• Aucun résultat trouvé

Nous n'avons pour l'instant fait qu'exposer les données expérimentales obtenues en fonction de l'épaisseur de coque sur le système CdSe/CdS. Nous observons d'une part une réduction drastique de la durée des temps noirs et d'autre part une modication de l'histogramme d'intensité des nanocristaux à coque épaisse. Le système ne uctue plus entre un état brillant et un état noir (CdSe/ZnS de la gure 4.20 bas) mais entre un état brillant et un état gris (CdSe/CdS à coque épaisse de la gure 4.20 haut). Quelle est l'explication permettant d'identier ces états gris ?

c) d)

Figure 4.24: a) exemple de uctuations d'intensité sur une seconde d'un nanocristal unique, b) histogramme d'intensité résultant (intégration sur 180s), c) et d) : déclin de la uorescence en fonction du temps pour l'état brillant et l'état gris, respectivement. On observe bien deux décroissances exponentielles.

4.3.1 Réduction de la recombinaison par eet Auger dans le système CdSe/CdS à coque épaisse.

An d'identier la nature des états gris, nous réalisons une série d'expériences nous permettant d'évaluer le rendement quantique puis le temps de vie de l'état brillant et de l'état gris. Ces résultats ainsi que les détails expérimentaux ont étés publiés[139] et sont disponibles en n de chapitre. L'ensemble de ces expériences ont été réalisées et interprétés par l'équipe de Jean-Pierre Hermier au LKB puis à l'université de Versailles et en particulier par Piernicola Spinicelli qui détaille ces résultats dans son manuscrit de thèse.

Nous évaluons tout d'abord l'ecacité quantique de l'état brillant. Pour ce faire, nous nous plaçons tout d'abord à une intensité d'excitation au delà de la saturation. Après avoir vérié que les photons émis par l'état brillant sont bien uniques, nous en déduisons l'ecacité quantique de cet état, soit en évaluant les pertes induites par le montage, soit en comparant le niveau d'intensité d'émission avec un nanocristal CdSe/ZnS de rendement quantique connu. Nous obtenons alors une ecacité quantique supérieure à 95% pour l'état brillant. Cela nous permet d'en déduire immédiatement le rendement quantique de l'état gris que nous évaluons alors à environ 20%.

Dans un deuxième temps, nous nous plaçons à une intensité d'excitation en dessous de la saturation, de manière à n'avoir qu'une très faible probabilité de créer plusieurs excitons par pulse. Dans ce régime, le nanocristal présente un histogramme d'intensité faisant clairement apparaître deux états, un gris et un brillant tandis que le signal ne tombe pratiquement jamais au niveau du bruit de mesure. En sélectionnant d'une part les photons émis par l'état brillant et d'autre part ceux émis par l'état gris, nous avons accès à leurs temps d'arrivée sur le détecteur et nous pouvons alors reconstruire les courbes

Figure 4.25: Mécanisme postulé des états brillants et des états gris au sein d'un nanocristal CdSe/CdS à coque épaisse.

de déclin de uorescence pour ces deux états (gure 4.24 c) et d) ). Nous observons une décroissance purement exponentielle, ce qui justie le fait de modéliser le QD par ces deux états qui ont bien une justication physique et cela nous permet de plus d'en extraire un temps de vie de 62ns pour l'état brillant et de 8.5ns pour l'état gris. Enn, en réalisant l'acquisition des courbes de dégroupement de photons pour les états gris et brillant, nous vérions que les deux états correspondent bien à l'émission de photons uniques.

En réalisant une analogie avec le système CdSe/ZnS classique, où il est communément admis que l'état noir est un état ionisé pour lequel la recombinaison excitonique se fait de manière non radiative par eet Auger, nous postulons que l'état gris du système CdSe/CdS à coque épaisse provient d'un état ionisé, où le trou est localisé au sein du nanocristal tandis que l'électron est éjecté en surface. En utilisant ce modèle et les mesures de rendement quantique ainsi que de temps de vie eectuées, nous en déduisons (gure 4.25) :

 d'une part, l'état brillant correspond toujours à une émission de photons uniques, d'ecacité quantique proche de l'unité, nous l'associons à la recombinaison radiative d'un mono-exciton ayant un temps de vie de 62ns.

 d'autre part, l'état gris , de rendement quantique d'environ 20% est associé à un état trion, pour lequel deux chemins de recombinaison sont possibles : une recombinaison radiative de temps de vie évalué à 45ns et une recombinaison non-radiative par eet Auger, dont le temps de vie est estimé à 10.5ns.

En conclusion, la croissance d'une coque épaisse de CdS sur un nanocristal de CdSe a permis de diminuer fortement l'ecacité de la recombinaison non radiative par eet Auger dont le temps de vie est passé de la centaine de picosecondes (nanocristal de CdSe) à 10.5 nanosecondes, de l'ordre du temps de vie radiatif. L'état chargé, traditionnellement associé à un état noir pour les QDs n'est alors plus noir mais reste émissif. C'est donc cette forte diminution de l'ecacité des processus de recombinaison Auger dans les nanocristaux CdSe/CdS à coque épaisse qui nous permet d'obtenir des nanocristaux non-clignotants.

Figure 4.26: (haut) intensité de uorescence en fonction du temps d'un nanocristal CdSe/CdZnSe/ZnSe. (bas) spectre de uorescence d'un nanocristal unique présentant trois pics de uorescence distincts et schéma du mécanisme de uorescence associe. Figures is- sues de [140].

une telle augmentation du temps de recombinaison Auger ?

 Il a été observé une augmentation du temps de vie Auger en fonction de la taille du NC.

 La structure coeur/coque CdSe/CdS est ce qu'on appelle un quasi type II, ce qui implique une séparation spatiale partielle des charges et donc une diminution de l'intégrale de recouvrement entre le trou et l'électron ce qui augmente également le temps de vie Auger.

 Enn, y a-t-il un eet de la charge résiduelle ? L'électron localisé quelque part en surface ou à l'extérieur du nanocristal inuencera le comportement des charges in- ternes.

4.3.2 Un autre système non clignotant : CdSe/CdZnSe/ZnSe en gradient de coque.

Un autre système non-clignotant a été décrit récemment par l'équipe de Todd D. Krauss (Nature 2009[140]). Il s'agit d'un système à gradient de coque CdSe/CdZnSe/ZnSe. Les nanocristaux sont synthétisés de manière à ce qu'il s'établisse un gradient de composition entre le coeur CdSe et la coque ZnSe ; ce gradient est induit par interdiusion des cations à l'interface d'un coeur/coque CdSe/ZnSe, puis une coque en pur ZnSe est déposée sur les dots an d'obtenir les nanocristaux naux CdSe/CdZnSe/ZnSe.

De tels objets ne présentent aucun clignotement mais ont des caractéristiques spectrales très particulières (gure 4.26) :

 En spectroscopie de dot unique, chaque nanocristal présente non pas un pic de uo- rescence mais trois pics bien dénis.

 Ces trois pics de uorescence sont toujours séparés par une énergie constante d'en- viron 100meV

 Le temps de vie de uorescence est court, environ 4ns.

Un modèle a été proposé pour rendre compte de ces diérentes données expérimentales en se basant sur un gradient de composition de l'interface coeur coque (justié par la formation de l'interface par interdiusion) qui générerait un potentiel de connement parabolique et de symétrie axiale. Le calcul des niveaux d'énergie pour l'électron et le trou fait alors

apparaître des niveaux équidistant en énergie. Les trois pics d'émission d'un nanocristal unique correspondraient à l'émission d'un état trion avec transfert d'une partie de l'énergie au trou résiduel.

Les auteurs arment donc que pour les nanocristaux qu'ils étudient, ils observent une suppression eective du clignotement car ceux-ci sont perpétuellement chargés et le temps de recombinaison radiatif de l'état trion est du même ordre que le temps de recombinaison non-radiatif par eet Auger. La réduction eective de l'ecacité de la recombinaison Auger serait dans ce cas de gure simplement due à l'absence d'interface entre le coeur et la coque. Le système présenté comporte tout de même de fortes limitations pratiques, provenant principalement de la faible résistance à la photo-oxydation de ZnSe. En eet, son oxy- dation rapide sous illumination entraîne une extinction très rapide de la uorescence des nanocristaux. Ce problème a été contourné dans l'étude publiée par l'inclusion des dots au sein d'une matrice polymère avant leur étude en particule unique an de les préserver de l'oxydation. De même, il serait actuellement impossible d'utiliser ces nanocristaux en milieu aqueux, leur rendement quantique chuterait dramatiquement lors du passage dans l'eau. Il est à noter que les nanocristaux CdSe/CdS à coque épaisse ne sourent pas de telles limitations.