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L. pneumophila est une bactérie à croissance fastidieuse et sa présence fréquente dans les

II. 2.4.3.3 Quorum sensing

interagissent et pour ce faire, communiquent entre elles. Le phénomène de comportement communautaire, ou Quorum Sensing (QS), a été décrit pour la première fois chez l’espèce Vibrio fischeri, chez laquelle une substance diffusible (une acyl-homosérine lactone ou AHL) produite par les cellules elles-mêmes permet d’induire leur fluorescence. Ce mécanisme est lié à l’accroissement de la densité de la population bactérienne, qui conduit à l’augmentation de la concentration d’une molécule signal dans l’environnement extracellulaire. Quand la concentration en molécule signal atteint un niveau seuil, une cascade de transduction du signal est activée et induit l’expression, ou la répression, de gène cibles. Ce phénomène conduit donc à la modification coordonnée du comportement de toute une communauté bactérienne, appartenant ou non à la même espèce (Atkinson et al., 2009).

Deux systèmes principaux de QS existent chez les bactéries, basés sur les différences du récepteur au signal : le système médié par les AHL, chez les bactéries à Gram négatif, et le système LuxR, système de transduction du signal retrouvé chez les bactéries à Gram positif (Staphylococcus aureus notamment) et quelques bactéries à Gram négatif (Vibrio harveyi et Ralstonia solanacearum), médié par des peptides auto-inducteurs (AIP) (Zhang et al., 2004).

A B

Figure II-16. A. Système de Quorum Sensing de type LuxR. La protéine LuxI (I) catalyse la production d’AHL. L’augmentation du nombre de bactéries provoque l’augmentation de la quantité d’AHL extracellulaire. La liaison de l’AHL au récepteur

du signal (R) forme un complexe agissant comme un facteur de transcription. B. Système de Quorum Sensing AIP à 2 composants. Les signaux de Quorum Sensing sont

détectés par un récepteur membranaire histidine-kinase et l’information est transférée aux gènes cibles par phosphorylation du régulateur de réponse (RR) (Zhang et al.,

2004).

Le QS est impliqué dans de nombreux phénomènes, comme la luminescence, la production d’antibiotiques, le transfert de plasmides, la motilité, la virulence mais aussi la formation de biofilms.

L’implication du QS dans la formation du biofilm a été mise en évidence pour la première fois chez P. aeruginosa par Davies et al. (1998). En mutant le gène lasI, responsable de la synthèse de la N-(3-oxododecanoyl)-L-homosérine lactone (3OC12-HSL) chez la souche PAO1 de P. aeruginosa, les auteurs ont constaté une nette différence de structure entre le biofilm formé par la souche mutée (plat, 20 µm d’épaisseur) et la souche sauvage (formant des amas jusqu’à 80 µm de hauteur). D’autre part, la souche mutée perd sa résistance au SDS.

II.2.4.4 Détachement

Malgré les nombreux bénéfices que les bactéries tirent de l’état biofilm, le détachement de cellules est nécessaire, notamment pour la colonisation de nouvelles surfaces ou lorsque les nutriments arrivent à épuisement. Les données concernant l’étape de détachement des cellules ou d’agrégats de cellules sont encore partielles. Toutefois, Donlan (2002) évoque plusieurs paramètres intervenant dans cette phase : des phénomènes physiques d’une part, et biologiques d’autre part.

Si le détachement de « cellules filles » à partir de cellules en division dans le biofilm a été décrit, il semblerait que les forces physiques jouent un grand rôle dans la libération des cellules. Dans un réseau d’eau, le biofilm subit des forces de frottement ou de cisaillement, induites par la circulation du fluide qui, au-delà d’un certain seuil, peuvent induire plusieurs types de détachement :

o l’érosion, qui décroche régulièrement de petites portions du biofilm ; o « l’écaillement », détachement massif et rapide de gros agrégats ;

o l’abrasion, qui résulte de la collision de particules en suspension dans le fluide avec le biofilm (Donlan, 2002).

Le détachement de cellules du biofilm chez P. aeuginosa est aussi régulé par des mécanismes biologiques comme l’expression d’enzymes dégradant la matrice, la lyse d’une certaine sous population de cellules ou l’activation d’un prophage (Barraud et al., 2006). Plus récemment, Boles et al. (2008) ont mis en évidence le fait que des cellules de biofilm de S. aureus sont

libérées du biofilm grâce à des protéases dont l’expression est régulée par les signaux du QS (AIP).

Le détachement de cellules après ajout de surfactants, les rhamnolipides, a été décrit par Boles et al. (2005). Les surfactants sont des glycolipides amphipatiques qui ont la capacité d’interagir avec des surfaces et diminuent les interactions adhésives. La présence de rhamnolipides dans le milieu de culture augmente significativement la libération des cellules du biofilm, par creusement des microcolonies (Figure II-9). Chez P. aeruginosa, les gènes de biosynthèse des rhamnolipides sont régulés par le QS ou bien par un manque de nutriments (azote, phosphate, magnésium, calcium, potassium, sodium, fer et éléments traces). Des stress oxydatifs (ion superoxyde, peroxyde d’hydrogène, radical hydroxyde) ou nitrosatifs (oxyde nitrique, peroxynitrite, acide nitreux, trioxyde d’azote) permettent également l’induction de la lyse et la dispersion des cellules du biofilm (Barraud et al., 2006).

Le biofilm est une structure complexe, formée par des bactéries adhérées sur une surface. La croissance bactérienne sessile, accompagnée de la production de polymères extracellulaires, conduit à la formation d’agrégats cellulaires et obéit à une séquence particulière.

Dans un premier temps, le transfert de bactéries vers la surface est suivi de la mise en place de liaisons d’origine physico-chimiques ou biologiques. Cette étape constitue les phases d’adhésion réversible puis irréversible.

La croissance des bactéries à l’intérieur des microcolonies, rapidement suivie de la synthèse d’une matrice extracellulaire, permet la formation d’une structure résistante, notamment vis-à-vis de conditions défavorables (stress, variations de pH, d’osmolarité...) et de la présence de biocides.

Enfin, la libération de cellules du biofilm permet la colonisation de nouvelles surfaces par les bactéries et marque le début d’un nouveau cycle de développement. Cette étape a également des conséquences importantes dans la dégradation de la qualité sanitaire d’une eau, via le relargage de pathogènes potentiels dans les réseaux.

Cette séquence de formation nous permet à présent de dégager les principaux moyens mis en œuvre dans les réseaux d’eau, et plus particulièrement les réseaux d’EMN, pour freiner le développement du biofilm et donc la contamination microbiologique d’une eau.

II.3 Moyens de maîtrise de la qualité microbiologique de

l’EMN dans les établissements thermaux

La qualité de l'eau distribuée aux points d'usage d’un établissement thermal dépend étroitement de la qualité sanitaire du réseau d’EMN. Comme nous l’avons déjà vu, l’absence ou le mauvais entretien d’un réseau d’eau conduit à l’adhésion de bactéries et au développement d’un biofilm sur les canalisations pouvant héberger des pathogènes potentiels tels que P. aeruginosa ou L. pneumophila. Pour empêcher le développement du biofilm, il est possible d’agir sur les différentes étapes de son développement :

o Actions sur la phase d’adhésion : limitation de l’entrée de micro-organismes dans le réseau en maîtrisant la qualité de l’EMN à sa source et en évitant les rétro- contaminations à partir des points d’usages, réduction des possibilités de formation du biofilm dans le réseau en optimisant sa conception ou en réalisant des opérations de maintenance adaptées ;

o Actions sur la phase de développement du biofilm : empêcher la multiplication bactérienne par limitation de l’apport organique, maîtrise des températures, actions de nettoyage et de désinfection réguliers (réseau et points d’usage) ;

o Actions sur les bactéries libérées du biofilm et remises en suspension : filtration immédiate en amont du point d’usage ou irradiation par UV (soins de catégorie 3 (Solidarités, 2007)). Ce point ne sera pas développé ici.

L’ensemble de ces actions est aussi récapitulé dans le « Guide des Bonnes Pratiques Thermales » édité par le CNETh (2008).

II.3.1

Actions sur la phase d’adhésion

II.3.1.1 Inhibition du transfert des bactéries vers leur support

Un des premiers moyens d’action sur l’adhésion de bactéries aux canalisations est de limiter l’entrée de micro-organismes dans le réseau.

Dans les réseaux d’eau potable, l’addition d’un désinfectant résiduel, comme le chlore à faible concentration, permet de limiter le nombre de micro-organismes en suspension dans l’eau, et

secondairement de réduire le nombre de micro-organismes planctoniques susceptibles se fixer aux canalisations. D’après la réglementation, une EMN ne peut contenir aucun désinfectant résiduel. Ainsi, l’exploitation d’une EMN est sujette à autorisation préfectorale et des dispositions sont prises pour protéger les émergences. Les captages comportent un périmètre sanitaire d’émergence, c’est-à-dire une zone clôturée qui assure une protection sanitaire. L’exploitant de la source peut également instaurer un périmètre de protection qui vise à interdire ou réglementer les activités susceptibles de provoquer une pollution de l’eau. La contamination microbiologique est surveillée par des analyses régulières (Solidarités, 2007) visant à déterminer la concentration en micro-organismes revivifiables (dans 1 mL) à 22 et à 37 °C, l’absence de coliformes (dans 250 mL), l’absence de streptocoques fécaux (dans 250 mL), l’absence de bactéries anaérobies sporulées sulfito-réductrices (dans 100 mL) et l’absence de P. aeruginosa (dans 250 mL). Ces paramètres doivent rester stables tout au long de l’exploitation de l’EMN (Pöttering et al., 2009).

Suite à des travaux de maintenance sur le réseau, des traitements de désinfection du réseau peuvent être effectués pour éliminer la flore introduite. Enfin, il est conseillé de disconnecter les points d’usage du réseau d’EMN afin d’éviter les rétro-contaminations.

II.3.1.2 Inhibition des phases d’adhésion réversibles et irréversibles Malgré les moyens de protections décrits ci-dessus, une EMN contient un écosystème microbien qui peut être à l’origine de la formation d’un biofilm. Des travaux sur le réseau ou des rétro-contaminations accidentelles à partir de points d’usage peuvent aussi conduire à l’entrée de micro-organismes. La conception du réseau permet alors de limiter l’adhésion de bactéries et la formation ultérieure d’un biofilm.