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Le patrimoine local, entre document et éditions originales Le patrimoine local offre également une matière pour des modèles uniques à

II. La collection, sa formation et ses particularités

2. Des modèles pour le marché et en lien avec le savoir- savoir-faire local

2.3. Le patrimoine local, entre document et éditions originales Le patrimoine local offre également une matière pour des modèles uniques à

Genève. Quelques reproductions de sculptures issues de collections de la ville et de réalisations de l’École sont déjà présentes dans la première série de fascicules1. Cependant, c’est surtout au début du XXe siècle que l’atelier semble régulièrement sollicité dans des campagnes de moulages du patrimoine bâti. Certaines pièces, d’abord reproduites dans le cadre de projets de conservation apparaissent en tant que modèles d’édition dans le catalogue de 1923.

Les affinités entre un souci de conservation et l’attrait du commerce ne sont pas récentes. Déjà, en 1878, la vente de reproductions en plâtre des sculptures appartenant à la Ville, alors conservées au Musée Rath, est déjà mentionnée. Aux réclamations des amateurs d’art pour obtenir des copies du Torse de Vénus2, le directeur répond : « M. le Directeur du Musée [Théodore de Saussure] estime qu’il n’y aurait pas d’inconvénient à vendre des moulages faits au moyen du moule que la ville possède.3 ». Dans ce cas, nous ne savons pas de quelle manière auraient pu être réalisés les éventuels tirages.

Peut-être que le musée avait du personnel qualifié à disposition, ou alors, l’EAIG était déjà implicitement désignée pour cette tâche. Plus tard, en 1893 lorsque la Ville achète la statue antique dite de Trajan4, c’est à l’atelier de moulage de l’École que revient le mandat d’en exécuter le moule. Les tirages sont proposés à la vente dans le fascicule de 1897. Il s’agit d’un des rares modèles antiques dont Genève peut désormais bénéficier de l’exclusivité sur l’édition.

À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, la ville se transforme pour s’adapter à une expansion démographique constante5. Avec l’émergence de plans d’urbanisme à grande échelle6, les projets de destructions d’anciens édifices éveillent un intérêt pour la conservation. C’est notamment sous l’impulsion de Waldemar Deonna (1880 - 1959), alors conservateur puis directeur du Musée d’art et d’histoire, qu’entre les années 1910

1 Par exemple : la statue dite de Trajan ou les moulages contemporains issus de la cheminée du Grand Théâtre de Genève, de celle primée à l’exposition universelle de 1889 ainsi que des modèles de la salle à manger primée en 1900.

2 Marbre ainsi que son moulage ramené de Rome en 1878 et offert à la ville par Etienne Duval. Voir : GRANGE, 1991, p. 48.

3 Genève, AVG, 03. PV .38 (1879), p.459, 24.6.1879, dans GRANGE, 1991, p. 50.

4 voir p.13.

5 FRAVALO, ARVIDSSON, 2015, p. 270.

6 FRAVALO, ARVIDSSON, 2015, p. 271.

et 1930, le Musée devient dépositaire du patrimoine régional1. Le moulage est un aspect incontournable du processus de conservation des œuvres et vestiges sculptés :

En ville, les démolitions du Terraillet, de la rue Traversière et de la rue de la Croix-d’Or ont été suivies de près. […] Plusieurs inscriptions romaines y furent trouvées et données au Musée archéologique. Il serait très nécessaire de faire, dès à présent, des moulages des sculptures encore existantes sur les maisons, car elles se dégradent journellement, et s’il faut attendre la démolition des immeubles pour prendre ces motifs, ils seront déjà réduits en poussière2.

La majorité des opérations de conservation et d’études archéologiques effectuées ne comportent pas d’informations sur les spécialistes ou les ateliers de moulages concernés par ces commandes, mais leur importance historique est soulignée :

Plus que jamais, par le fait des transformations de notre vieille cité, il a fallu vouer beaucoup d’attention aux démolitions. Plusieurs fers forgés, stucs, poutres sculptées, chapiteaux, ont été sauvés de la destruction, et constitueront des spécimens précieux pour l’histoire de Genève. Le Service [du Vieux-Genève] a suivi attentivement les fouilles de l’église de la Madeleine. Il a pris des vues de toutes les substructions, et a fait mouler une pierre tombale d’un grand intérêt3.

Dans le cas d’un moulage sur un vestige remarquable, un nom se révèle. Nous apprenons que la pièce maîtresse de cette campagne archéologique est confiée à l’expertise de Plojoux, alors maître-mouleur de l’atelier de l’EAIG : « Un moulage de pierre tombale à la Madeleine, obligeamment exécuté par M. Plojoux, professeur4 ». Ce type de reproduction n’apparaît pas dans le catalogue de l’École. Les tirages résultant de ces travaux archéologiques ne correspondent pas toujours au répertoire artistique des catalogues de l’EAIG, notamment s’il s’agit d’empreintes d’inscriptions5. Mais les compétences de l’atelier permettent de valoriser ces vestiges pour leur aspect formel, et, d’un fragment, peut surgir une reconstitution sans âge (Fig. 27). En étant remis à neuf, des motifs architecturaux anciens auraient-ils pu servir comme modèle de dessin, en vue de réalisation contemporaine ? Autour des années 1920, un chapiteau gothique comme modèle d’inspiration n’était sans doute plus essentiel, cependant, il est intéressant de

1 ABALLEA, Sylvie. « Collections de moulages d’œuvres médiévales régionales un patrimoine à redécouvrir : l’exemple de la collection du Musée d’art et d’histoire de Genève (1880-1940) », p. 183, dans Revue suisse d’art et d’archéologie, numéro 54, 1997.

2 Genève, AEG, compte-rendu administratif, 1917, p. 156-157.

3 Genève, AVG, compte-rendu administratif, 1915, p.144.

4 Genève, AVG, compte-rendu administratif, 1916, p. 138.

5 MARTIN, Paul, L’inscription tumulaire de Bonmont, 1497, Revue historique vaudoise, Société vaudoise d’histoire et d’archéologie, 1935, numéro 43, livret 4, p. 224.

constater l’implication de L’EAIG dans ce rôle technique, entre science, art et commerce. Parfois, les circonstances de réalisation des moulages sont plus explicites.

C’est le cas d’une sculpture, dont la notoriété locale a valu une mention dans le Journal de Genève en 1922 :

Un moulage de la tête à la clochette, qui se voit au n° 27 de la rue de la Fontaine, vient d’être pris par l’atelier des arts et métiers ; les nombreuses personnes qu’intriguait cette sculpture énigmatique pourront sous peu en voir un exemplaire au musée des moulages de l’École du boulevard James-Fazy, 15, ainsi qu’à la collection du Vieux Genève au Musée d’art et d’histoire1.

1 Journal de Genève, 2 juillet 1922, n° 179, p. 6.

Fig. 27: « Reconstitution d’un chapiteau du XIIIe siècle trouvé dans une fouille à la rue de St Léger.

École des arts et métiers Genève, collection de la section des arts industriels » vers 1920, Photographie, 18 x 25 cm. Collection de l’État de Genève, Département de l’Instruction publique, sous la responsabilité scientifique de la HEAD, Genève, numérisation de l’auteur.

Parfois, les circonstances peuvent être estimées à une période contemporaine aux travaux sur les supports d’où ils sont tirés. Ainsi, alors qu’une importante campagne de restauration de la cathédrale Saint-Pierre de Genève s’achève en 1901, des chapiteaux, rosaces et motifs provenant de cet édifice rejoignent la collection dans les premières années du XXe siècle1 (Fig. 28 et Fig. 29). D’autres moulages s’avèrent quant à eux plus anciens, et sont probablement issus d’emprunts au Musée du Vieux Genève2. Un ensemble est attribué à Jean Jacquet (1754-1839) ou à son École, reproduisant des ornements de maisons particulières dans la rue de l’Hôtel-de-Ville et la Rue Taconnerie, ou encore des frises provenant du bâtiment du Calabri3.

1 École des arts industriels, catalogue des moulages en tous genres, 1923, p. 29.

2 École des arts industriels, catalogue des moulages en tous genres, 1923, p. 81.

3 Ce bâtiment abrita la première École de dessin en 1748, puis la société des arts en 1826. Voir

LOURDIN, Mathieu, historique des écoles d’art : collecte de textes relatant l’histoire et l’évolution des écoles d’art à Genève. Haute École d’art et de design, Genève, 2012, p. 9.

Fig. 28: « moulages de fragments, autrefois dans l’annexe de St Pierre, actuellement dans la collection épigraphique du Musée d’art et d’histoire », vers 1920, Photographie collée sur carton, 12 x 18 cm.

Collection de l’État de Genève, Département de l’Instruction publique, sous la responsabilité scientifique de la HEAD, Genève, numérisation de l’auteur.

Le même catalogue présente également des objets archéologiques issus de trouvailles dans la région. Ce sont notamment des reproductions de boucles de ceintures, dont les originaux en bronze gravé sont conservés aux musées de Genève et de Lausanne1. Dans un tout autre domaine, deux pièces portent la mention « moulage original ». Ce sont deux masques sur nature d’artistes reconnus internationalement : John Etienne Chaponnière (1801-1935) et Gustave Courbet (1819-1877). Dans ces cas, la notion de moulage original telle que mentionnée dans le catalogue est ambigüe.

L’École possède-t-elle les matrices originelles ayant servi à réaliser les tirages d’éditions ? Un article, paru dans le journal de Genève de 1922 relate l’existence du masque mortuaire original de Gustave Courbet, invitant le public à venir contempler cette « relique » dans le musée des moulages de l’EAIG2. Sachant que dans la collection

1 École des arts industriels, Catalogue des moulages en tous genres, Imprimerie centrale genevoise, Genève, 1923, p. 183.

2 Journal de Genève, numéro 127, 10 mai 1922, p. 2. Ce masque se trouve également au Musée Carnavalet. Nous apprenons qu’il a été réalisé par le sculpteur et mouleur, Amédée-Paul Bertault, Numéro d’inventaire : S841.

Fig. 29: Les moulages de chapiteaux de la Cathédrale Saint-Pierre, exposés dans le musée de l’École. vers 1920, Photographie, 18 x 25 cm. Collection de l’État de Genève, Département de l’Instruction publique, sous la responsabilité scientifique de la HEAD, Genève, numérisation de l’auteur.

il existe d’autres masques mortuaires de personnages tout aussi célèbres, mais pour lesquels cette caractéristique d’originalité n’est pas soulignée. Nous pourrions alors supposer que l’École possède effectivement, à cette époque, les matrices ou les tirages originaux. Par ailleurs, comme Chaponnières et Courbet décèdent non loin de Genève, il ne parait pas surprenant que ces pièces rejoignent la collection de l’atelier local, le plus actif dans ce domaine.

Après la parution du dernier Catalogue, en 1923, les campagnes de moulages à des fins de conservation et de recherches archéologiques se sont poursuivies en collaboration avec l’EAIG. Waldemar Deonna rapporte qu’en 1924, dans le cadre d’études d’un édifice à Nyons, « l [L] es moulages, exécutés M. Plojoux, l’habile chef de l’atelier de moulages à l’École des Arts industriels de Genève, orne les Musées de Genève, de Nyon, de Lausanne et de Zurich3 ». L’expertise de l’atelier lui vaut sans doute la responsabilité pour ce genre de travaux parfois délicat4. Dans tous les cas, le nom de Plojoux est l’un des rares, cité en rapport avec ce type de moulage5. Au final, un ensemble de pièces, dont le lien avec le paysage matériel local est établi, apparaissent dans le catalogue de 1923. Il s’agit d’une trentaine de moulages issus d’édifices historiques genevois, ainsi qu’une dizaine d’objets archéologiques de la région. Dans l’ensemble, cela témoigne d’une volonté de conservation et de valorisation du patrimoine à cette époque. Outre l’inventaire disponible par le catalogue, la collection aurait aussi pu conserver de nombreuses autres matrices, dont la parution ne semblait alors pas nécessaire en raison de qualité esthétique moindre. Ces pièces sortent alors du répertoire de l’École des arts industriels pour rejoindre celui du Musée d’art et d’histoire.

L’analyse du développement de la collection permet de comprendre de manière détaillée les façons dont l’École s’approvisionne, sélectionne et produit les modèles.

Après une première période de croissance intensive, un ralentissement se fait sentir. Au tournant du siècle, alors que le catalogue compte plus de trois mille pièces, L’EAIG

3 DEONNA, Waldemar, « Sculpture romaine de Nyon (Suisse) », dans Anzeiger für schweizerische Altertumskunde : Neue Folge, 4, no 26 (1924), p. 208.

4 C’est sans doute également pour cette raison que le moulage paléontologique du Glyptodon est confié à Biagi en 1881. Voir p., du chapitre I, AVG, compte-rendu administratif, 1881, p34.

5 Plojoux apparaît de nombreuses fois dans en tant que mouleur en lien avec le MAH. Voir WALDEMAR, Deonna, pierres sculptées de la vieille Genève, Musée d’art et d’histoire, Genève, 1929, p. 243 ; il est également encore au cœur de ce domaine, avec un dénommé Trochen, cité dans ABALLÉA, 1997. Un autre nom apparaît dans les recherches : Charles Kaspar, ancien élève de l’EAIG et maître-mouleur au Musée national Suisse à la même époque d’activité que Plojoux.

possède déjà un vaste ensemble de choix pour toutes les catégories susceptibles d’intéresser les divers enseignements de l’institution ainsi que sa clientèle. À ce stade, la collection aurait-elle atteint une limite ? La diminution des achats peut s’expliquer de plusieurs façons. Autour de 1900, la majorité de l’offre des ateliers parisiens est déjà présente dans la collection. Nous pouvons alors imaginer un épuisement dans la recherche de nouveaux modèles, notamment ceux faisant référence aux œuvres d’art. En outre, l’infrastructure de l’École n’avait surement pas été conçue à l’origine pour abriter un tel stock de pièces. Toutefois, le facteur principal pour expliquer la réduction du développement de la collection réside dans le déclin général de l’attrait pour le moulage à cette époque. Le marché, ainsi que les usages des reproductions en plâtre se transforment et l’activité de l’atelier a sans doute subi progressivement ce désintérêt au point de voir se réduire les fonds destinés aux achats. Ce n’est d’abord qu’un ralentissement. Aux trois mille modèles en plâtre déjà accumulés, s’ajoutent environ six cents nouvelles pièces jusqu’en 1923. Finalement, le déclin amorcé ne fera que se prononcer davantage. Les achats finiront par devenir ponctuels jusqu’aux dernières décennies du XXe siècle.

En cohabitation avec un atelier pédagogique et pratique, la collection s’est adaptée aux goûts et aux besoins du moment. Aux côtés des modèles du marché international se joignent ceux réalisés à l’École au cours de ses activités et grâce à ses compétences. Car, plus qu’un ensemble de pièces réunies, ce sont ses usages qui font exister cette collection, en lien avec le tissu économique local et contemporain. En effet, l’atelier de l’EAIG s’anime dans l’optique d’une industrie d’art, à même de fournir ses services et des modèles pour répondre à divers besoins, tout en transmettant un savoir, technique et artistique, aux élèves de l’École.

III . Les usages de la collection, un savoir-faire local et une diffusion globale

La valeur de cette vaste collection réside principalement dans l’activité dont elle fait l’objet au XIXe siècle. Tout d’abord, pour les élèves de l’école, ces plâtres sont des modèles d’enseignement pour l’apprentissage du dessin ainsi que des sources d’inspiration pour leurs réalisations. Ensuite, cet ensemble de pièces représente le capital de l’atelier de moulage, engagé dans une entreprise d’édition à grande échelle.

Le dynamisme de l’activité commerciale se répercute sur la qualité de la pédagogie, assurant aux élèves la transmission d’un savoir-faire qui ne se résume pas seulement à un moyen, mais est une fin en soi, ouvrant des possibilités de carrière. Cette formation comme l’activité commerciale participent au rayonnement de l’EAIG sur le plan national et international.

La typologie variée de cette collection correspond au répertoire d’une école d’art à la fin du XIXe siècle, comparable à celui de l’École des beaux-arts de Paris1. Aux côtés de la statuaire antique figurent des moulages d’études ainsi qu’un ensemble de formes architecturales, de modèles élémentaires et de moulages sur nature de plantes, d’animaux et d’abattis. Le moulage sert à l’enseignement de plusieurs manières.

D’abord un modèle pour l’exercice du dessin, permettant ainsi d’en perfectionner la technique, il sert également à transmettre la connaissance des styles. En tant que modèle, il est aussi une source d’inspiration dans le cadre d’un travail de création.

Finalement, le procédé du moulage représente un art à part entière, que l’élève doit pratiquer dans le cadre de certaines classes (Fig. 30). C’est une technique intrinsèque du processus de création pour la sculpture, et plus généralement, lorsqu’il est nécessaire de conserver durablement une forme modelée ou de passer d’une matière à une autre2. À l’EAIG, nous retrouvons ces mêmes usages pédagogiques. Cependant, la particularité qui nous intéresse tient au fait que cette école est la seule en Suisse à mettre l’accent sur cette technique comme un métier à part entière, se traduisant par une formation spécialisée dirigée par des maîtres-mouleurs. Cet enseignement pratique profite directement du rôle central de l’EAIG dans la diffusion des moulages. En effet, la

1 École nationale supérieure des beaux-arts (Paris), Atelier du moulage, Catalogue des moulages provenant des monuments, musées, collections, etc. / École nationale et spéciale des beaux-arts, Paris, 1881.

2 BAUDRY, Marie-Thérèse, Sculpture méthode et vocabulaire, [5e éd.]. Principes d’analyse scientifique, Imprimerie Nationale, Paris, 2002, pp.101-143 et pp. 557-575.

variété typologique de la collection, attachée à un atelier compétent, correspond également au modèle d’une entreprise d’édition, à même de satisfaire une clientèle dont les besoins sont multiples. La première partie de ce chapitre s’attachera à définir comment fonctionne l’atelier en relation avec les cours et avec un métier, celui de mouleur.

La médiation est un aspect essentiel dans la perspective commerciale d’une entreprise d’édition. Ce point fera l’objet de la seconde partie de ce chapitre. Les catalogues commerciaux, supports de vente répandus au XIXe siècle, concernent de nombreux métiers1. C’est sous cette forme que les collections de moulages des différents ateliers se présentent depuis le milieu du siècle. Les publications de l’EAIG

1 Les études sur les catalogues en tant que genre éditorial sont peu nombreuses. Citons notamment DUSSERT-CARBONE, Isabelle, CAZABON, Marie-Renée, Le catalogage : méthode et pratique, Cercle de la Librairie, Paris, 1988 ; NÈGRE, Valérie, THOMINE, Alice, GARRIC, Jean-Philippe. « La construction savante les avatars de la littérature technique : actes du colloque Les avatars de la littérature technique  : formes imprimées des savoirs liés à la construction, organisé par le Centre d’histoire des techniques et de l’environnement du Conservatoire national des arts et métiers et l’Institut national d’histoire de l’art, en mars 2005, Picard, Paris, 2008 ; NÈGRE, Valérie. L’ornement en série architecture, terre cuite et carton-pierre, Mardaga, Bruxelles, 2006, p. 143.

Fig. 30: Le professeur de sculpture Leysalle et ses élèves en 1888. En arrière plan se trouve une étagère remplie de moules. Collection particulière

commencent en 1887 et se poursuivent au cours de l’augmentation de la collection.

L’analyse de ces documents est indispensable pour comprendre son évolution, mais également la façon dont elle se définit en rapport avec la clientèle et le public en général. Autre instrument de médiation, le lieu de conservation de la collection forme un Musée des moulages. Entre espace de stockage, salle d’étude et salle d’exposition ouverte au public, il s’agit d’un musée au caractère singulier. En réunissant un vaste ensemble de plâtres provenant principalement des ateliers parisiens, l’EAIG participe activement à la diffusion nationale de ces instruments de création que sont les modèles.

C’est une véritable centralisation des achats et de la distribution, qui permet ainsi de réduire les délais, et surtout les coûts qu’implique un transport sur une plus longue distance. Les frais d’emballage, de douane et de transport depuis Paris peuvent atteindre le tiers, voire la moitié du montant total de la facture1. L’allègement des coûts dont peut bénéficier la clientèle suisse est donc de cet ordre. Cette centralisation, par une optimisation des charges, représente à la fois un encouragement à l’achat des modèles en plâtre, mais il s’agit aussi d’une maîtrise de l’importation et des dépenses des institutions à l’échelle nationale. Dans la dernière partie de ce chapitre, nous nous intéressons à la clientèle et aux divers envois au cours de cette période, afin de saisir l’étendue du rayonnement de la collection. Dans ce domaine, l’EAIG a un rôle de première importance en Suisse. Avec ses modèles et les capacités pour les commercialiser, elle est la référence nationale, pour se procurer des pièces comme pour son expertise technique. En outre, cette spécialité genevoise permet de positionner l’EAIG sur un marché international, aux côtés d’autres grands ateliers européens. C’est donc une activité qui bénéficie à l’image de Genève et de la Suisse.