• Aucun résultat trouvé

vis-à-vis de P aeruginosa

IV.4 Validation des traitements de désinfection sur réseau pilote contaminé par P aeruginosa

IV.5.1 Modèle de formation de biofilm à P aeruginosa en microplaque

La diminution de l’activité de traitements désinfectants sur des biofilms bactériens est un phénomène bien décrit et observé dans de nombreuses études. Les méthodes actuelles d’évaluation des biocides, notamment les méthodes standard comme la norme NF EN 1040, ne prennent pas en compte la formation de biofilms, ce qui n’est pas sans conséquence pour la désinfection des réseaux d’eaux. En effet, les bactéries potentiellement pathogènes et colonisatrices de ces réseaux ont souvent la capacité de former des biofilms. C’est le cas de la bactérie P. aeruginosa qui a été choisie comme modèle dans cette étude.

Pour compléter les normes de phase 1 existantes (notamment la norme NF EN 1040), une technique in vitro de formation de biofilm a été utilisée. Cette méthode, développée au Laboratoire de Microbiologie Industrielle, s’inspire d’autres modèles déjà décrits dans la littérature (Pitts et al., 2003; Sandberg et al., 2008). Entre autres, le biofilm est formé en microplaque pour permettre le criblage simultané de plusieurs composés antibactériens. Toutefois, dans cette étude, plusieurs paramètres ont été sélectionnés afin d’améliorer les conditions de formation du biofilm et faciliter l’étude de la bactéricidie des traitements biocides, notamment les conditions de croissance (inoculum, milieu de culture) et la méthode de quantification.

IV.5.1.1 Conditions de croissance du biofilms à P. aeruginosa en microplaques

La plupart des modèles de formations de biofilms à P. aeruginosa utilisent des milieux de culture riches (de type Tryptone Soja Bouillon) (Pitts et al., 2003; Alt et al., 2004). Dans cette étude, le milieu de culture utilisé (MBB) est appauvri en nutriments et régulièrement renouvelé, ce qui favorise la croissance des bactéries dans le biofilm tout en limitant la croissance des bactéries planctoniques (Khalilzadeh et al., 2010). Les puits des microplaques sont également inoculés avec une faible quantité de bactéries (≈100 UFC par puits) et aboutissent à la formation de biofilms d’environ 7 log UFC/puits. Ces conditions permettent l’application des traitements de désinfection sur des cellules physiologiquement adaptées au mode de croissance adhéré et non pas sur des cellules planctoniques libres qui se seraient

ultérieurement déposées.

IV.5.1.2 Techniques de quantification des bactéries du biofilm

Les biofilms en microplaque peuvent être suivis par différents modes de quantification. La plupart des auteurs utilisent des méthodes indirectes pour des besoins de criblage rapide. Ces techniques permettent de quantifier le « biofilm total » (c’est-à-dire les bactéries mortes, vivantes et la matrice), les bactéries viables seules ou encore la matrice seule (non abordé ici) :

• Parmi les méthodes de quantification du « biofilm total », on peut citer la méthode du Cristal Violet (CV) dans laquelle le colorant est fixé sur le biofilm total puis solubilisé (par de l’éthanol par exemple). La DO de cette solution est proportionnelle à la quantité de biofilm total (cellules mortes, vivantes et matrice) dans le puits. Le Syto 9 , marqueur des acides nucléiques permet également la quantification du biofilm total puisqu’il marque les bactéries vivantes, mortes et l’ADN extracellulaire de la matrice. La fluorescence d’un puits de microplaque peut donc être mesurée et corrélée à la quantité de biofilm total. Ces marqueurs ne distinguant pas les bactéries mortes des vivantes (Peeters et al., 2008), ils ne peuvent cependant pas être utilisés dans le but de mesurer l’efficacité de traitements désinfectants. Ce problème a notamment été identifié par Pitts et al. (2003). Dans cette étude, les auteurs ont comparé le marquage CV à la quantification des UFC sur gélose sur des biofilms de 24 h de P. aeruginosa (PAO1) formés en milieu TSB, exposés à des choc chlorés (de 1 à 1000 ppm) pendant 1 h. Les auteurs ont constaté que le CV ne permettait pas de différencier l’efficacité des différents traitements chlorés sur biofilms de P. aeruginosa : la réduction du marquage est la même pour tous les traitements.

• Les marqueurs de viabilité sont des substrats qui présentent un intérêt pour évaluer l’efficacité d’un désinfectant puisqu’ils deviennent fluorescents lorsqu’ils sont métabolisés par les bactéries viables uniquement. On peut citer notamment le CTC (chlorure de 5- cyano-2,3-ditolyl tétrazolium), le XTT (hydroxyde de 2,3-bis (2-méthoxy-4-nitro-5- sulfophényl)-5-[(phénylamino)carbonyl]-2H-tétrazolium), la résazurine ou la FDA (diacétate de fluorescéine). La fluorescence libérée est théoriquement proportionnelle au nombre de cellules viables, seules capables de métaboliser ces marqueurs. Peeters et al. (2008) ont comparé les signaux obtenus après marquage par la résazurine, XTT et la FDA

de suspensions de P. aeruginosa, Burkholderia cenocepacia, S. aureus et Propionibacterium acnes. Leurs résultats indiquent que les limites basses de quantification pour les marqueurs fluorescents varient entre 105 et 106 UFC/puits. Les biofilms formés dans les conditions de la présente étude étant constitués d’environ 107 UFC/puits, ces techniques ne permettraient de détecter, dans le cas de notre étude, que des RL de 1 ou 2 log.

Ainsi, les variations de quantité de cellules dans le biofilm peuvent parfois être mal perçues. Ce problème est à nouveau illustré par les résultats obtenus par Pitts et al. (2003), qui ont comparé la quantification sur gélose de cellules de biofilms de P. aeruginosa (PAO1) de 24 h formés en milieu TSB et exposés à des chocs chlorés (de 1 à 1000 ppm). Bien que les auteurs considèrent la méthode CTC efficace pour discriminer l’efficacité de différentes concentrations en chlore (de 1 à 1000 ppm), on peut constater qu’à faible concentration (1 ppm), les résultats montrent une très forte variabilité (réduction du pourcentage de marquage variant de 20 à 60 % selon les essais). Or les résultats obtenus par les auteurs par quantification sur gélose indiquent sans ambiguïté que cette concentration n’est pas efficace (RL ≈ 0 pour tous les essais). Les résultats obtenus au cours de ces travaux de thèse aboutissent à des résultats similaires (voir Figure IV-5) : un choc chloré de 1 h à 1 ppm permet d’observer une RL proche de 0.

Pour conclure, les méthodes de quantification des bactéries du biofilm par culture sur boîtes sont souvent remises en cause étant donné qu’elles ne prennent en compte qu’une partie des bactéries constituant le biofilm et ne permettent pas la quantification des bactéries en état de dormance, ou sous forme VBNC. Toutefois, l’objectif de cette étude était de mesurer la bactéricidie et donc de comparer le nombre de bactéries potentiellement infectieuses (dont les bactéries cultivables) avant et après traitement. La méthode de quantification par culture a une meilleure sensibilité et permet donc de détecter des variations faibles (traitement peu efficace) et des différences d’efficacité entre traitements (variation du temps de contact ou de concentration, voir Figure IV-5, Figure IV-6, Figure IV-7). Les résultats de désinfection par des traitements chlorés, obtenus par Pitts et al. (2003) sur biofilms de P. aeruginosa exposés au chlore et quantifiés par culture sur gélose sont, en outre, similaires à ceux obtenus dans cette étude pour des concentrations de 1 et 10 ppm : à 1 ppm, aucune réduction du nombre de bactéries du biofilm n’a été observée, alors qu’à 10 ppm, la réduction peut atteindre 2 log mais varie en fonction des essais. L’ensemble de ces résultats indiquent une bonne

reproductibilité de la méthode d’évaluation de la bactéricidie sur biofilms de P. aeruginosa par numération des UFC, et une meilleure sensibilité de cette méthode par rapport aux objectifs fixés.