• Aucun résultat trouvé

Quelques précisions terminologiques en matière d’archivage

Partie I- La notion de l’écrit face à l’avènement des nouvelles technologies de

CHAPITRE 2 : L’ ARCHIVAGE ET L ’ ÉCRIT DANS LA SOCIÉTÉ DE L ’ INFORMATION

I- Quelques précisions terminologiques en matière d’archivage

[249] La plupart des auteurs confondent souvent les termes « archivage » et « conservation ». Il y a donc lieu de mentionner que ces deux termes ne sont pas synonymes dans la mesure où le terme « conservation » confère une dimension juridique au fait d’archiver307. Autrement dit, la conservation suppose que les règles de droit permettant la préservation des documents contre les altérations, les suppressions, les modifications ou les destructions soient effectivement respectées. En revanche, le terme « archivage » renvoie plutôt à l’action technique du classement des documents peu importe leur support ou leur forme. De plus, les archives peuvent aussi constituer le lieu de dépôt des documents308.

[250] La bibliothèque nationale du Canada a proposé deux définitions distinctes pour l’archivage et la conservation. Ainsi, selon cette institution, on entend par archivage : « Les documents (qui) sont versés sur un serveur institutionnel dans le but de

306 Gregory W. LAWRENCE, William R. KEHOE, Oya Y. RIEGER, William H. WALTERS et Anne R.

KENNEY, Risk management of digital information : a file format investigation, Council on Library and information Resources, 2000.

307 Éric CAPRIOLI, Les incertitudes du droit, Montréal, « Les tiers de confiance dans l’archivage

électronique : une institution juridique en voie de formation », Montréal, Les Éditions Thémis, 1999.

308 On parle ainsi entre autre des archives publiques, nationales, notariales, familiales ou encore celles

La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information

 Stéphane Caïdi-2002

préserver leur contenu intellectuel de façon permanente. L’archivage s’entend dans son sens le plus large, et couvre les concepts de compilation, de conservation et de mise en disponibilité à long terme »309. Quant à la conservation, la bibliothèque nationale définit cette notion comme « l’activité […], qui garantit la longévité des collections. Les activités de préservation comprennent la conservation des collections, la préservation de substituts, le contrôle des conditions ambiantes et l’établissement des conditions d’utilisation. En ce qui concerne les publications électroniques les activités de conservation englobent l’organisation, la description, la mise à jour et la migration de l’information électronique afin d’assurer l’accessibilité à long terme des publications »310.

[251] Kelly Russell parle de « preservation » qu’elle définit comme suit : « storage,

maintenance and access to digital objects/ materials over the long term »311. Ces différentes définitions nous permettent de constater que l’activité de conservation des documents électroniques suppose beaucoup plus que l’établissement d’une simple copie de sauvegarde. En effet, la technique de conservation signifie qu’un dispositif a été mis en œuvre afin de s’assurer que l’information subsiste et qu’elle est accessible et lisible à long terme, même dans l’hypothèse d’évolutions ou de changements technologiques. [252] Le terme « archives » a souvent été synonyme de « collection » en anglais, c’est à dire d’un répertoire réunissant les documents d’un domaine particulier. Par conséquent, le vocable anglais « archiving » se distingue du terme « archivage » dans le sens où le mot « archiving » prend en compte l’accessibilité des documents mais pas leur conservation. D’ailleurs sur ce point, Margaret E. Phillips souligne : « First, the

materials have to be identified, collected and made accessible in their current format (the archiving process) »312.

309 GROUPE DE COORDINATION DES COLLECTIONS ÉLECTRONIQUES, Politiques et directives

relatives aux publications électroniques diffusées en réseau, Bibliothèque Nationale du Canada 1998.

310 Id.

311 Kelly RUSSELL, « CEDARS : Long-term Access and Usability of Digital Resources. The Digital

Preservation Conundrum », (1998) 18 Ariadne, disponible à : http://www.ariadne.ac.uk/issue18/cedars

312 Margaret E. PHILLIPS, « Ensuring Long-Term Access to Online Publications », (1999) 4 The Journal

La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information

 Stéphane Caïdi-2002

[253] Malgré la déformation apportée par le langage courant, il serait faux de penser que la notion d’archive n’évoque que la phase terminale de la vie d’un document. En effet, il y a lieu de constater que l’archivage intervient en réalité dès le moment où le document est produit313. D’ailleurs, selon Dominique Ponsot, il convient de distinguer différents niveaux d’archivage314. Tout d’abord, il existe des « archives courantes » qui représentent les documents qui sont utilisés quotidiennement et qui par conséquent doivent être systématiquement à portée de main de l’utilisateur. Ensuite, Dominique Ponsot parle « d’archives intermédiaires » qui constituent l’ensemble des documents d’un dossier qui aurait déjà été traité et qui serait donc « clos » mais que l’utilisateur a néanmoins voulu laisser accessible et actif par mesure de précaution. Enfin, les « archives définitives » constituent le dernier niveau d’archivage en vertu duquel le dossier est absolument complet et ne peut plus faire l’objet de contestations. Le dossier sera ainsi conservé sans réelle limitation de durée et dans un but historique ou archivistique. Toutefois, il est nécessaire de souligner qu’il est beaucoup plus difficile d’assurer l’accessibilité à long terme à des supports numériques qu’à des supports autres tel que le papier. Ainsi à titre d’illustration, prenons le cas d’un livre conservé sous sa forme papier. Il est quasiment impossible d’en extraire des éléments particuliers (son contenu sans la mise en page par exemple) puisqu’ils sont étroitement liés. Au contraire, les documents numériques se décomposent de façon aisée et à la grande différence des documents sur support papier il est beaucoup plus compliqué de les conserver dans leur totalité. Par conséquence, lors de la conservation des documents numériques un certain nombre d’aspects méritent d’être pris en compte. Tout d’abord, il semble nécessaire de fixer l’objet en tant qu’entité distincte lors de la conservation. Or, il y a lieu de s’interroger sur les limites d’un document dans un environnement hypertexte. Les limites des objets numériques sont moins bien définies, en particulier si ces objets sont composés et générés à la suite de l’assemblage de différents supports ou par la liaison à des ressources d’un réseau. L’autre aspect important à ne pas négliger réside dans la conservation de la présence physique. On entend par présence physique le fichier informatique c’est à dire la série de « 1 » et de « 0 » constituant la base de l’objet

313 D. PONSOT, loc. cit., note 43, p.1. 314 Id.

La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information

 Stéphane Caïdi-2002

numérique. Soulignons à ce titre que le fait de conserver le fichier physique ne veut pas dire que l’objet demeurera accessible. Parmi les autres aspects qui méritent également d’être pris en compte, il faut citer la conservation de la présentation, des fonctionnalités, du contenu et de l’authenticité du document. À propos de la conservation de l’authenticité, cet aspect comprend les activités visant à garder l’authenticité du document par l’intermédiaire de la protection des objets numériques contre les changements non autorisés. En outre, il est nécessaire de contrôler les objets numériques ayant subi plusieurs cycles de reproductions afin de s’assurer que chaque copie est une reproduction acceptable de l’original. Pour atteindre ce but, il serait également utile d’établir des dépôts d’archives documentés.