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II. La collection, sa formation et ses particularités

1. Genèse et développement

1.1. Une collection à créer de toute pièce

En 1878, les professeurs Almire Huguet et Jean-Jules Salmson travaillent sur des sculptures pour le Grand Théâtre de Genève alors en chantier. Le montant trop élevé du projet de cheminée monumentale pour le foyer central est d’abord critiqué lors d’une séance du conseil administratif de la ville, Salmson explique alors que « l’École des arts industriels, dont il est le directeur, n’a pas encore de modèles et que tout doit être créé, d’où la cherté »1.

En réalité, nous savons qu’un ensemble de modèles est déjà constitué en prévision de l’ouverture de l’École. Des œuvres sont acquises à Paris pour fonder un petit musée d’art industriel2. Si nous ne disposons pas d’un suivi détaillé de cette initiative, son résultat est tout de même rappelé en décembre 1879, dans le discours de la cérémonie de remise des prix de l’année scolaire, durant lequel Laurent Rambal3 (1833–1904) remercie l’État de Genève pour avoir permis de doter l’École de professeurs distingués, d’un bâtiment spécialement conçu, et de lui avoir accordé « les crédits nécessaires pour commencer d’intéressantes collections de modèles de divers genres »4. Enfin, dans ce même discours, nous trouvons la description d’un cours de sculpture donné à l’École, faisant mention de modèles en plâtre : « Dans la classe de sculpture sur pierre, soit mise au point, on enseigne aux élèves le moyen de copier un modèle en plâtre en le reproduisant »5. Seulement, bien que certains modèles soient déjà

1 Genève, AVG, Palais Eynard, 03. Pv .37, procès-verbaux des séances du conseil administratif, 26 juillet 1878, cité d’après : COURTIAU, Catherine, DURRUTHY COLAS BEDAT, Angela, Le Grand Théâtre, ville de Genève, conservation du patrimoine architectural, Genève, 2013, p. 94.

2 Genève, MGC, 27 février 1877, p. 476.

3 Fabricant de bijouterie, secrétaire de la commission de surveillance à la création de l’École, délégué envoyé à Paris en 1876.

4 École des arts industriels, Cérémonie de distribution des prix, Genève, 1879, p. 12.

5 École des arts industriels, Cérémonie de distribution des prix, Genève, 1879, p. 9.

disponibles dès les débuts de l’École, leur diversité n’est peut-être pas encore suffisante pour inspirer de nouvelles réalisations d’ornements. Par conséquent, presque « tout doit être créé », et l’activité de l’École, avec son équipement, ses professeurs et des commandes dès ses premières années, offre le contexte idéal pour la production de nouvelles pièces originales, à même de devenir des modèles. En effet, l’École participe immédiatement à des réalisations concrètes. En 1879 elle peut déjà se prévaloir de « la vitrine d’horlogerie et bijouterie à l’Exposition de Paris, la cheminée monumentale du foyer du Grand Théâtre (Fig. 18), celle de la Caisse d’Épargne, et nombres d’autres commandes »1. Autant de modèles sont sans doute générés lors de ces travaux et constituent des ajouts successifs dans la collection en formation2.

Par la suite, à un ensemble de modèles issus de la production de l’École et de premiers achats avant son ouverture, viennent s’ajouter régulièrement de nouvelles acquisitions. Une première mention apparaît dans un procès-verbal en 1882 : «  Monsieur Bécherat annonce que les moulages commandés à Paris ont été reçus »3. La quantité et le type de modèles achetés ne sont pas connus. Toutefois, cette phrase

1 École des arts industriels, Cérémonie de distribution des prix, Genève, 1879, p. 9.

2 Les modèles extraits de la cheminée du Grand Théâtre sont présents dans le fascicule 1 de 1889.

3 Genève, AEG, 2008 va 57.2.37, procès-verbaux de l’École des arts industriels, 13 septembre 1882, p. 61.

Fig. 18: Grand Théâtre de Genève, détail de la cheminée monumentale du foyer avec les figures et la composition exécutées par Jules Salmson et Almire Huguet en 1878. © GTG/Carole Parodi.

résume un mode opératoire caractéristique du développement de la collection. Les achats sont généralement faits à Paris. Louis Bécherat-Gaillard est le référent quand il s’agit de relations internationales et notamment avec la capitale française. Et finalement les commandes concernent un ensemble de moulages, un lot, plutôt qu’une pièce définie ou une série particulière. Une autre mention en 1883 est, quant à elle, un peu plus explicite : « Achat plâtre Pradier. Relativement à la proposition d’achat de plâtres à M. Monnier, il est voté 200 francs pour cette acquisition. Mais ces plâtres resteront la propriété exclusive de l’École »1. Malgré tout, si une origine est donnée pour ces plâtres, leur détail n’est pas connu. L’École possède effectivement des modèles de Pradier, six bustes et statuettes apparaissent dans les catalogues avant 1902, puis quinze statuettes sont dans le catalogue de 1923.

Les achats sont régulièrement mentionnés dans les procès-verbaux pour les premières années. Ce sont des lots dont la description minimum nous rappelle qu’il s’agit pour l’École avant tout de matériel, de modèles tridimensionnels, et non d’œuvres d’art. La dénomination individuelle des pièces n’est donc pas nécessaire au moment des acquisitions. Lors des procès-verbaux, les informations sont réduites à l’essentiel.

Parfois, en croisant les sources, nous pouvons avoir une meilleure idée des modèles cités, en rapport avec leurs circonstances de création et d’acquisition. En effet, en 1885, Monsieur « Charlier soumet les formes en plâtre qu’il a faites dernièrement »2. Grâce aux précisions des pièces listées dans le catalogue de 1923, nous savons qu’il s’agit d’une personne en lien avec l’École, élève ou employé, et ses réalisations sont des moulages de plantes sur nature que l’on retrouve en partie présentés dans le catalogue 1887. Un ensemble de moulages de différentes natures et origines est donc rassemblé durant les premières années de l’École. Seulement, la quantité et la typologie exacte de ces pièces s’avère impossible à déterminer. Un suivi plus détaillé est permis entre les années 1885 et 1901, grâce à l’accès à un inventaire des achats, ainsi qu’à la publication des catalogues. À partir de 1885, l’École bénéficie de considérables ressources financières par le biais de la subvention fédérale, au même titre que de nombreuses autres Écoles professionnelles en Suisse. Cette nouvelle situation participe au développement de la collection par des acquisitions régulières et le recrutement d’un maître-mouleur attitré.

1 Genève, AEG, 2008 va 57.2.37, procès-verbaux de l’École des arts industriels, 6 novembre 1883, p. 91.

2 Genève, AEG, 2008 va 57.2.37, procès-verbaux de l’École des arts industriels, 25 janvier 1884, p. 98.