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La loi française n° 2000-230 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de

Partie I- La notion de l’écrit face à l’avènement des nouvelles technologies de

Section 3- Nécessité d’une définition légale de l’écrit

C- La question de la durabilité

I- La loi française n° 2000-230 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de

électronique

[80] La loi française n° 2000-230 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relative à la signature électronique105 a été adoptée le 13 mars 2000 afin de répondre à plusieurs préoccupations essentielles. En effet, elle s’inscrit tout d’abord dans la politique menée par le Gouvernement français afin d’adapter la législation nationale aux nouveaux enjeux de la société de l’information. Cette loi vise aussi à assurer la transposition de la directive européenne du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire sur les signatures électroniques106 prévoyant la reconnaissance de la validité de signatures électroniques et l’encadrement de l’activité de certification.

[81] La loi n° 2000-230 s’est également inspirée de la proposition de directive européenne relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur107.

105 Précitée, note 16.

106 Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre

communautaire pour les signatures électroniques, J.O.C.E. n° L 013, 19 janvier 2000, p.0012-0020, disponible à http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2000/l_013/l_01320000119fr00120020.pdf

107 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects

juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur («directive sur le commerce électronique»), J.O.C.E. n° L178 du 17/07/2000 p.0001- 0016, disponible à http://europa.eu.int/eur-lex/pri/fr/oj/dat/2000/l_178/l_17820000717fr00010016.pdf

La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information

 Stéphane Caïdi-2002

Cette directive sur le commerce électronique impose entre autre aux États membres de l’Union européenne de reconnaître la validité des contrats électroniques108.

[82] La loi française n° 2000-230 vise à reconnaître à la preuve électronique un statut équivalent à celui qui est attribué à la preuve papier. Bien que ne préconisant aucune technologie en particulier, la loi n° 2000-230 permet désormais l’utilisation de procédés de sécurisation des échanges109 pouvant offrir autant de garanties que le support papier ou que la signature manuscrite. La loi écarte d’ailleurs toute idée de hiérarchie entre le document électronique et l’écrit papier, ainsi qu’entre la signature électronique et la signature manuscrite.

[83] La loi n° 2000-230 traite donc essentiellement de deux points, d’une part la consécration de l’écrit électronique et d’autre part celle de la signature électronique110. [84] Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que les règles de preuve traditionnelles contenues dans le Code civil reposent sur la prééminence de la preuve par écrit qui a évincé le témoignage depuis l’ordonnance de Moulins de 1566. À la lecture des règles traditionnelles du Code civil, il apparaît que l’écrit se confond avec le support papier sur lequel il est apposé, ce qui explique que les documents informatiques n’aient pu, jusqu’à dernièrement, être considérés comme des actes sous seing privé. Dans le but de lever cet obstacle, la loi a redéfinit la notion de preuve littérale afin de la rendre indépendante de son support111. Désormais, la nouvelle définition de l’écrit permet d’englober tant le document sur papier que l’écrit sous forme électronique. Cependant, la sécurité juridique impose que soient précisées les conditions d’admissibilité de l’écrit électronique comme mode de preuve. Ainsi, celui-ci ne peut être admis en preuve qu’à condition que soit « identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité »112. D’ailleurs, selon l’ex-Garde des sceaux Élisabeth

108 Article 9(1) de la directive sur le commerce électronique.

109 Article 4 de la loi n° 2000-230 introduit au C.c.F. à l’article 1316-4.

110 Nous n’aborderons pas les règles relatives à la signature électronique dans le présent travail. Pour de

plus amples renseignements concernant la signature électronique, voir : Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique, publié au J.O. n° 77 du 31 mars 2001, p. 5070.

111 Article 1 de la loi n° 2000-230 introduit au C.c.F. à l’article 1316. 112 Article 1 de la loi n° 2000-230 introduit au C.c.F. à l’article 1316-1.

La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information

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Guigou, cette disposition ne doit pas être interprétée comme une « marque de défiance à

l’égard de l’écrit électronique puisque de telles conditions valent également pour le papier. Mais il importait de le dire pour cet écrit nouveau qu’est l’écrit électronique

»113.

[85] Enfin, mentionnons également que la loi n° 2000-230 a été étendue aux actes authentiques. En effet, en vertu de son article 2 complétant l’article 1317 du Code civil, l’acte authentique « peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé

dans des conditions fixées par décret en conseil d’État ». Il est évident que la mise en

œuvre de l’acte authentique électronique nécessite un examen technique approfondi afin que la forme électronique de l’acte ne remette pas en cause les garanties particulières rattachées à l’acte authentique. Ceci suppose l’élaboration d’un nouveau formalisme électronique susceptible de remplacer les exigences liées au support papier. Une telle disposition implique aussi de prendre en considération la diversité des actes authentiques existants (actes notariés, actes de l’état civil, jugements,…), sachant que chacun d’eux obéit à des règles formelles différentes114. Enfin, le dernier enjeu eu égard à l’acte authentique électronique a trait à sa conservation. Cette question de la conservation de l’acte authentique électronique est d’autant plus problématique qu’elle dépasse largement les intérêts particuliers des parties à l’acte. En effet, le véritable enjeu ici est la conservation de la mémoire collective. Face à ces nombreux impératifs, le législateur français a opté pour un renvoi à un décret d’application en Conseil d’État afin de préciser les conditions dans lesquelles sera dématérialisé l’acte authentique.

[86] Ainsi, la loi française du 13 mars 2000 est venue modifier en profondeur le droit français relatif à la preuve, en reconnaissant l’équivalence complète du support papier et du support électronique dès lors qu’un certain nombre de conditions sont respectées115. Mais, cette loi n’est pas la seule à fonder la preuve électronique et à

113 Intervention à propos du projet de loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de

l’information et relative à la signature électronique de Mme Elisabeth Guigou, Garde des sceaux, Ministre de la justice, Assemblée nationale, 29 février 2000.

114 Isabelle DE LAMBERTERIE (dir.), « Les actes authentiques électroniques, réflexion juridique

prospective », Perspective sur la Justice, Mission de recherche, Droit et Justice, La Documentation Française, Paris, 2002, p. 208.

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reconnaître un cadre juridique aux nouvelles technologies de l’information. En effet, elle s’inscrit dans un contexte international, d’ailleurs le Québec s’est également doté récemment d’une loi comparable.

II- La loi québécoise concernant le cadre juridique des technologies