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Au niveau international : la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées

CHAPITRE I : LE HANDICAP

2. Définitions légales actuelles et droits de la personne handicapée

2.1. Au niveau international : la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées

Le terme handicap aurait été créé en 1827 (Grison, 2009). Il vient de l‟expression anglaise hand in cap (la main dans le chapeau), qui désignait à l‟origine un jeu de hasard, avant d‟être employé dans le milieu hippique pour désigner la pratique consistant à désavantager les meilleurs concurrents afin d‟équilibrer les chances de chacun (Vaginay, 2007). C‟est au milieu du XXème siècle que ce mot est devenu synonyme "d’une infériorité

qu’on doit supporter" (Grison, 2009). Ainsi, dans son étymologie même, le terme de handicap

comporte un double sens : être en position de supériorité ou être en position de faiblesse, en référence à une norme socialement définie.

Comme nous l‟avons relaté ci-dessus, le regain d‟intérêt social pour la déficience considérée comme désavantage fut, premièrement, relatif aux déficiences corporelles accidentelles, dans le monde du travail d‟abord, puis fut issu des conséquences destructrices engendrées par la

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première guerre mondiale. La seconde guerre mondiale donna lieu quant à elle à une réflexion éthique d‟envergure internationale, sous l‟égide de l‟Organisation des Nations Unies créée en 1945, portant sur la définition du statut et des droits de l‟être humain au sein du nouvel ordre mondial émergent. Furent notamment ainsi adoptés et institutionnalisés par l‟Assemblée générale des Nations Unies la Déclaration Universelle des Droits de l‟Homme en 1948, la Déclaration des Droits de l‟Enfant en 1959, puis la Déclaration des Droits des Personnes Handicapées en 1975. C‟est au cours de cette décade que l‟on vit émerger de multiples organisations pour personnes handicapées, lesquelles œuvrent ensemble depuis cette époque en un mouvement international afin de promouvoir une approche du handicap basée sur les droits des personnes. Elles se regroupèrent progressivement en un Comité international du handicap (International Disability Caucus), comprenant actuellement une cinquantaine d‟organisations, afin de négocier d‟une même voix avec les Nations Unies les fondements de ce qui aboutit à la Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (Convention on the Rights of Persons with Disabilities). Comme l‟indique Lang (2009), il est intéressant de souligner que dès l‟origine, il fut accepté et établi que des institutions sociales civiles seraient directement impliquées dans la négociation de la Convention, dans une optique de démocratie participative, en contraste avec les précédents traités et conventions, qui ne furent discutés et établis qu‟à partir de négociations entre délégués gouvernementaux des membres des Nations Unies. Les textes principaux à partir desquels fut réfléchie et élaborée la Convention sont le Programme mondial d'action sur les personnes handicapées (World Programme of Action on Disabled Persons), et les Règles pour l'égalisation des chances des personnes handicapées (Standard Rules on the Equalization of Opportunities for

Persons with Disabilities), respectivement établis par l'ONU en 1982 et 1994. La Convention

des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées fut adoptée par l‟Assemblée Générale le 13 décembre 2006, puis ouverte à la signature le 30 mars 2007 au Siège de l‟ONU à New York. Un an plus tard, début avril 2008, 20 Etats l‟avaient ratifiée, étape décisive ouvrant la voie à son entrée en vigueur. Elle n‟instaure pas de nouveaux droits mais explicite différentes obligations légales et étatiques. Elle apparait à la fois comme un développement et un instrument relatif aux droits de l'homme, comme un instrument politique transversal aux différents handicaps et aux différents secteurs concernés, et comme un traité ayant force de loi (United Nations, 2012).

Selon les propres termes de l'ONU (Ibid.), la Convention marque un changement de paradigme ("paradigm shift") quant à l'attitude et l'approche des personnes handicapées : les

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personnes handicapées ne sont pas vues comme des "objets" de charité, de traitement médical et de protection sociale, mais comme des "sujets" avec des droits, qui sont capables de revendiquer ces droits et de prendre des décisions concernant leur vie, basées sur leur consentement libre et éclairé, en tant que membres actifs de la société. La Convention postule la reconnaissance universelle de la dignité des personnes handicapées. Comprenant 50 articles, elle s‟articule autour de huit principes fondamentaux : 1. Le respect de la dignité inhérente, de l‟autonomie individuelle incluant la liberté de faire ses propres choix, et de l‟indépendance des personnes ; 2. La non discrimination ; 3. La participation et l‟inclusion entières et effectives des personnes dans la société ; 4. Le respect de la différence et l‟acceptation des personnes avec handicap comme part de la diversité humaine et de l‟humanité ; 5. L‟égalité des chances ; 6. L‟accessibilité ; 7. L‟égalité des hommes et des femmes ; 8. Le respect des capacités en développement des enfants avec handicap et le respect du droit des enfants avec handicap à préserver leurs identités.

Bien que le terme de "personnes handicapées" soit maintenu dans la version française de la Convention, le choix a été pris par l'ONU (comme par l'OMS) d'opérer un changement de terminologie en langue anglaise afin de remplacer les termes "handicapped" et "physically or

mentally challenged", jugés trop péjoratifs, par "disabilities", que l'on pourrait traduire par

"incapacités", mais qui ne possède en fait pas véritablement d'équivalence en langue française (Hamonet, 2010 ; United Nations, 2012). La Convention des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées (Nations Unies, 2006) stipule que :

"[…] la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des

personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres".

La Convention définit les "personnes handicapées" en tant que "personnes qui présentent des

incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres" (Ibid.).

La Convention apparait comme le premier instrument international ayant force de loi, qui puisse être utilisé par les personnes handicapées elles-mêmes ou les individus travaillant dans le secteur du handicap, afin de contraindre leurs gouvernements respectifs à la promotion et à l‟application des droits relatifs au handicap, ceci sous réserve que le gouvernement signataire du traité ait également accepté de signer le Protocole Optionnel, donnant autorité au Comité

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des Nations Unies pour le Droit des Personnes avec handicap (the UN Commitee on the Rights

of People with Disabilities). Celui-ci est mandaté pour superviser la mise en application de la

Convention, entreprendre une investigation complète, suite à sa saisie par un individu dans le cas d‟un viol manifeste des droits d‟une personne avec handicap ou d'abus systématiques (Lang, 2009). La Convention et le Protocole Optionnel ont été respectivement signés par la France en mars 2007 et en septembre 2008, puis ratifiés en février 2010 (voir site des Nations Unies, http://www.un.org/french/disabilities). La Convention apparait comme un "outil

nécessaire mais non suffisant pour le respect des droits des personnes handicapées et ne doit pas être considérée comme la panacée pour mettre un terme à leur discrimination" (Lang,

2009). Ce texte constitue néanmoins une avancée historique pour les personnes handicapées du monde entier.