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VÉRIFICATION DE NOTRE HYPOTHÈSE

4.2 LECTURE ET ANALYSE DES TEXTES OFFICIELS

4.2.3 Un questionnement laissé sans réponse

En comparant les textes des deux lois successives concernant l’obligation scolaire, nous nous questionnons, dans la nouvelle loi, sur la lecture qui doit être faite des phrases suivantes de l’article 3 :

- «l’inspecteur d’académie doit…faire vérifier que l’enseignement assuré est conforme aux droits de l’enfant à l’instruction tel que définit à l’article 1er»

- «les résultats de ce contrôle sont notifiés aux personnes responsables avec l’indication du délai

dans lequel elles devront fournir leurs explications ou améliorer la situation» - «si, au terme d’un nouveau délai, les résultats du contrôle sont jugés insuffisants…»

Ces extraits nous autorisent à penser que le contrôle est à destination des parents, afin de vérifier si les dispositions qu’ils ont prises, pour instruire leur enfant, répondent bien aux exigences de la loi en référence à son article premier. Lecture d’autant plus plausible que l’on sait combien les termes choisis pour la rédaction d’une loi sont précis, et qu’ici, le terme «contrôle de connaissance» n’est présent à aucun moment.

Le fait d’imaginer qu’il s’agit de contrôler les résultats de l’enfant ne nous vient-il pas des habitudes acquises au cours de l’application de l’ancienne loi, dans laquelle il était expressément écrit : «ces personnes pourront l’examiner [l’enfant] sur les notions élémentaires de

lecture, d’écriture et de calcul» ? Dans ce cas, effectivement, c’était bien l’enfant qui était évalué.

La phrase suivante : «le contenu des connaissances requis des élèves est fixé par décret» qui apparaît entre les autres phrases pré-citées ne joue-t-elle pas, elle aussi, un rôle décisif dans l’interprétation ?

Si nous examinons cet article encore plus en détail, le mot «contrôle», n’est pas entendu comme un contrôle effectif des acquis, auquel cas, cela serait précisé. Dans la loi, c’est un mot qui apparaît avec le déterminant «ce», adjectif démonstratif justifié grammaticalement puisqu’il est en lien avec le substantif «contrôle», utilisé dans l’expression «renforcer le contrôle

de l’obligation scolaire» au cours de la phrase précédente. C’est ainsi que, très justement, nous

rencontrons successivement :

- «ce contrôle prescrit par l’inspecteur…»

- «ce contrôle est effectué sans délai…» - «les résultats de ce contrôle sont notifiés…»

Dans le cas présent, ce mot n’a donc rien à voir avec l’utilisation qui en est faite en classe, lorsque l’élève est soumis à un «contrôle» [de connaissances].

Quant au substantif «résultat», il est autant utilisé en ce qui concerne l’enquête de la mairie :

«le résultat de cette enquête est communiqué…», qu’en ce qui concerne le contrôle de l’Education

Nationale : «les résultats de ce contrôle…». Ce mot n’a donc aucun rapport avec un éventuel «résultat d’examen».

Il est vrai que lorsque nous lisons plus loin, «si…les résultats du contrôle sont jugés insuffisants…», notre conditionnement «scolaire» risque fort d’influer sur l’interprétation du texte.

Une autre partie de la publication nous conforte dans notre interprétation, il s’agit de celle qui concerne les écoles hors contrat, pour lesquelles la loi prévoit quasiment les mêmes modalités que pour l’instruction dans la famille51. Il est prévu que «l’inspecteur peut prescrire chaque année un contrôle des classes hors contrat afin de s’assurer que l’enseignement qui y est dispensé respecte les normes minimales de connaissances requises par l’article 2 de l’ordonnance n° 59-45…et que les élèves de ces classes ont accès au droit à l’éducation tel que celui-ci est défini par l’article 1erde la loi

d’orientation n° 89-486». Nous pouvons lire aussi, tout comme pour l’instruction à domicile, «les résultats de ce contrôle sont notifiés au directeur de l’établissement avec indication du délai dans lequel il sera mis en en demeure de fournir ses explications ou d’améliorer la situation» ; or ici, c’est

bien l’établissement qui est contrôlé, et non les élèves pris individuellement.

C’est d’ailleurs ce qui est commenté dans la circulaire : «il s’agit ici de vérifier le sérieux de

l’enseignement dispensé, et non de procéder à un contrôle de connaissance de chaque élève». Cette

précision n’est cependant pas apportée dans la circulaire concernant l’instruction à domicile, ce qui crée une ambiguïté quant à l’interprétation exacte du texte de loi, dans le cas spécifique qui nous intéresse. Ambiguïté avivée par cette phrase que nous relevons dans l’introduction générale de la circulaire : «c’est dans le but d’assurer un contrôle effectif des acquis des

enfants, que la loi…a prévu qu’un décret fixerait le contenu des connaissances requis des enfants instruits dans la famille ou dans les établissements d’enseignement privés hors contrat». On notera ici la

contradiction avec ce qui est précisé plus haut à propos des établissements hors contrat. Enfin un dernier point laisse encore planer le doute, c’est lorsque Madame ROYAL écrit : «La ou les

personnes qui l’instruisent peuvent également être entendues», alors que selon nous, le contrôle

consiste justement à s’entretenir essentiellement avec les personnes responsables de l’enfant. Soulignons toutefois qu’il n’appartient qu’à un juge de se prononcer sur l’interprétation qu’il convient de faire des textes de loi ; il faut pour cela qu’il soit saisi des problèmes que nous venons de soulever, dans le cadre d’une procédure judiciaire. C’est pourquoi notre interrogation à leur sujet restera sans réponse. Nous sommes cependant surpris que des écrits aussi minutieusement peaufinés que peuvent l’être des textes de loi, soient de la sorte, et par

deux fois52, sujets à interprétation. Faut-il y voir une intention délibérée de permettre à la

fois la conformité des textes à la Constitution, et en même temps de laisser place à une interprétation erronée de la loi ? Interprétation renforcée par la lecture de la circulaire et qui pourra persister tant qu’un jugement sur le fond ne sera pas prononcé par un tribunal administratif.

Enfin cette circulaire se révèle plus qu’interprétative sur un certain nombre d’autres points : Par exemple, Madame ROYAL donne pour instruction de recueillir des renseignements dont la loi ne fait pas état : «la déclaration doit indiquer les noms, prénoms et date de naissance de l’enfant,

les noms et prénoms des personnes ayant autorité sur lui et leur adresse, l’adresse à laquelle réside l’enfant, et, si elle est différente de l’adresse de résidence, celle à laquelle est dispensée l’instruction». De même,

nous lisons plus loin : «tout changement de résidence doit faire l’objet d’une double déclaration aux

maires des ancienne et nouvelle communes et à l’inspecteur ou aux inspecteurs d’académie concerné(s)»

alors que pour la loi, seules les mêmes formalités que lors de la première déclaration doivent être accomplies.

Toujours selon les propos de Madame la ministre déléguée et conformément à une procédure très hiérarchique, «l’inspecteur d’académie doit saisir le recteur d’académie», lequel désigne des membres des corps d’inspection pour contrôler les enfants qui, suivant les normes en vigueur, relèvent du niveau secondaire. Enfin Madame ROYAL précise que le contrôle «devra

nécessairement comporter un entretien avec l’enfant».

Toutes ces dispositions présentées comme obligatoires n’ont aucun caractère législatif.

52 D’une part à propos de l’amendement, d’autre part concernant la désignation des personnes à qui est