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Mise en question du corps consensuel de définition du plagiat Deux attributs définissent traditionnellement le plagiat, l’attribut linguistique qui induit la copie

ou une très grande proximité linguistique entre le texte source et le texte cible, et l’attribut éthique qui induit l’intention de se donner comme auteur du travail d’autrui (Maurel-Indart, 2011). Une fois écarté le critère moral qui fait dissensus, la reprise d’une source sans attribution suffisante constitue le corps de la définition dans le contexte académique (Pecorari, 2003) : la référence à l’auteur et/ou la référence à la source et/ou le fait qu’il s’agisse d’une reformulation par copie ou patchwriting ne sont pas indiquées dans le corps de texte.

La lecture traditionnelle comme la lecture positive du plagiat se focalisent sur la citation au sens large, c’est-à-dire l’absence de références et la paraphrase insuffisante. L’approche est souvent normative sans que les normes soient justifiées au-delà du plan moralisateur ou techniciste : la reconnaissance de la dette et la variation linguistique ne sont pas rapportées à la

5 Il s’agit de l’université de Toulouse Le Mirail.

6 Il s’agit des chartes de l’Université Aix-Marseille pluridisciplinaire, de l’Université Paris Descartes, institut de

psychologie (2015), de Sciences Po Institut d’Études politiques (2011), de l’Université de Nantes pluridisciplinaire (2011), de l’Université Nice Sophia-Antipolis pluridisciplinaire, de l’Université de Nouvelle- Calédonie pluridisciplinaire (2015), de l’Université grenobloise Pierre-Mendès-France (sciences sociales et humaines), de celle de Toulouse le Mirail et de celle de l’université Laval Québec pluridisciplinaire.

7 L’université de Toulouse Le Mirail reprend la définition du plagiat de l’université Laval

question du savoir, c’est-à-dire à l’utilisation des savoirs et à la création des savoirs. Nous en proposons une illustration à travers un extrait de la charte de l’université Nice-Sophia-Antipolis de lutte contre le plagiat :

Article 1 : définition

Les travaux quels qu’ils soient (devoirs, comptes rendus, mémoires, articles, thèses), réalisés aussi bien par les étudiants que par les personnels rattachés à l’Université, doivent toujours avoir pour ambition de produire un savoir inédit et d’offrir une lecture nouvelle et personnelle d’un sujet. Le plagiat constitue une violation très grave de l’éthique universitaire. Le plagiat consiste à s’approprier le travail d’autrui, c’est-à-dire à utiliser et reproduire le résultat de ce travail (texte ou partie de texte, image, graphique, photo, données…) sans préciser qu’il provient de quelqu’un d’autre. Très concrètement : on plagie quand on ne cite pas l’auteur des sources que l’on utilise et quand on ne met pas une citation entre guillemets. Le plagiat, c’est du vol intellectuel. Il s’agit donc d’un délit, passible de sanctions.

Nous en dégageons deux assertions en tension : (i) la vocation de l’écriture de recherche à produire du savoir qui est à rapporter au droit de citation comme exception au droit d’auteur, (ii) l’obligation de citation restreinte au nom de l’auteur et aux guillemets. Or la référence fait partie du système de la preuve qui garantit la scientificité de l’écriture et permet de situer l’énoncé produit dans la reformulation historique des concepts :

Le jeu de science implique donc une temporalité diachronique, c’est-à-dire une mémoire et un projet. Le destinateur actuel d’un énoncé scientifique est supposé avoir connaissance des énoncés précédents concernant son référent (bibliographie), et ne propose un énoncé sur ce même sujet qu’autant qu’il diffère des énoncés précédents. (…) Cette diachronie supposant la mise en mémoire et la recherche du nouveau dessine en principe un processus cumulatif. (Lyotard, 1979 : 35-36)

Faute d’explicitation du rapport entre création et citation, il y a focalisation sur la surface linguistique de la reformulation, ce qui produit des malentendus chez les étudiants dans la compréhension des demandes du directeur de mémoire. Nous en fournirons un exemple à travers un extrait de notre corpus. Les couleurs correspondent aux modalités de reprise du texte source (rouge pour la copie, jaune pour le patchwriting, rose pour la reformulation, vert pour les ilots citationnels).

Jean Michel Zakhartchouk toujours dans son article : « Les consignes au cœur de la classe : geste pédagogique et geste didactique », souligne le fait qu'autrefois les consignes étaient probablement plus simples qu'aujourd'hui renvoyant par exemple dans l'enseignement primaire à des « applications, des reprises de ». Le professeur de français cite l'exemple du désarroi de certains maîtres pour qui au moment du lancement en 1989, de l'évaluation nationale à l'entrée de la sixième, les anciens élèves allaient être confrontés à des consignes purement écrites, pas du tout reformulées à l’oral, ce qui pour beaucoup était en rupture avec les pratiques de l'école primaire. Jean Michel Zakhartchouk note que cette épreuve déroutante et salutaire a souvent conduit à des prises de conscience et des remises en cause. (Z état 3)

L’extrait suivant de l’état 3 sur les neuf états envoyés au directeur du mémoire est signalé par ce dernier comme passage plagié. Le directeur y a surligné les passages similaires et a corrigé les références suivant la norme APA. Sa direction conduit l’étudiant à la réécriture suivante :

Jean Michel Zakhartchouk (2000) note l'évolution des consignes . En effet , autrefois considérées comme « plus simples » qu'aujourd'hui celles-ci se réduisaient à des « mises en application » ou des « reprises de » . Selon le professeur de français, penser et interroger les consignes à l'époque n'allait pas de soi . En citant l'exemple de l'évaluation nationale à l'entrée de la sixième , en 1989 , Jean Michel Zakhartchouk montre une dichotomie existant au sujet des consignes entre deux modes d'enseignement : l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire . En effet , celui-ci constate que les élèves à l'entrée en sixième

doivent se conformer et s'adapter à un nouveau type de consignes « purement écrites » et non reformulées à l'oral . La reformulation de consignes caractérisait l'enseignement primaire C'est en point que les consignes sont devenues progressivement sujet de questionnement et d'interrogation] (Z état 4)

Si la reprise du texte source est moins proche que dans l’état précédent et qu’elle permet ainsi d’éviter le jugement de plagiat, la réécriture est toujours linéaire par rapport au texte source et ne donne pas davantage accès au positionnement du scripteur indispensable à la création ou du moins à la re-création de savoirs. Faute d’énoncés indépendants intégrant la reprise selon des termes repris à la définition du droit de citation, de plagiat, il est encore cas finalement.

Conclusion

Si le regard positif sur l’écriture plagiaire s’avère pertinent en contexte académique de formation, je pense que les tensions entre les deux paradigmes doivent être identifiées et conduire à une redéfinition du plagiat dans ce contexte spécifique où l’évaluation des pratiques plagiaires nous apparaissent travaillées par les deux paradigmes. J’invite alors à ne pas considérer les deux approches comme exclusives mais à distinguer l’honnêteté scientifique garantissant la circularité du savoir (c’est-à-dire dire sa circulation et son renouvèlement), de l’honnêteté dans le cadre certificatif ; j’invite également à varier l’approche linguistique de l’écriture plagiaire afin de mieux adapter les réponses aux besoins des étudiants dont l’écriture est fortement dépendante des sources.

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