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II. La collection, sa formation et ses particularités

1. Genèse et développement

1.3. Une croissance fulgurante, soutenue par des achats et des réalisations

1.3.2. Des réalisations uniques à Genève

Parmi les provenances des moulages de la collection, un certain nombre sont directement originaires de l’atelier de l’École. La préface du premier catalogue publié en 1887 nous indique qu’« ayant constatée une certaine lacune dans des modèles se rapportant à la partie ornementale, nous avons fait exécuter par nos meilleures artistes, une série graduée de modèles »2. Ceci peut se rapporter à une autre mention dans un procès-verbal de 1887 : « La commission adopte sa proposition de faire composer à l’École une série de modèles gradués, ornements simples à l’usage des Écoles.

Mr Huguet serait chargé de diriger ce travail »3. Une série de « Modèles Huguet » se

1 Voir ANNEXE 3.1, p. 146, préface du fascicule 1 de 1887.

2 Voir 3.1, p. 138, Préface du fascicule 1 de 1887.

3 Genève, AEG, 2008 va 57.2.37, procès-verbaux de l’École des arts industriels, 24 octobre 1887, p. 165.

trouve effectivement présentée sur la planche XXI du deuxième fascicule, paru en 1889 (Fig. 20).

Le catalogue de 1923 nous révèle de nombreuses informations inédites sur des modèles présents dans les premiers fascicules. En nous rapportant aux numéros de références, nous pouvons connaître les auteurs de deux autres séries présentes dans le premier fascicule. Charles Louis Menn (1822-1894)1, sculpteur, réalise une série de modèles élémentaires, dont dix-neuf pièces ; pilastres, feuilles stylisées et rosaces ; se trouvent dans le fascicule de 1887 et quatre autres dans le fascicule de 1894. Un autre auteur peut également être associer à une série de moulages présents dans le catalogue de 1887, Monsieur Charlier, pour une série de moulages de plantes sur nature2. De nombreuses œuvres sont sans doute réalisées dans le cadre des cours (Fig. 30),

1 Charles Menn est un sculpteur genevois, neveu du peintre Barthélemy Menn (1815-1893). À Paris, il fut l’élève de James Pradier et de Antoine Etex et exerça une partie de sa carrière dans cette ville. De retour à Genève en 1858, il fut actif dans diverses associations dont l’Institut national genevois.

2 Cette série correspond vraisemblablement à une mention dans le procès-verbal du 25 janvier 1884 : «  Formes plâtre. M Charlier soumet les formes qu’il a faites dernièrement », cité en note 3, p. 61.

Fig. 20: Modèles Huguet, planche XXI, dans École des arts industriels, Catalogue des moulages en tous genres, Fascicule 2, Imprimerie centrale genevoise, Genève, 1889, BGE, numérisation de l’auteur.

seulement, nous ne savons pas s’ils entrent fréquemment dans la collection, s’ils sont détruits, vendus, ou récupérés par les élèves. Ces travaux sont pourtant mis en valeur lors de concours et d’exposition et auraient très bien pu devenir des modèles conservés et reproduits pour la vente (Fig. 21).

L’inventaire des achats faits nous révèle aussi des noms de membres de l’École parmi les fournisseurs. Le 24 août 1888 est noté l’achat d’une « statuette Vénus de Médicis » au professeur de sculpture Leysalle (1847-1912). Seulement, le montant de 200 francs est excessivement élevé pour une statuette. Cela représente plutôt la conception du moule. Une réduction de la Vénus de Médicis avait déjà été achetée à Biagi pour 10 francs en 1885, tarif courant chez les autres fournisseurs pour cette pièce en hauteur 80cm. En décembre 1888, « huit grands modèles plâtres » sont achetées à Charmot (1866-1899), alors élève en sculpture, et ce sont « vingt grands modèles plâtres » qui sont achetés au professeur Huguet et à nouveau des « modèles armoiries de Genève » du même auteur, le 7 octobre 1892.

Fig. 21: Exposition de la classe de modelage de l’École des Arts industriels de Genève, Journal officiel illustré de l’exposition nationale suisse, n° 50, 1896, p. 596.

Hormis des réalisations originales, des pièces inédites sont également reproduites à l’atelier. En 1893, «  Une statue antique a été acquise à Rome par la Ville de Genève et le conseil administratif désirant pouvoir en vendre des moulages a commandé un moule à pièces à l’École […]1 ». Ce modèle est proposé à la vente dans le cinquième fascicule paru en 1897, sous Statue Trajan2, puis renommé Fonctionnaire romain  en 19233 (Fig. 22).

Pour une hauteur de plus de deux mètres, elle est la plus grande et la plus chère des pièces de la collection, vendue 250 francs4. Ainsi l’École peut s’enrichir d’une reproduction d’antique unique à Genève.

Une autre initiative vient augmenter la collection. En 1894, s’adressant à l’EAIG, le directeur de l’École des arts de La Chaux de Fond demande « s’il entrerait dans les convenances de l’École de confectionner sur modèles dessinés, une centaine de modèles ornements, modelages et moulages »5. Ce sont des pièces de grandes dimensions, environ un mètre carré, pour l’enseignement selon la méthode de dessin du professeur Édouard Kaiser (1820 - 1895), à destination des Écoles du canton de Neuchâtel. L’EAIG répond positivement à la commande et en profite pour ajouter ces nouvelles pièces dans sa collection et en proposer 88 à la vente en 1897 sous la dénomination « modèle élémentaire méthode neuchâteloise » (Fig. 23).

1 Genève, AEG, 2008 va 57.2.37, procès-verbaux de l’École des arts industriels, 20 février 1893, p. 300.

2 Modèles 2712, planche XXI, dans École des arts industriels, Catalogue des moulages en tous genres, Fascicule 5, Imprimerie centrale genevoise, Genève, 1897. Le buste est également proposé séparément dans le même fascicule.

3 École des arts industriels, Catalogue des moulages en tous genres, Imprimerie centrale genevoise, Genève, 1923, p. 139.

4 École des arts industriels, Catalogue des moulages en tous genres, 1923, p. 139. En réalité, le Gladiateur Borghèse est également à ce prix.

5 Genève, AEG, 2008 va 57.2.37, procès-verbaux de l’École des arts industriels, 25 avril 1894, pp. 336-337.

Fig. 22: Moulage nommé « Statue Trajan », planche XXI, H 230 x 75 x 57 cm, réf. 2712, dans le catalogue de 1923, numérisation de l’auteur. L’originale se trouve aujourd’hui au MAH, sous la dénomination Statue monumentale Triomphateur, inventaire : 008938.

Les réalisations de l’École ne sont pas toujours identifiables puisqu’elles n’apparaissent explicitement que dans certains cas parmi les achats. Seules leurs mentions dans différentes sources permettent de les distinguer. L’inventaire des achats faits au moyen de la subvention fédérale offre un aperçu d’ensemble des acquisitions régulières, mais ne reflète donc pas l’intégralité des ajouts. Ce document s’achève sur l’année 1901, avec des moulages provenant des fournisseurs parisiens habituels, dans ce cas Lorenzi et Gabrielli, ainsi qu’avec l’achat de la collection du nouveau maître-mouleur Antoine Mazzoni (né en 1848, date de décès inconnue), remplaçant de Biagi décédé en 1893. Le catalogue publié en 1902 fait état de 3050 modèles disponibles à la vente.

En une vingtaine d’années, l’essentiel de la collection est constitué. La majorité de son contenu et les provenances sont connues, bien que les détails manquent dans le cas où certaines pièces sont groupées par lots, ou si les dénominations ne permettent pas

Fig. 23: « Modèle élémentaire méthode neuchâteloise », planche III, dans le fascicule 5 de École des arts industriels, Catalogue des moulages en tous genres, fascicule 5, Imprimerie centrale genevoise, Genève, 1897. Collection de l’État de Genève, Département de l’Instruction publique, sous la responsabilité scientifique de la HEAD, Genève, numérisation de l’auteur.

de distinguer un modèle. Dans d’autres cas, si des informations disponibles dans les sources ne sont pas complètes, elles permettent tout de même de comprendre que la recherche de nouveaux modèles fait l’objet d’efforts soutenus. Par exemple, dans un procès-verbal de 1890, il est mentionné que « Bécherat décide de se rendre à Paris pour y faire un choix de surmoulés et demande à pousser jusqu’à Londres pour y acheter sur le compte de la subvention fédérale, des modèles plâtres de la collection de Kensington »1. Cette initiative est acceptée, néanmoins aucun achat ou commentaire ultérieur ne nous permet de confirmer ce voyage ou d’en voir les résultats.