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D U RÉCEPTEUR EN JEU

Dans le document Composition du Jury P (Page 150-154)

D E LA SIGNALISATION INDUITE PAR LA THROMBINE

2. D U RÉCEPTEUR EN JEU

Les points communs de l’action de la thrombine sur les deux lignées étudiées ne s’arrêtent pas à la forme du signal. En effet, dans les deux lignées, il a été montré que le récepteur PAR-1 joue un rôle majeur dans la transmission du signal.

Si cela avait déjà été montré pour les HUVEC[139], l’utilisation du peptide agoniste

TRAP-6 spécifique du récepteur PAR-1 a permis de vérifier, pour les cellules de la lignée SaOS-2, que la thrombine agit par l’activation du récepteur PAR-1.

En effet, l’utilisation de TRAP-6, constitué des 6 acides aminés SFLLRN, provoque, dans les ostéosarcomes, une mobilisation calcique qualitativement semblable à celle induite par la thrombine. Cependant, l’intensité du signal induit par TRAP-6 n’atteint jamais la valeur de l’intensité du signal induit par la thrombine, même pour des concentrations en TRAP-6 aussi élevées que 10µM. Cette notion de plus faible potentialité calcique des peptides

agonistes a déjà été relevée dans la littérature[102]. Une explication proposée se réfère à la

nature de PAR-1 : les six acides aminés d’auto-activation faisant partie intégrante de la queue N-terminale, et donc étant plus "rigides", peuvent être orientés plus facilement dans une configuration optimale par rapport à la seconde boucle extra-cellulaire réceptrice, comparativement aux six acides aminés "libres" et plus "flottants" du peptide agoniste TRAP-6. En d’autres termes, la conformation rigide présente une plus haute affinité que la forme libre. La capacité moindre de TRAP-6 à imiter l’effet de la thrombine s’est aussi retrouvée dans l’effet anti-apoptotique induit dans les SaOS-2 par l’activation de leurs récepteurs

PAR-1. Ainsi, si la thrombine voit son action anti-apoptotique plafonnée à 5mM, le peptide agoniste TRAP-6 doit être présent à la concentration de 10µM pour arriver au même résultat. La différence de potentiel entre les deux molécules ne s’arrête donc pas à la signalisation calcique.

Outre la forme du signal similaire entre la thrombine et TRAP-6, le fait que le signal calcium découlant d’une stimulation par TRAP-6 soit quasi nulle après une première signalisation par la thrombine, soutient l’hypothèse que PAR-1 est un récepteur pour ces deux agonistes.

Le comportement du récepteur apparaît cependant être différent face à la thrombine ou face au peptide agoniste TRAP-6. Tout d’abord, un second ajout de thrombine, après une première stimulation, ne provoque aucune augmentation supplémentaire, aussi petite fut-elle, de la concentration en calcium intracellulaire, au contraire de ce qui a été enregistré avec TRAP-6 (figure 1).

A

B

Figure 1. Courbes représentatives de l’évolution de la [Ca2+]i dans les SaOS-2 (A) stimulées deux fois consécutivement par la thrombine ou (B) stimulées par la thrombine suivi d’une stimulation par TRAP-6, un peptide agoniste de PAR-1.

L’absence d’une seconde réponse semble typique de la thrombine. Ainsi, une telle situation a notamment été rencontrée dans les ovocytes de Xenopus transfectés pour

exprimerle récepteur à la thrombine[274] et des cellules endothéliales d’artères bovines[258].

Ce comportement est encore mieux apparu lors de l’analyse du temps de recouvrement du récepteur. En effet, des stimulations consécutives par la thrombine, entrecoupées par des lavages et des périodes de repos à temps variable, ont permis de déterminer le temps nécessaire au retour à une sensibilisation complète des cellules de la lignée SaOS-2 à la thrombine. Ainsi, après une demi-heure de repos et en absence de thrombine, les cellules y répondent à nouveau, d’une manière statistiquement identique. Il est à noter qu’un temps de recouvrement de 30 minutes correspond au temps nécessaire à la "ré-expression" du récepteur

β2-adrénergique à la surface de cellules de rein d’embryons humains[132].

Cette re-sensibilisation des cellules nécessite l’absence de thrombine dans le milieu d’incubation. En effet, une demi-heure d’incubation en sa présence ne permet pas de retrouver un nouveau signal calcium après un ajout supplémentaire. Par contre, l’addition de TRAP-6 déclenche un nouveau signal calcium. Il apparaît donc que l’absence de réponse par la thrombine n’est pas due à une "non-expression" du récepteur PAR-1 mais bien à un mécanisme de protection contre l’activation de ce récepteur par la thrombine.

Une explication du phénomène peut être émise considérant le mécanisme de phosphorylation du récepteur. En effet, PAR-1 est rapidement phosphorylé lors de son

activation par la thrombine et le peptide agoniste TRAP-6[133]. De plus, des études antérieures

ont montré que la phosphorylation de PAR-1 jouait un grand rôle dans la terminaison de la

signalisation et l’internalisation du récepteur[176, 275]. Une analyse de ces phosphorylations a

par ailleurs permis de conclure que la terminaison du signal nécessite la phosphorylation d’un groupe bien précis de sérines-thréonines, tandis que l’internalisation ne requiert que de multiples phosphorylations sur des sites alternatifs, découplant ainsi le rôle de la

phosphorylation dans la terminaison du signal et l’internalisation du récepteur[183].

PAR-1, une fois interné, est rapidement dégradé dans les lysosomes[133]. Il est à noter

que seuls les récepteurs activés se retrouvent dans les lysosomes[185]. Cependant, certaines

molécules PAR-1 peuvent échapper à la dégradation lysosomiale et retourner en surface mais avec un « tethered-ligand » dans un état inactif. Ce "nouveau" récepteur serait sensible à l’action du peptide agoniste TRAP-6 mais non à la thrombine qui nécessite un récepteur complet pour transmettre son information.

maintiennent une certaine sensibilité à la thrombine en délivrant à leur surface des récepteurs PAR-1 provenant de réserves intracellulaires périnucléaires, indépendamment de la synthèse

de nouvelles protéines[105, 185]. De plus, des récepteurs intacts circulent constamment entre les

réserves intracellulaires et la surface cellulaire grâce à un mécanisme qui n’a pu encore être défini mais qui est indépendant de la phosphorylation de la queue C-terminale sur des résidus

sérines/thréonines[112] et qui est distinct de celui mis en place lors de l’internalisation des

récepteurs activés[187]. Par contre, dans d’autres types cellulaires, tels les plaquettes[276] et les

mégacaryocytes[157], l’expression de nouveaux récepteurs PAR-1 à la surface cellulaire

nécessite leur synthèse[132, 185]. Par exemple, les cellules HEL expriment à nouveau le

récepteur à la thrombine 22h après la stimulation et nécessitent la synthèse protéique.

Sur base des données existantes, les résultats de mes observations sur les ostéosarcomes peuvent être interprétés ainsi. Selon la littérature, 20h sont nécessaires à la

synthèse de nouveaux récepteurs PAR-1[132]. Un recouvrement de la sensibilité à la thrombine

après 30 minutes semble indiquer que les SaOS-2 possèdent un pool intracellulaire de récepteurs à la thrombine mobilisable. Ces récepteurs pourraient alors constamment circuler entre la réserve intracellulaire et la membrane cellulaire grâce au phénomène d’internalisation constitutive observé dans d’autres types cellulaires.

Pourquoi le recouvrement des récepteurs à la thrombine est-il modifié par sa présence continue dans le milieu ? Le fait que les cellules restent malgré tout sensibles à TRAP-6 alors qu’elles sont insensibles à un nouvel ajout de thrombine pose question. Il est imaginable que la thrombine joue un rôle de blocage dans la libération des récepteurs du pool et que sa présence continue empêche de re-sensibiliser les cellules à la thrombine. Il n’est en tout cas pas impossible que la thrombine signale dans les cellules SaOS-2 par des voies supplémentaires à l’activation de PAR-1. Il a en effet déjà été démontré que la thrombine

pouvait signaler par un récepteur ne nécessitant pas son activité protéolytique[277]. La réponse

induite par TRAP-6 proviendrait, pour sa part, d’un recyclage de certains récepteurs PAR-1 activés vers la surface cellulaire. Ces récepteurs auraient subi une déphosphorylation, qui les rendraient aptes à la signalisation, mais ne posséderaient plus la queue N-terminale nécessaire à la liaison de la thrombine à son récepteur. Ce phénomène semble notamment exister dans

les cellules CHRF-288 (Children’s Hospital Research Foundation cell line number 288)[132]. A

ce sujet également, Hammes et Coughlin[183] ont imaginé qu’un "système" pourrait éliminer la

queue N-terminale du récepteur avant qu’il soit interné mais cela n’a pas encore pu être démontré.

Il est aussi plausible que les récepteurs PAR-1 présents dans la réserve intracellulaire soient progressivement exprimés à la surface cellulaire. Lors de leur apparition, ils seraient directement clivés par la thrombine présente dans le milieu. Cependant, le nombre de ces récepteurs activés à chaque instant serait trop faible pour induire un signal calcium. Le fait que les cellules restent sensibles au peptide agoniste TRAP-6 trouverait son explication dans la description précédente. Cependant, comment faire correspondre cette seconde hypothèse avec le fait que les HUVEC, dont il a été prouvé qu’elles contiennent des réserves intracellulaires en récepteurs à la thrombine, répondent à une seconde stimulation par cette dernière, certes faiblement mais de façon bien mesurable ? L’hypothèse d’une présence résiduelle de PAR-1 à la surface des HUVEC n’est pas valable car les travaux de Hein et al[185] ont montré qu’après une activation des HUVEC par 10nM de thrombine, il était impossible de détecter, à la surface cellulaire, la queue N-terminale de PAR-1 portant le site de liaison à la thrombine. Il n’y a donc alors plus de récepteurs "complets" exprimés à la surface cellulaire. Dès lors, la seconde augmentation de calcium observée après le second ajout de thrombine doit venir de l’apparition de nouveaux récepteurs.

Bien qu’elles ne paraissent pas aller à l’encontre de ce qu’il existe dans la littérature, l’ensemble des données que j’ai collectées ne permet pas d’expliquer complètement le "trafic" des récepteurs PAR-1 dans les SaOS-2. Pour cela, il serait nécessaire de déterminer la présence ou non du pool intracellulaire et d’ensuite tracer le devenir des récepteurs initialement exprimés à la surface cellulaire et de ceux présents dans la réserve intracellulaire.

Dans le document Composition du Jury P (Page 150-154)