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L. pneumophila est une bactérie à croissance fastidieuse et sa présence fréquente dans les

II. 2.4.3.2 Matrice d’exopolymères

La matrice est un élément crucial du biofilm. Principalement synthétisée par les bactéries, elle joue un rôle d’échafaudage pour le maintien de la structure du biofilm, mais également un rôle protecteur pour les cellules, limitant la pénétration de molécules antimicrobiennes par exemple. Plusieurs éléments interviennent dans sa composition : les polysaccharides et les protéines, composants majoritaires, mais aussi de l’ADN extracellulaire.

II.2.4.3.2.1 Polysaccharides

Les polysaccharides sont des éléments importants de la matrice du biofilm. Dans certains biofilms, ils peuvent représenter 50 à 90 % de la matière organique (Vu et al., 2009). Chez les bactéries à Gram négatif, les polysaccharides sont constitués essentiellement de molécules neutres ou polyanioniques, dont la charge est due aux acides uroniques ou aux pyruvates. Seuls quelques polysaccharides de nature polycationique ont été observés chez des bactéries à Gram positif.

La nature des polysaccharides varie selon les espèces considérées. Gluconacetobacter xylinus est par exemple connu pour sa production de cellulose extracellulaire. Ce polysaccharide joue également un rôle très important dans la formation de la matrice de biofilms à Salmonella typhimurium ou à E. coli.

La poly-β(1,6)-N-acétyl-D-glucosamine (PNAG) est un exopolysaccharide impliqué dans la cohésion du biofilm chez de nombreuses espèces à Gram négatif (E. coli, Yersinia pestis,

Pseudomonas fluorescens, Bordetella spp., Xenorhabdus nematophila, Aggregatibacter actinomycetemcomitans et Actinobacillus pleuropneumoniae), mais aussi à Gram positif

(Staphylococcus aureus et Staphylococcus epidermidis) (Ganeshnarayan et al., 2009). La PNAG constitue ainsi une nouvelle cible pour la maîtrise et l’élimination de biofilms: Lu et Collins (2007) ont par exemple modifié un phage T7 (infectant normalement E. coli) afin qu’il exprime DspB (dispersine B), une enzyme dégradant la PNAG. Ce phage synthétique permet alors d’éliminer 3,8 log d’UFC d’un biofilm de E.coli contre 1,8 log d’UFC pour un phage T7 sauvage.

Une espèce bactérienne donnée est capable de synthétiser plusieurs polysaccharides pour la « construction » de la matrice du biofilm. P. aeruginosa est un bon exemple puisque qu’il synthétise au moins trois types d’exopolysaccharides, les Psl, les Pel et les alginates, impliqués dans le maintien de la structure du biofilm. L’importance de ces polysaccharides varie en fonction des souches étudiées et des conditions de culture.

o Les Psl sont des polysaccharides synthétisés à partir du locus « Polysaccharide Synthesis Locus », un opéron de 15 gènes. Ils sont principalement composés de mannose, galactose, rhamnose et glucose (Byrd et al., 2009) et jouent un rôle important dans l’adhésion (intercellulaire et surfacique) et dans la structuration du biofilm. Ma et al. (2009) ont pu démontrer, en utilisant un marquage des Psl par une lectine (MOA, Marasmium oreades agglutinin) puis observations en microscopie confocale, que les Psl étaient ancrés à la surface des bactéries en un motif hélicoïdal afin de favoriser l’adhésion des cellules aux surfaces et entre elles. En effet, lorsque ces bactéries sont incubées en présence de cellulase (enzyme hydrolysant Psl), la biomasse fixée après 20 h est déstructurée et représente seulement 1 % de la biomasse d’un biofilm incubé sans cellulase. Des polysaccharides Psl ont pu être observés dans des biofilms âgés de 20 h, dans des zones non colonisées, ce qui pourrait indiquer

qu’ils sont parfois libérés de la surface bactérienne pour favoriser l’adhésion ultérieure aux surfaces.

o En milieu liquide, P. aeruginosa a la capacité de former des biofilms à l’interface air- liquide, aussi nommés pellicules. En étudiant les mutants d’une librairie de transposons de la souche PA14 incapables de former une pellicule à l’interface air- liquide, les chercheurs ont identifié un cluster de 7 gènes (pel A-G), permettant la synthèse de polysaccharides Pel, hydrophobes et riches en glucose. Moins étudiés que les Psl, leur rôle a tout de même été établi au niveau de la phase d’attachement des cellules à leur support. Ils sont également impliqués dans la maintenance de l’architecture du biofilm mature (Ryder et al., 2007).

o Enfin, le polysaccharide le plus étudié chez P. aeruginosa est l’alginate. Il consiste en une association d’acide uronique, d’acide mannuronique et d’acide guluronique et son expression est particulièrement importante chez les souches mucoïdes. L’alginate est chargé négativement, ce qui lui permet de lier les cations, notamment le calcium, qui sert de pont entre les différents polymères d’alginate. Il s’agit donc d’un polysaccharide particulièrement important pour le maintien de la structure du biofilm (Parsek et al., 2008).

Les biofilms de l’environnement, formés de plusieurs espèces, sont capables de synthétiser des polysaccharides variés venant complexifier la composition de la matrice. Récemment, de nombreuses techniques de microscopie ont permis de les visualiser in situ. Par exemple, en remplaçant les réactifs classiques de déshydratation par de l’éthylène glycol et du 1,2- pentanediol et en augmentant le contraste produit par le marquage des polysaccharides, Reese et al. (2007), ont pu observer par microscopie électronique, des polysaccharides extracellulaires de biofilms formés sur des disques d’émail dentaire. Cette méthode ne donne cependant pas d’indication sur la nature ou la composition de ces polysaccharides.

La technique la plus utilisée à l’heure actuelle pour visualiser ces exopolysaccharides in situ est le marquage par des lectines couplées à un fluorochrome, et observées en microscopie confocale. Grâce à des lectines présentant des affinités pour différents glycoconjugués, Lawrence et al. (2007) ont ainsi pu visualiser des microdomaines dans des biofilms produits en réacteurs annulaires à partir de souches issues de rivières (Figure II-14). Les auteurs ont

ainsi pu constater que la couche de polysaccharides la plus proche de la surface bactérienne contenait essentiellement des résidus galactose, glucose, mannose, de N-acétyl-glucosamine et des glycoprotéines ; la couche de polysaccharides intercellulaire présente des affinités pour les lectines liant spécifiquement le fucose, le mannose et le glucose ; enfin, la couche externe lie principalement des lectines ayant des affinités pour le fucose, le galactose, l’acétyl- glucosamine et ses polymères.

Figure II-14. Microcolonie d’un biofilm marquée par les lectines de Triticum vulgaris (en rouge), Tetragonolobus purpureas (en bleu), Arachis hypogeae (en vert), faisant

apparaître plusieurs microdomaines dans la matrice polysaccharidique (Lawrence et al., 2007).