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Partie I- La notion de l’écrit face à l’avènement des nouvelles technologies de

CHAPITRE 2 : L’ ARCHIVAGE ET L ’ ÉCRIT DANS LA SOCIÉTÉ DE L ’ INFORMATION

II- Objectifs de la conservation

[254] Si on laisse de côté le cas de la conservation à des fins archivistiques et historiques, il y a lieu de retenir principalement deux objectifs. D’une part, la conservation joue un rôle primordial en matière de contrôle (A) et d’autre part en matière de preuve (B)315.

[255] Avant de s’intéresser plus particulièrement à ces deux objectifs principaux de la conservation, rappelons à titre indicatif que le fait de conserver les documents permet d’empêcher la perte d’informations pouvant être utiles au traitement ou à la gestion des dossiers, mais permet surtout de préserver la mémoire d’une entreprise par exemple316. En effet, comme l’ont souligné Maurice et Paul Martel, une « compagnie est une

créature artificielle, créée sur papier […][qui] se manifeste par ses écrits car c’est le seul moyen dont elle dispose pour se manifester dans un monde réel, palpable »317. Ainsi, les archives d’une entreprise joue un rôle considérable dans la mesure où elles renferment des informations importantes sur le passé de l’entreprise, mais également des renseignements nécessaires à la conduite de ses affaires présentes et futures.

315 Éric CAPRIOLI, Les incertitudes du droit, Montréal, « Les tiers de confiance dans l’archivage

électronique : une institution juridique en voie de formation », loc. cit., note 307.

316 É. DUNBERRY, op. cit., note 183, p. 21.

317 Maurice MARTEL et Paul MARTEL, La compagnie au Québec: les aspects juridiques, vol. 1,

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A- Conservation à des fins de contrôle

[256] La conservation des documents à des fins de contrôle concerne principalement les entreprises. En effet, les entreprises sont tenues de respecter plusieurs exigences légales notamment dans le domaine fiscal, comptable, économique, douanier et du droit du travail. Mise à part les entreprises, mentionnons par ailleurs les obligations de conservation des actes incombant aux notaires dans les pays de culture civiliste318.

[257] Parmi les principales exigences légales de conservation, on retrouve la tenue de registres319 ou encore la conservation de documents spécifiques320. Les législations prévoient également les délais de conservation et parfois même ses modalités en précisant le lieu d’archivage, le support à utiliser, les conditions à respecter afin de garantir l’intégrité et la confidentialité des données conservées321. Le non-respect de ces obligations légales entraîne des sanctions telles que des amendes, des sanctions professionnelles ou administratives voire même des peines d’emprisonnement. Pour obtenir plus de précisions sur la nature de chacune de ces sanctions il est nécessaire de se référer à la législation en question.

[258] À titre d’illustration, prenons le cas des règles prévues en matière fiscale qui sont de loin les plus nombreuses et les plus complexes. De manière générale, ces règles doivent mener à l’élaboration d’une stratégie d’archivage des documents fiscaux la plus appropriée possible afin d’éviter à l’entreprise la commission d’infraction322. Sans faire une étude exhaustive323 des documents devant être conservés en matière fiscale,

318 En France, ces obligations sont prévues par l’article 1er de l’Ordonnance nº 45-2590 du 2 novembre

1945 relative au statut du notaire et de l’article 13 du décret nº 71-941 du 26 novembre 1971. De même, la nouvelle Loi sur le Notariat du Québec prévoit à sa section III sur « La conservation des actes notariés en

minute » l’ensemble des dispositions en matière de conservation des actes notariés. Projet de loi nº 139 révisant la loi sur le notariat, Assemblée Nationale, Première session, Trente-sixième législature, Chapitre

44, 23 novembre 2000.

319 Voir notamment : Le chapitre XVI de la Loi sur les compagnies au Québec, L.R.Q., c. C-38, art.

123.11.

320 Voir en particulier : Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1, art. 158.

321 Voir par exemple : Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.Q., c. P-39.1, art. 10. 322 É. DUNBERRY, op. cit., note 183, p.28.

323 Pour une étude plus détaillée, voir notamment : «Records Retention, Statutes and Regulations », vol. 3,

Ontario, Carswell, 1999 ; Benjamin WRIGHT et Jane K., The Law of Electronic Commerce, 3rd ed., New

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mentionnons notamment les registres et livres comptables, les bons de commande, les factures, les documents d’importation, les inventaires ainsi que les états financiers. [259] S’agissant de la durée de la conservation des documents fiscaux au Canada, le principe de base sauf exception est que les compagnies québécoises ou fédérales sont tenues de conserver tous les documents précédemment cités durant six ans à partir de la fin de la dernière année fiscale à laquelle ces documents se rapportent. Il est à noter que cette disposition vise également par extension les documents fiscaux consignés sur des supports électroniques. En outre, il apparaît clairement que les législations en matière fiscales accordent une flexibilité relativement importante afin de déterminer la méthode de conservation des documents. D’ailleurs selon Éric Dunberry324, le législateur se fonde largement sur l’opinion du juge et « accordent la souplesse que les tribunaux ont prônée »325.

B- Conservation à des fins de preuve

[260] Il semble qu’à l’heure actuelle, le législateur (aussi bien français que québécois) se soit montré ouvert à l’utilisation des nouvelles technologies afin de conserver une preuve d’un document écrit et également à accorder à ce type de reproduction la valeur de l’original papier à condition qu’un certain nombre de règles soient rigoureusement respectées. La reconnaissance de ce type de reproduction par le législateur ne se limite pas aux actes émanant des particuliers mais elle s’étend également aux personnes morales de droit public et de droit privé326. Optant pour la neutralité technologique, le législateur a néanmoins prévu des prescriptions minimales auxquelles il semble primordial de se conformer afin de garantir une valeur probante au document reproduit. Tout d’abord, peu importe la technologie utilisée, celle-ci doit permettre une reproduction indélébile et fidèle du document et doit permettre de déterminer la date et le lieu de la reproduction. De plus, cette opération de reproduction doit être dirigée par une personne compétente. Il incombe donc à l’entreprise de désigner

324 É. DUNBERRY, op. cit., note 183, p.29.

325 Labbé v. M.N.R., [1967] Tax ABC 697, 67 TDC 483. En vertu de cette décision, le juge a déclaré :

« The Act does not require the taxpayer to keep a specific accounting system, but such accounts that are sufficient to give the amount of income taxable, and the amount of tax owing ».

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une personne responsable de l’opération de reproduction. Une fois cette personne désignée, elle a pour rôle d’attester et de vérifier que l’opération de reproduction a été correctement réalisée, de déterminer la nature des documents reproduits et enfin de préciser le lieu ainsi que la date de l’opération. Toute cette procédure doit être retranscrite au sein d’une attestation assermentée devant comporter la signature de la personne responsable.

[261] En cas de non-respect de ce processus, l’entreprise peut subir de réels dommages dans la mesure où elle risque d’être privée de la défense de ses droits en l’absence de la production des documents écrits originaux327. Comme on peut l’observer, bien que minimales, ces règles imposent un processus relativement lourd et rigoureux pour l’entreprise. Cependant, ces règles minimales ne semblent pas répondre à certaines questions pratiques et par conséquent soulèvent un certain nombre d’incertitudes. En effet, ces règles ne précisent pas quel délai et quelle fréquence sont accordés au responsable afin qu’il produise les attestations assermentées. De même, aucune règle n’a été prévue en cas de destruction du document reproduit sur un support électronique. Ces interrogations de nature pratique ne doivent pas être écartées à partir du moment où l’entreprise tient à garantir l’intégrité complète du document électronique. Par conséquent, il incombe à l’entreprise de déterminer à l’avance les règles applicables afin que son programme de numérisation et d’archivage électronique soit reconnu comme fiable et sans lacunes, protégé contre tout type d’altération.

[262] Il convient de rappeler que le processus d’archivage, bien qu’ayant des enjeux juridiques et économiques certains, n’en reste pas moins un procédé technique pouvant faire appel à divers systèmes ayant un niveau de fiabilité plus ou moins élevé.