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II. La collection, sa formation et ses particularités

2. La médiation et ses stratégies

2.2. L’exposition, réserve de pièces ou musée ?

Les salles d’expositions ne manquent pas dans l’école. À l’entrée du bâtiment, sur le boulevard James-Fazy, se trouve un Musée des produits dont le rôle est celui d’un magasin. Une autre salle d’exposition, « renferme exclusivement des dessins, des ébauches, des gravures sur bois, des marbres et des bois sculptés, des céramiques et des fers forgés, dus au travail des élèves primés à la fin de l’année1 ». Finalement un espace désigné comme « Musée des moulages » (Fig. 37), accolé à l’atelier de moulage, occupe une centaine de mètres carrés dans le sous-sol semi-enterré de l’aile sud2. Cet espace semble être autant pour des usages d’exposition que pour permettre l’accès aux pièces en fonction des besoins de l’atelier. Il est également ouvert au public, mais nous pourrions imaginer que l’intérêt des visiteurs pourrait-être plus commercial que culturel.

Le terme de musée apparaît dès la fondation de l’École. Mais en 1886 il semble que celui-ci accède à un statut plus officiel :

Le subside réclamé pour la création d’un Musée de modèles en plâtre a été également accordé. L’École pourra donc désormais jouir, non seulement de la consultation d’un choix considérable de matériaux d’une grande valeur, mais encore sera à même d’en faciliter l’acquisition à toutes nos écoles artistiques de la Suisse, et cela dans les conditions les plus favorables3.

1 UJFALVY, 1892, p. 24.

2 Voir plan en ANNEXE 1.2, pp. 140-142.

3 École des arts industriels, Cérémonie de distribution des prix, Genève, 1886, p. 5.

La publication du premier fascicule s’annonce comme le « catalogue illustré de notre nouveau Musée de moulages »1. En 1887, la collection encore peu fournie peut vraisemblablement tenir entièrement dans l’espace d’exposition. Seulement, cette situation évolue rapidement avec l’augmentation du nombre de modèles. La collection double de volume en 1889, et suis le même rythme de croissance jusqu’au début du XXe siècle. D’autres réserves dans les sous-sols, ainsi que des espaces sous la voie ferrée forment alors la partie cachée de la collection. Si le choix des pièces sélectionnées pour le musée n’est pas connu pour les premières années, en 1904, une mise en ordre témoigne de la volonté de l’organiser autant pour sa valeur culturelle que pour son intérêt commercial :

Notre collection de modèles en plâtre augmente chaque jour. Elle a été mise en ordre dans le sous-sol de l’aile sud de notre bâtiment. On a pu disposer ainsi une partie de ces innombrables modèles par ordre de styles, de manière à offrir plus de facilité aux recherches et plus d’intérêt aux visiteurs. Mais tous nos modèles n’ont pu trouver une place, et s’il est évident que la construction de l’aile nord s’impose déjà, et devront être effectués dès que les ressources financières du canton le permettront. Cet achèvement sera, pour notre institution, la sanction bien méritée,

croyons-1 École des arts industriels, Cérémonie de distribution des prix, Genève, croyons-1888, p. croyons-13.

Fig. 37: Enseigne du Musée des moulages de l’EAIG. Plâtre, 50 X 43 cm, © Collection de l’État de Genève, Département de l’Instruction publique, sous la responsabilité scientifique de la HEAD, Genève, photographie de l’auteur.

nous, des efforts qu’elle ne cesse de faire pour répondre de plus en plus largement à ce qu’on attend d’elle et au but que se sont proposé ses fondateurs2.

La construction de l’aile nord en question est planifiée en 1914, mais ne sera pas réalisée avant les années 1970, selon de nouveaux plans. À cette date, un espace d’exposition pour les moulages n’est plus d’actualité. Cette extension est réservée aux salles de cours.

Au début du XXe siècle, l’idée d’un musée de sculpture comparée circule dans le milieu du Musée d’art et d’histoire de Genève. En 1906, l’artiste français Paul Milliet (1844 – 1918) « céda à la Ville un capital de Fr. 12 000 Français, pour que les revenus en soient consacrés après sa mort à la création et à l’accroissement d’un musée de moulages ou de sculpture comparée2 ». Une commission est réunie en 1922, dans le but de mettre en application, partiellement du moins, le vœu de Milliet. La collection de moulages de la Ville s’installe au sous-sol du Musée Rath est se trouve complétée par de nouveaux achats entièrement faits à l’EAIG3. Mais cette idée d’un musée de sculpture comparée transparaît aussi dans le discours des responsables de la collection de l’EAIG. En 1923, elle compte plus de trois mille sept cents pièces, dont les moulages des sculptures les plus célèbres. Sa valeur patrimoniale est reconnue :

La collection de moulages de l’école des Arts et Métiers, créée depuis plus de trente ans dans les locaux de la section des Arts industriels, boulevard James-Fazy, comporte plus de 3000 modèles, groupés et classés par catégories, époques et styles. Cette collection unique en Suisse, ignorée de la plupart des personnes qu’elle pourrait intéresser constitue un véritable musée de sculpture comparé4.

Le catalogue demeure le meilleur moyen de communiquer sur l’ensemble de cette vaste collection alors qu’aucun espace n’est disponible pour la présenter dans sa totalité. Toutes les photographies montrent un local chargé à l’extrême, tenant plus d’une optimisation en vue de stocker et de rendre accessibles les pièces plutôt que de les mettre en valeur. Dès les années 1880, l’EAIG sait profiter de la période la plus dynamique pour le marché du moulage au niveau international. Les publications permettent de se tourner davantage vers la clientèle potentielle, en leur proposant un

2 École des arts industriels, Cérémonie de distribution des prix, Genève, 1904, p. 5.

2 DEONNA, Waldemar, Moulages de l’art antique au Musée Rath, Ville de Genève, Genève, 1922, p. 5.

3 Genava  : revue d’histoire de l’art et d’archéologie, n° 1, 1923, Musée d’art et d’histoire, Genève, p. 68.

4 Voir ANNEXE 3.5, pp. 150-152, préface du catalogue de 1923.

support de consultation adapté à leurs besoins. Il est difficile d’estimer l’importance de la médiation et ses répercussions sur les ventes, cependant, à cette période, la collection essaime sur un vaste territoire. Malgré ces efforts de visibilité pour dynamiser les ventes, l’intérêt pour le moulage s’estompe au début du XXe siècle. Dans les années 1920, un catalogue plus savant, ou une infrastructure plus adaptée pour présenter la collection n’auraient certainement pas les effets à la hauteur de leurs investissements.

Si le catalogue de 1923 souhaite donner un nouveau souffle à la collection, en revendiquant son originalité et sa richesse, c’est bien que le succès est en train de tourner.