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VERS UNE RÉPONSE À NOTRE QUESTIONNEMENT

3.6 FONCTIONNEMENT DE L’ÉDUCATION NATIONALE

L’Etat confie au corps des inspecteurs de l’Education Nationale la mission de faire appliquer la loi en tout ce qui concerne la mise en œuvre de la politique éducative et d’encadrer la vie de l’institution scolaire44. La loi qui nous intéresse prévoit que le contrôle de

l’obligation scolaire a lieu sous l’autorité de l’Inspecteur d’Académie. Mais en nous penchant sur la hiérarchie du système scolaire, nous voyons que les choses ne sont pas si simples. En effet, il existe plusieurs Inspecteurs d’Académie, puisqu’«il s’agit d’un grade auquel correspondent

divers emplois ayant même rang», nous en avons dénombré cinq : inspecteur d’académie

directeur des services départementaux (IADSDEN), inspecteur pédagogique régional (IPR), inspecteur principal de l’enseignement technique (IPET), inspecteur principal de la jeunesse et des sports (IPJS) et enfin inspecteur de l’administration de l’Education Nationale (R. Octor, 1990). C’est le Recteur d’Académie qui est le supérieur hiérarchique direct de ces cinq personnes. Certains d’entre eux, comme l’IPR, l’IPET ou l’IPJS sont des conseillers techniques du Recteur, alors que l’Inspecteur d’Académie cité dans le texte de loi est en réalité, et plus précisément l’Inspecteur d’Académie directeur des services départementaux. Il est lui-même le supérieur hiérarchique des inspecteurs départementaux de l’Education nationale (IDEN) responsables chacun d’une circonscription.

L’Education Nationale forme donc une administration extrêmement hiérarchisée, la plus hiérarchisée après l’armée nous dit Michel LOBROT. Nous sommes là dans un fonctionnement typiquement bureaucratique qui induit «un fractionnement à l’infini des

responsabilités à la fois dans le sens horizontal et vertical». L’auteur met aussi l’accent sur le fait

que «la bureaucratie n’est pas un phénomène de dysfonctionnement au sein d’une administration, …mais

elle est cette administration elle-même» (1966, p. 31). Elle est née de l’organisation et constitue

une forme supérieure de rationalité, où la planification joue un rôle primordial.

Par ailleurs, cette administration définit elle-même son mode de recrutement et son système de promotion. C’est ainsi que les corps des inspecteurs -qui sont les cadres de cette administration- sont constitués de membres ayant effectué leur carrière au sein de l’institution. Ils sont, de ce fait, extrêmement porteurs des valeurs inhérentes à cet organisme d’Etat. Dans le cas très spécifique de l’éducation, cela sous-entend que pour la plupart, ces personnes n’ont jamais quitté l’institution depuis leur plus tendre enfance.

Selon M. LOBROT, «le fonctionnement bureaucratique dans l’Education Nationale joue à trois

niveaux :

- celui du personnel et de son organisation comme nous venons de le voir,

- celui des programmes et du travail

et celui des contrôles et des examens (1996, p. 61).

Les programmes de l’Education Nationale sont fixés uniquement pour les établissements publics et sous contrat. S’agissant des enfants non scolarisés, seul le décret précédemment cité définit les connaissances requises. Les programmes «constituent, au plus haut point, une

planification à priori, qui tient compte théoriquement des besoins des enfants, mais théoriquement seulement. Nous sommes au cœur du formalisme» (Lobrot, 1966, p. 62). Quant à François DUBET,

il affirme que «l’élève auquel s’adressent ces programmes n’existe pratiquement pas». Ce sociologue a exercé, pour ses recherches, comme professeur de collège pendant un an : «ce qui m’a le plus

choqué, conclut-il, est l’écart entre les ambitions des programmes…et la réalité des élèves.»45

LOBROT pense que «l’école souffre du mal bureaucratique» (1966, p. 201), c’est pourquoi il entame une réflexion sur la pédagogie bureaucratique. A propos du travail des élèves il trouve que dans «le désir obsessionnel de voir l’enfant réussir, on veut…des critères rapides et sûrs :

l’emmagasinement immédiat de connaissances ou l’acquisition immédiate d’automatisme». Afin de

mesurer ces critères, les examens «constituent, selon lui, le noyau du système d’enseignement, sa

justification profonde». «Ils deviennent le but même de l’acquisition des savoirs». (1966, p. 62)

L’auteur conclut en désignant les trois objectifs essentiels de l’enseignant : «la conformité aux

programmes, l’obtention de l’obéissance, la réussite aux examens» (1966, p. 63), qui lui tiennent

Il affirme également que «90 % des activités des enseignants sont dictées par la crainte de se voir

sanctionné, jugé, condamné par un inspecteur», ce représentant de l’Education Nationale qui doit «surveiller que le travail se fait bien, comme il doit se faire, c’est-à-dire dans l’esprit prévu par l’administration supérieure» (1966, p. 3). Il semble bien, en effet, que ce système soit fondé sur

un principe d’autorité.

Nous ajouterons avec Michel LOBROT que «la force de la bureaucratie lui vient du soutien qui lui

est accordé par la plus grande partie de la collectivité» (1966, p. 35).

Pour résumer, le personnel en charge des contrôles prévus par la loi à destination des familles qui nous concernent, a un système de fonctionnement propre au système bureaucratique. Il est à la fois porteur des valeurs idéologiques de l’Education Nationale, mais aussi de celles de la majorité de la population qui a remis entre les mains de l’administration, son pouvoir de décision.

En conclusion de cette première partie, et pour réduire en une phrase la somme de notre raisonnement, nous formulerons notre hypothèse en ces termes :

Les inspecteurs, fonctionnaires de l’Education Nationale, ne se réfèrent pas à la loi stricto sensu lors des contrôles, mais plutôt à une norme sociale, véhiculée par l’institution scolaire et qu’ils imposent aux familles, ce qui contraint celles-ci à une obligation de résultat.

VÉRIFICATION DE NOTRE