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P. aeruginosa est un bacille à Gram négatif ubiquiste et bien présent dans les milieu

II.2.3 Legionella pneumophila

La bactérie L. pneumophila a été identifiée suite à une épidémie lors du 58ème congrès de la Légion Américaine, à Philadelphie (États-Unis) en 1976. Cent quatre-vingt deux participants ont été touchés par une pneumopathie d’origine inconnue, nommée maladie du Légionnaire, et 32 d’entre eux en sont morts. En 1977, Mac Dade et al. (1977), chercheurs au Center for Disease Control, ont isolé la bactérie responsable de l’épidémie à partir de cochons d’Inde. Ce n’est qu’en 1979 que ce micro-organisme a été décrit et nommé Legionella pneumophila (Brenner et al., 1979). Plus tard, l’enquête a démontré que le système de climatisation de l’hôtel dans lequel résidaient les patients était à l’origine de l’épidémie.

II.2.3.1 Taxonomie et caractéristiques biologiques

La famille des Legionellaceae, appartenant à l’ordre des Legionellales (γ-protéobacteries), comprend un seul genre, Legionella (Fields et al., 2002). L’espèce la plus proche d’un point de vue phylogénétique est Coxiella burnettii, agent de la fièvre Q, qui appartient également à l’ordre des Legionellales. Ce micro-organisme partage 42 % de gènes communs avec Legionella (Chien et al., 2004) et a un mode de réplication intracellulaire similaire.

La souche historiquement isolée sur le site de la première épidémie identifiée de légionellose (Philadelphie, 1976) a été entièrement séquencée en 2004. Cette étude a montré que 60% des gènes de L. pneumophila sont des homologues de gènes d’autres bactéries intracellulaires (Coxiella, Salmonella, Chlamydia, Rickettsia, Brucella, Mycobacterium), bien que ces espèces ne soient pas toujours phylogénétiquement proches. Le genre Legionella comporte actuellement 48 espèces et 70 sérogoupes, dont 15 sont associés à l’espèce L. pneumophila. Selon Fields et al. (2002), 20 espèces ont déjà été associées à une légionellose, même si 90 % des cas décrits sont liés à L. pneumophila.

L. pneumophila est un bacille à Gram négatif (prenant faiblement la coloration par le rouge neutre ou la safranine), aérobie strict, catalase positive, non sporulé et non capsulé. Les cellules mesurent 0,3 à 0,9 µm de large sur 2 à 20 µm de long. L. pneumophila possède également un à deux flagelles en position polaire ou subpolaire (Ott et al., 1991). Son caractère fortement plésiomorphe serait lié à l’âge des cultures : des cultures jeunes sont

majoritairement formées de coccobacilles de 2 à 6 µm, tandis que des cultures plus âgées présentent des formes filamenteuses de plus de 20 µm de long (Harrison et al., 1988).

Le défaut de coloration par le rouge neutre ou la safranine utilisée pour la coloration de Gram est lié aux caractéristiques de la paroi, riche en acides gras ramifiés. La paroi contient également des ubiquinones dont les chaînes latérales sont constituées de 9 à 14 unités isoprènes qui participent à l’hydrophobicité générale de la cellule. La plupart des espèces produisent des β-lactamases et sont capables d’hydrolyser la gélatine ; les réactions d’oxydase, de réduction des nitrates, et d’uréase sont négatives. Les sucres ne sont ni fermentés ni oxydés et la seule source de carbone provient des acides aminés. Seule L. pneumophila a la capacité d’hydrolyser l’hippurate (exception faite des sérogroupes 4 et 15).

Les bactéries du genre Legionella sont des micro-organismes fastidieux qui ne poussent que sur un milieu à base d’extrait de levure appelé BCYE (Buffered Charcoal Yeast Extract). Même si, à l’origine, l’isolement de Legionella a été réalisé sur milieu Mueller-Hinton supplémenté en hémoglobine et IsoVitalex, les composants essentiels de ce milieu ont été identifiés comme étant le fer (contenu dans l’hémoglobine) et la L-cystéine (contenu dans l’IsoVitalex). Ainsi la composition du milieu a été modifiée pour donner naissance au « F-G agar », milieu supplémenté en L-cystéine et phosphate ferrique. Plus tard, les améliorations de ce milieu ont conduit à la mise au point du milieu BCYE par Feeley et al. (1979), milieu à base d’extrait de levure détoxifié par du charbon actif (Charcoal Yeast Extract Agar), dont le pH est de 6,9. L’aspect des colonies est très variable selon les espèces mais aussi selon les sérogroupes : la couleur varie du blanc au gris parfois rosé, avec un centre marqué. Observées à la loupe binoculaire, les colonies présentent un aspect de verre fritté. Il est à noter que le milieu de culture liquide BYE (Buffered Yeast Extract), milieu filtré (membrane de porosité nominale de 0,2 µm), peut aussi être utilisé, sans ajout de charbon.

Les études montrent que la température optimale de développement de la bactérie dans le milieu BCYE est de 37 °C. Konishi et al. (2006) ont toutefois montré que certaines souches étaient capables de se multiplier jusqu’à 44 °C, ce qui explique en partie la présence non négligeable de légionelles dans les réseaux d’eau chaude.

II.2.3.2 Réservoirs

L. pneumophila est une bactérie ubiquiste hydrotellurique et est, par conséquent, retrouvée dans de nombreux réservoirs d’eau douce, type lacs et rivières (Fliermans et al., 1981). Elle a parfois été mise en évidence dans des prélèvements d’humus destiné au jardinage, dont la manipulation a entraîné des contaminations (Wallis et al., 2005). L’eau de mer n’est pas a priori un réservoir de la bactérie, pourtant l’étude de Heller et al. (Heller et al., 1998) montre que L. pneumophila est capable de résister à des concentrations en NaCl de 3 %. L. pneumophila a, en outre, la capacité de se maintenir jusqu’à 125 jours dans de l’eau du réseau d’adduction publique stérile (Steinert et al., 1997).

Son caractère ubiquitaire lui permet de coloniser de nombreux environnements artificiels, comme les réseaux d’eau chaude sanitaire (Stout et al., 1985) et les équipements qui y sont reliés : robinetterie, douches (Bollin et al., 1985). Les systèmes de climatisation, humidificateurs, fontaines et tours aéroréfrigérantes sont également concernés. Ces appareils ont pour caractéristique la production d’aérosols dont l’inhalation peut aboutir au développement d’une pathologie (Bollin et al., 1985; Jarraud et al., 2002).

Plusieurs facteurs de colonisation des réseaux d’eau ont été identifiés. La température élevée de l’eau (entre 25 et 40 °C) est en général un facteur favorisant fortement la présence de Legionella. Des légionelles ont pu être détectées à des températures atteignant 63 °C (Fliermans et al., 1981; Golovlev, 2000; Soderberg et al., 2008). La diminution de la température de l’eau dans des tours aéroréfrigérantes semble par ailleurs un bon moyen de contrôle de la prolifération de ces bactéries (Kusnetsov et al., 1997). Il est à noter que des Legionellaceae, dont L. pneumophila, ont pu être isolés dans des lacs polaires en Antarctique (Carvalho et al., 2008), ce qui démontre la grande résistance de ces micro-organismes vis-à- vis de conditions extrêmes. La corrosion, le tartre, les dépôts sédimentaires dans les canalisations (Stout et al., 1985) sont autant de facteurs favorisant la colonisation par L. pneumophila.

La minéralisation d’une eau joue un rôle important dans le maintien de L. pneumophila. Ohno et al. (2003) ont pu montrer que la bactérie pouvait maintenir son activité métabolique pendant un mois dans 19 EMN japonaises (non stérilisées), même si la cultivabilité était perdue. Par contre, après 5 jours d’incubation dans une eau distillée, aucune bactérie

métaboliquement active n’est détectée. L. pneumophila est souvent détectée dans des eaux minérales naturelles, qu’elles soient embouteillées (Klont et al., 2006) ou utilisées à des fins récréatives (piscines, spas) (Sukthana et al., 2005; Hsu et al., 2006; Costa et al., 2010). Ainsi, la possibilité de contaminations humaines liées à l’usage d’eaux minérales a déjà été décrite (Leoni et al., 2006; Su et al., 2006).

La présence de L. pneumophila dans une eau est très souvent corrélée à la présence d’amibes (Steinert et al., 2002; Thomas et al., 2004; Lasheras et al., 2006), compte tenu de sa capacité à se répliquer à l’intérieur de ces cellules (voir chapitre I.2.3.3.2.). La plupart des auteurs considèrent même que L. pneumophila ne peut se multiplier, dans un réseau d’eau, qu’en présence d’amibes (Murga et al., 2001). Plus récemment, des études envisagent le maintien de la bactérie grâce à des interactions commensales avec des espèces bactériennes classiques de la flore classique des réseaux d’eau.

II.2.3.2.1 Interaction avec les amibes et cycle de réplication intracellulaire