup de recherches se basent a priori sur la prémisse que l'autisme représente un tout homogène, ce qui permet un cadre de travail cohérent permettant de généraliser des résultats, notamment expérimentaux. Le champ d'investigation scientifique relatif à l'autisme ne semble pas connaître de limites et interroge de nombreuses disciplines scientifiques différentes, de la génétique à la psychologie,

17

lesquelles ne communiquent pas nécessairement entre elles. L'état général de la recherche actuelle sur le syndrome semble avoir pour conséquence un clivage entre l'autiste, objet de recherche théorique sur les mécanismes généraux de l'autisme, et la personne autiste, sujet humain dont les souffrances sont bien concrètes (Chamak et Cohen, 2003).

2. Les personnes adultes sujettes à la fois au syndrome et à un retard mental profond, quant à elles, ne sont que très rarement prises en compte dans les études, puisqu'elles impliquent des problèmes éthiques et méthodologiques évidents. Le fait est que, face à de telles personnes, les connaissances scientifiques actuelles sur l'autisme restent d'autant plus relatives et fragmentaires, et ne peuvent en aucun cas être appliquées stricto sensu. Au-delà de la catégorisation usuelle de ces personnes selon leur écart à la norme (faible quotient intellectuel, trouble de l'interaction sociale, trouble de la communication, comportements restreints et stéréotypés), leur constitution psychique demeure a priori inconnue, différente à la fois de celle d'un sujet tout venant et de celle d'un sujet avec autisme sans retard mental. 3. Etudier ces sujets au sein de leur contexte, en référence aux notions de handicap et de suppléance sensorielle visuo-tactile, implique en outre de chercher à comprendre leur problématique en situation, d'un point de vue centré sur le sujet, et de chercher pour cela à mettre en perspective leurs différences développementales (liées à l'expression phénotypique spécifique et individuelle de la pathologie au cours de l'histoire de chacun) avec le fonctionnement concret de leur milieu de vie au quotidien, qui est lui-même très complexe. La perspective écologique de cette étude implique également de prendre en compte l'impact de notre propre présence sur les sujets et sur la situation de recherche.

Ces éléments induisent la prise en compte de deux difficultés épistémologiques majeures en sciences, surtout en sciences humaines, pouvant conduire notre démarche scientifique à une "erreur épistémologique" (Bateson, 1972/1980a). Celles-ci sont décrites par Jarroson (1992) de la manière suivante :

"D'une part, un modèle de la réalité ne rend pas complètement compte de la

complexité de cette réalité et, d'autre part, l'autoréférence interdit toute description complète et objective du réel. La première difficulté est générale, la seconde en est un élément particulier" (p.184).

D'une manière simple, on pourrait définir le biais d'autoréférence comme l'impossibilité de se soustraire au fait que l'élaboration d'un modèle théorique est inévitablement le produit du système cognitif du chercheur qui en est à l'origine (Varela et al., 1993 ; Morin, 1980). "L'expérience de toute chose extérieure est validée de manière particulière par la structure

18

humaine, qui rend possible « la chose » qui surgit dans la description" (Maturana et Varela,

1992/1994, p.12). Prendre en considération l'existence du biais d'autoréférence peut permettre d'éviter de se référer implicitement et a priori à des "prémisses erronées", et implique de prendre au sérieux l'idée qu'"il n'existe pas de fait dans la nature", ou dit autrement, qu'"il

existe un nombre infini de faits potentiels, parmi lesquels le jugement en sélectionne quelques-uns, qui ne deviennent réellement des faits que par cet acte de sélection" (Bateson,

1972/1980a, p.282). Ceci nous amène à plusieurs remarques essentielles.

1. "La réflexion est le processus qui nous permet de connaître l'acte de connaître" ; de ce fait, la connaissance résulte "de la circularité engendrée par l'instrument d'analyse pour analyser

l'instrument d'analyse" (Maturana et Varela, 1992/1994, p.10-11). En reprenant l'image

évoquée par Jarroson (1992), le scientifique cherchant à objectiver le processus de connaissance se retrouve dans la situation d'un cartographe qui tracerait la carte de la pièce dans laquelle il se trouve. Cette carte se contiendrait logiquement elle-même, et ne pourrait de ce fait être entièrement complète, à moins de s'engager dans une régression infinie (la carte contiendrait une carte, qui contiendrait une carte, etc.). Ceci amène à concevoir la connaissance comme construction systémique émergeant progressivement de processus interactionnels. Comme le relatait Piaget (1967) :

"Il n'y a pas de connaissance de l'objet en lui-même, il n'y a pas de connaissance du sujet en lui-même, il y a toujours une connaissance des interactions entre les deux, et ces interactions prennent nécessairement une forme circulaire ou une forme de spirale".

Cette nature interactionnelle du processus de connaissance peut être appréhendée à la fois au niveau des relations s'établissant entre le chercheur et son objet ou sujet d'étude, et au niveau des relations s'établissant entre le sujet étudié et son environnement.

2. "Toute réflexion, y compris celles concernant les fondements de la connaissance humaine,

prend invariablement place dans le langage, qui est notre façon caractéristique d'être humain et d'être humainement actif" (Maturana et Varela, 1992/1994, p.13). Or, comme le définit

(Laborit, 1970, p.26), le langage est une convention, et du fait de ses caractéristiques intrinsèques, "ne peut être en relation biunivoque avec l'objet et surtout le concept", bien qu'il en donne généralement l'illusion.

"Le langage commun a tendance à nous focaliser d'abord sur l'objet, que l'on prend

pour la réalité, puis sur le mot qui se chosifie, alors que la seule connaissance que peut atteindre l'Homme, celle des relations, s'en trouve définitivement obscurcie. On

19

peut dire que chaque chose est relative à l'univers et que l'isoler dans un mot suffit à lui enlever toute signification" (Ibid.).

Ainsi, "le discours scientifique est un langage dans le langage, dont les critères de

simplification ne sont qu’une convention opérationnelle de circonstance qui ne doit pas rester enfermée dans un dispositif d’expert, mais ouvert à l’opinion de tous" (Dorna, 2008).

3. "Toute chose dite est dite par quelqu'un" (Maturana et Varela, 1992/1994, p.13). Un chercheur ne peut connaître que ce que sa propre structure cognitive lui permet de percevoir et comprendre : la structure cognitive du chercheur résulte de son développement singulier, dans un cadre défini et situé ; elle implique autant l'expérience personnelle du chercheur que "l'horizon des croyances et pratiques biologiques, sociales et culturelles" existant à son époque, qui lui donne forme et permet son expression (Varela et al., 1993).

Ces postulats, qui pourraient sembler accessoires à certains, revêtent une importance centrale dans de nombreux champs de la recherche, notamment dans la branche des sciences cognitives issue du courant de la "seconde cybernétique" (voir infra et chapitre III), et bien sûr en psychologie clinique. Dans notre cadre de recherche en psychologie clinique du développement, la prise en compte du biais d'autoréférence et des principes épistémologiques apparentés semble indispensable. Le cas contraire constituerait, selon nous, à la fois une erreur de logique et un manquement à notre code de déontologie, stipulant de reconnaître et faire respecter la personne dans sa dimension psychique. En effet, comme nous l'avons déjà souligné, il apparait fondamental d'observer que les sujets SAI-RMP se situent très en marge de la conception normative relative au comportement social de l'être humain, bien que leur apparence corporelle puisse sembler typique. Etudier leur problématique d'une manière théorique, comme se trouver en situation d'interaction concrète avec eux, renvoie inévitablement à notre propre conceptualisation de l'existence, dans une sorte "d'effet miroir": chercher à comprendre ces sujets implique nécessairement de s'interroger sur la nature de l'esprit (ainsi que sur la nature du corps, comme nous le détaillerons ultérieurement), et de remettre en question la définition de la normalité ou de l'anormalité d'une relation sociale. Les sujets SAI-RMP, du fait de la spécificité de leur pathologie, et plus particulièrement du fait de leurs difficultés majeures à comprendre et utiliser le langage, sont totalement "sans recours" envers les conceptions scientifiques définissant leur identité et ce en quoi devrait consister leur "bien-être", au centre des préoccupations actuelles (ANESM, 2009). La manière de catégoriser ou de définir des sujets adultes SAI-RMP reflète inévitablement un positionnement épistémologique personnel, implicite ou explicite, relatif à la nature de

20

l'esprit, et implique une éthique de la différence psychique. Il est donc important de reconnaître que, puisque "toute conception du sujet - de sa constitution, de ses pouvoirs et de

ses limites - est en fin de compte une création - que ce soit une conception ouverte ou une conception fermée " (Billeter, 2006), chercher à décrire la réalité de sujets qualitativement

différents sur le plan de la conscience et du psychisme entraîne un paradoxe, du fait de l'inéluctabilité du biais d'autoréférence : sur quels référentiels théoriques se baser et quelle méthodologie adopter, afin de développer, dans la mesure du possible, une analyse non réductrice et non normo-centrée de la problématique de ces personnes en situation, donc non exclusivement portée sur les aspects déficitaires prévalents dans le langage scientifique actuel à leur propos? "Si l'étude de l'esprit veut être rigoureuse et scientifique, elle ne peut dépendre

d'explications formulées en termes de caractéristiques essentielles à la compréhension de nous-mêmes" (Varela et al., 1993, p.39). Quel cadre théorique choisir, afin d'évaluer pour ces

personnes l'utilité éventuelle d'un dispositif de suppléance sensorielle visuo-tactile, selon une perspective écologique centrée sur le sujet, dans le respect de leurs différences développementales au sein de leur environnement quotidien? Car en fin de compte, l'objectif principal de cette recherche a pour objet principal leur bien-être concret, et non de nous conforter dans un quelconque cadre conceptuel.

Chercher à étudier en situation la réalité complexe de personnes adultes sujettes à un trouble envahissant du développement avec retard mental profond associé peut ainsi apparaitre comme un cas paradigmatique de la recherche relative à la constitution psychique de l'être humain, et amène à appréhender le cadre, l'objet et les sujets de recherche en référence à leur complexité intrinsèque. Le cadre épistémologique de la psychologie du développement semble offrir une première ouverture conceptuelle, tant sur le plan théorique que méthodologique. En effet, la psychologie du développement est une discipline scientifique dont les origines théoriques ont pour fondement les philosophies du devenir (Tran-Thong, 1992). Elle amène à considérer le sujet humain, enfant ou adulte, en tant qu'être singulier en développement au sein de son environnement, et cherche à étudier "les transformations qui

l'affectent, dans toute sa personne" (Bideaud, Houdé et Pedinielli, 1993, p.22). Comme le

soulignent ces auteurs (Ibid.), "ces transformations sont extrêmement complexes, sous-tendues

par l'hérédité de l'espèce et l'hérédité individuelle, la maturation, l'exercice, l'apprentissage, l'interaction sociale et l'évolution de cette interaction dans une société elle-même en perpétuel changement" ; de la fécondation à la mort, l'homme est ainsi "en perpétuel état de transformation, il évolue, involue, compense", au gré de processus biologiques, sociaux et

21

psychiques en interrelation étroite (Ibid, p.1). Comme chaque créature biologique, l'être humain se caractérise par ce que Stewart (2011) nomme "developmental system" (système développemental), transmis d'une génération à la suivante. Ce système développemental entraîne chez le sujet humain "typique" l'apparition ordonnée, progressive et successive d'états d'organisation qualitativement différents les uns des autres, appelés "stades", qui structurent et transforment la réalité et les conduites du sujet au fur et à mesure de leur émergence (Tran- Thong, 1992). Nous approfondirons ce point ultérieurement (cf. chapitre III). Se référer aux étapes principales du développement de l'être humain semble logique et indispensable dans le cadre de l'étude de sujets catégorisés comme souffrant d'un trouble envahissant du développement. Néanmoins, cette perspective théorique demeure insuffisante pour appréhender la complexité de la réalité des sujets en question. En effet, bien que le développement intellectuel de ces sujets soit très limité et puisse renvoyer aux premiers stades du développement de l'enfant, l'état d'adulte de ces derniers implique, outre les transformations physiologiques et corporelles liées à l'adolescence, une période de transformations développementales atypiques, longue de plusieurs dizaines d'années, impliquant des processus d'évolutions, d'involutions et de compensations différentes de la norme. Les sujets adultes SAI-RMP ne sont donc directement comparables ni à des enfants, ni à des adultes typiques, du fait de l'extrême singularité de leurs ontogénèses respectives. De plus, un des objectifs majeur de cette étude est de chercher à comprendre leur problématique dans la perspective de leur vécu quotidien, donc en prenant en considération les interactions ayant lieu entre les sujets et leur environnement. Un élargissement épistémologique apparait en conséquence nécessaire.

Les notions de devenir, de transformation et de système apparaissent centrales en psychologie du développement. Elles renvoient aux courants cybernétique, systémique et à la théorie des systèmes complexes, lesquels postulent un changement de logique élémentaire quant au processus de connaissance scientifique : le passage du postulat d'une causalité linéaire à celui d'une causalité circulaire à niveaux multiples. Le principe de causalité circulaire repose sur la notion de rétroaction ou feedback, ainsi que sur celle de système complexe. Comme l'explicitent Bourgine, Chavalarias et Cohen-Boulakia (2008) :

"Structurés sur plusieurs niveaux d'organisation, composés d'entités hétérogènes elles-

mêmes complexes, les systèmes complexes recouvrent aussi bien les systèmes naturels que les systèmes artificiels sophistiqués dont l'homme s'entoure et qui s'inspirent de plus en plus des systèmes naturels. Les systèmes complexes, depuis les objets

22

nanoscopiques jusqu'à l'écosphère, résultent de processus d'émergence et d'évolution : les interactions individuelles engendrent des comportements collectifs qui peuvent manifester des structures organisées. Ces structures émergentes influencent en retour les comportements individuels. Les causes sont multiples et la causalité fonctionne à la fois de façon ascendante et descendante entre les niveaux d'organisation".

Le système peut être ainsi conçu comme :

"[…] le concept complexe de base concernant l'organisation [...], parce qu'il n'est pas

réductible à des unités élémentaires, des concepts simples, des lois générales. Le système est l'unité de complexité. C'est le concept de base, car il peut se développer en systèmes de systèmes de systèmes, où apparaitront les machines naturelles et les êtres vivants" (Morin, 1977, p.149).

L'ontogénèse d'un système, qu'il soit naturel ou artificiel, biologique ou social, est directement lié au principe d'émergence. La notion d'émergence est généralement utilisée pour décrire la formation d'une nouvelle propriété ou d'un processus, issu(e) de l'interaction de différents processus ou évènements existants (Di Paolo, Rohde, et De Jaegher, 2010). Comme le soulignent ces auteurs, un processus émergent se distingue d'un simple agrégat d'éléments dynamiques, en ce sens que le processus émergent possède une identité autonome, et que le maintien de cette identité et de l'interaction entre le processus émergent et son contexte implique des contraintes et la modulation des opérations relatives aux sous-niveaux du processus.

Sur la base de ces notions de causalité circulaire, de système, d'émergence, de niveaux d'organisation, ainsi que de traitement de l'information, le premier courant cybernétique, qui a émergé à la fin des années quarante dans le contexte de la seconde guerre mondiale, a développé une vision systémique et mécaniste de la pensée, dans laquelle "le cerveau est

comparé à une machine à calculer et l'être vivant à une machine autorégulée" ; "l''esprit est

[...] comparé à un programme fonctionnant comme un système de manipulation de symboles,

et la conscience à un système d'exploitation de l'esprit" (Chamak, 2004). D'émergence plus

tardive, les approches relatives à "la seconde cybernétique" marquent une rupture avec ces aspects réductionnistes et mécanistes privilégiés par certains cybernéticiens. Elles s'inspirent souvent de la phénoménologie, qui privilégie les concepts d'intentionnalité, d'action et d'expérience et écarte celui de représentation ; elles entretiennent des liens étroits avec le constructivisme (notamment les thèses piagétiennes), qui postule que l'homme est acteur dans son développement et construit sa propre réalité, au fur et à mesure de ses interactions avec

23

son environnement. Une idée centrale de ce courant est que tous les êtres vivants, dont les êtres humains, se caractérisent par le principe fondamental d‟"auto-organisation", d‟"autonomie" ou d‟"autopoïèse" (Chamak, 2004). Ainsi, le comportement d'un organisme biologique a pour fonction principale de maintenir intentionnellement sa structure biologique (son existence, son corps et son identité) dans un état d‟équilibre ou d‟homéostasie par l‟action. Un être vivant est indissociable de son environnement car il est en interaction perpétuelle avec celui-ci. C'est en agissant via la matrice constituée des relations entretenues avec les autres systèmes de son environnement (i.e. son écosystème), qu'un être vivant génère et spécifie perpétuellement sa propre organisation. Comme le propose Morin (1980, p.351), toute vie, de la dimension cellulaire à la dimension anthropo-sociale, relève d'un principe d'"auto-éco-ré-organisation" ; "la moindre parcelle d'existence suppose ainsi la mobilisation

d'une formidable complexité organisationnelle". Les notions théoriques liées à la seconde

cybernétique paraissent permettre une remarquable extension des fondements théoriques propres à la psychologie du développement. L'unité du sujet humain, fragmenté et morcelé pour les besoins de son étude scientifique, peut en effet être retrouvée au niveau de son existence en tant que système complexe en devenir qui implique :

1. une auto-organisation dynamique de l'ensemble des différents sous-systèmes qui le composent et permettent son unité corporelle (e.g. les systèmes moteurs, sensoriels, émotionnels, métaboliques, etc.) ;

2. ses interactions avec les autres systèmes complexes constituant son écosystème, à commencer par les autres membres de l'espèce ;

3. son insertion au sein de macro-systèmes plus vastes (notamment les systèmes sociaux et institutionnels).

Les différents auteurs qui peuvent être apparentés au courant de la seconde cybernétique (e.g. Maturana, Laborit, Morin, Atlan, Varela, Bateson, pour ne citer qu'eux) apparaissent tous avoir appliqué le principe de complexité à leur propre démarche scientifique et ont, ce faisant, contribué à développer "une métascience des systèmes qui a laissé son empreinte sur

l'ensemble des sciences humaines et sociales" (Chamak, 2004). Loin d'éluder le biais

d'autoréférence comme dans la majorité des approches traditionnelles en science, les chercheurs liés à ces courants théoriques le considèrent comme un principe d'investigation scientifique, puisqu'il dénote une relation causale circulaire élémentaire entre la structure cognitive du chercheur et son objet d'étude, générant un processus d'émergence. Ces aspects

24

ont, entre autre, été développés par Morin sous les noms de "paradigme de la complexité" et de " pensée complexe" (Morin, 1977, 1980, 2004, 2005) :

"La méthode de la complexité ne peut se former et se formuler que dans une écologie

mentale complexe : elle doit être nourrie en complexité organisatrice (stratégie) par celui qui la fait sienne et veut l'utiliser. Sinon, la complexité se dégrade en simplification" (Morin, 1980, p.85).

Il est important de souligner également que le principe de complexité amène à considérer et à accepter l'existence d'"une incertitude de principe" inéluctable, portant sur "les réalités de la

vie" comme sur "la réalité de la réalité", afin d'éviter les écueils de l'"anthropo-socio-ethno-