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La dimension probatoire de la conservation

Partie I- La notion de l’écrit face à l’avènement des nouvelles technologies de

Section 2 : Enjeux juridiques de l’archivage des documents électroniques

I- La dimension probatoire de la conservation

[301] La dimension probatoire de la conservation fait référence à l’interdépendance reconnue entre la preuve et la conservation. Un moyen de preuve doit se caractériser par sa stabilité et sa durabilité, ce qui suppose a fortiori que les procédés d’archivage aient été conçus afin de répondre à ce besoin et qu’ils ont donc été rigoureusement déterminés et réglementés. Ainsi, un bon support de preuve commence par être un support d’archivage fiable. Cependant, ces propos ne signifient pas que le risque de la preuve est présumé du fait de l’utilisation d’un support fiable. En effet, avoir la charge de la preuve suppose que l’on assume le risque de la preuve, que cette preuve soit bonne, mauvaise ou inexistante. Avant d’analyser plus spécifiquement les rapports entre le risque de la preuve et la conservation (B), il semble important de décrire auparavant les enjeux liés à la reconnaissance d’une dimension probatoire de la conservation (A).

A- Les enjeux liés à la reconnaissance d’une dimension probatoire de la conservation

[302] A titre préalable, il convient de souligner qu’à l’exception de certains ordres professionnels particuliers371, la chance pour qu’un document archivé constitue une preuve à un moment ou à un autre de son cycle de vie est relativement faible. Par conséquent, force est de constater que l’administration de la preuve peut représenter des

370 ASSOCIATION PREUVE ET MICROGRAPHIE, Rapport portant intégration des supports et

techniques micrographiques aux termes de la loi 2000-230 du 13 mars 2000, Paris, Preuve et

Micrographie, 2001, p. 19.

La preuve et la conservation de l’écrit dans la société de l’information

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investissements excessivement onéreux pour les entreprises ou les administrations qui ont en charge de stocker un nombre considérable de documents372. De plus, un document archivé depuis une très longue durée, a non seulement engendré des coûts élevés mais ces coûts risquent d’augmenter au fur et à mesure que le détenteur du document envisage d’adapter son système d’archivage, alors que parallèlement la perspective de produire le dit document en preuve devant les tribunaux diminue progressivement. Cependant, selon nous, l’abandon et la suppression des anciens documents, afin de réaliser un archivage plus économique, est susceptible de créer des dommages financiers et des conséquences juridiques plus importants résultant de l’incapacité de pouvoir produire une pièce décisive devant les tribunaux. On comprend donc mieux l’importance capitale de ne pas commettre d’erreurs dans le choix initial du mode d’administration de ses preuves.

[303] Ceci dit, il n’est pas toujours évident de choisir le mode d’administration de la preuve le plus approprié dans la mesure où il est relativement complexe de déterminer quel genre de documents mérite le plus de passer sous « archivage probatoire »373. En effet, ceci ne poserait aucun problème dans l’hypothèse où il serait possible de déterminer à l’avance quelle information l’entreprise ou l’administration devra produire devant les tribunaux afin de faire valoir son droit, et pourquoi pas également déterminer à quelle époque le litige se produira et devant quelle juridiction ! Malheureusement, ce type de prévisions est difficile voire impossible à réaliser ce qui fait que l’archivage ne peut guère être sélectif sans risque. Ceci étant, vu le coût exorbitant d’un système « d’archivage probatoire », il semble préférable de s’assurer que celui-ci soit suffisamment efficace à terme, c’est à dire qu’il permette que le support choisi soit toujours exploitable le jour où l’information devra être produite devant les tribunaux.

B- Le risque de la preuve et la conservation

372 EDIFICAS & IALTA, Guide de l’archivage électronique sécurisé , recommandations pour la mise en

œuvre d’un système d’archivage interne ou externe utilisant des techniques de scellement aux fins de garantir l’intégrité, la pérennité et la restitution des informations, version V, 2000.

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[304] En vertu de l’article 1315 du code civil français, « celui qui réclame

l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».

[305] Selon cet article, le fardeau de la preuve suppose qu’on assume le risque de la mauvaise preuve ou de l’absence de preuve. Traditionnellement, le concept du risque de la preuve signifie que chacune des parties à un acte juridique doit être en mesure d’obtenir la préconstitution des preuves dont la production lui incomberait dans un litige (« il a le risque de la preuve parce qu’il peut en avoir la charge »374). Ainsi, peu importe le support utilisé, l’intéressé est tenu d’organiser efficacement la mise en œuvre de la preuve ; à défaut, il en supporte lui-même la charge. Il faut d’ailleurs tenir compte de cette réalité afin de choisir son système d’archivage en gardant à l’esprit que la preuve représente la matérialisation d’un droit ou d’une obligation projetée dans un avenir plus ou moins proche. Cette matérialisation ne doit pas uniquement se conformer à des règles formalistes mais elle doit avant tout permettre à terme d’engendrer les effets de droit attendus.

[306] En outre, le risque d’une éventuelle détérioration ou perte de la preuve peut être éviter si certaines mesures de sécurité ont été envisagées. Dans l’hypothèse où le document archivé a été consigné sur un support durable, la protection physique du support engendre automatiquement la préservation de l’information375. En revanche, pour les documents consignés sur les supports plus évanescents ou dotés d’une précarité imprévisible (disque compact par exemple), la conservation physique du support n’entraîne pas nécessairement la préservation du contenu. Dans un tel cas de figure, il faut donc pouvoir mettre en œuvre une double mesure de sécurisation basée d’une part sur la protection du support et d’autre part sur la préservation du contenu c’est à dire démontrer que l’information contenue sur le support a demeuré inchangée depuis son origine. C’est ainsi qu’est née une nouvelle génération de mesures de sécurisation

374 Pierre LECLERCQ, Une société sans papier ? Nouvelles technologies de l’information et droit de la

preuve, « Réflexions sur le droit de la preuve », Paris, Notes et Études documentaires, La Documentation

Française, 1990, p. 97.

375 Citons à titre d’exemple le cas d’un centre de recherche ayant pris la décision, par mesure de

précaution, d’installer toutes ses recherches ou tous ses ouvrages dans un local protégé contre les incendies ou encore le dégât des eaux.

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chargées de paralyser l’information dans un univers pourtant conçu pour la faire évoluer376 : la cryptographie.