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3. Perspectives

3.1. Quelles perspectives de recherche sur la cameline ?

Ce travail de thèse a permis d’initier une dynamique territoriale multi-acteurs sur la cameline. Comme nous l’avons mentionné dans la partie précédente, l’INRA, et particulièrement l’UMR Agronomie de Grignon, a joué un rôle clef dans la gouvernance de cette dynamique, avec des ambitions de recherche propres, à la fois autour de la production de connaissances sur une nouvelle espèce et de la construction d’une démarche pour accompagner la diversification des systèmes agricoles. Il est alors légitime de poser la question des suites à donner à ce travail et, plus particulièrement, d’identifier en quoi cette dynamique amorcée dans le cadre de la thèse peut être programmatique pour la recherche académique et pour la Recherche & Développement sur cette espèce.

Localement, nous avons déjà montré, en quoi certaines connaissances issues de l’ensemble de la démarche pouvaient devenir, après formalisation, des ressources intéressantes pour outiller un conseiller agricole dans son activité d’accompagnement autour de cette culture (CHAPITRE 4). Ainsi, la formalisation et la mise à disposition de

le terrain, serait une suite à donner à ce travail. Par exemple, les différentes modalités alternatives sans herbicide étudiées pourraient être présentées dans ces fiches en mentionnant le risque plus élevé d’une forte pression adventice dans les sols sableux combiné à un travail du sol réduit (chapitre 2). Aujourd’hui, avec le développement du numérique, et la multiplication des plateformes collaboratives d’échanges de savoirs sur les pratiques agroécologiques (ex : GECO19, Osaé20, etc.) ou sur des sujets plus

spécifiques comme les adventices (ex : Plateforme Afroweeds21, Adventilles Network22,

etc.), de nombreuses questions persistent sur la nature des connaissances à partager et leur formalisation pour fournir des connaissances actionnables pour la re-conception des systèmes de culture.

Du point de vue de la recherche agronomique, la question de la capitalisation des connaissances produites sur la cameline, pour accompagner la transition agroécologique à plus large échelle, reste encore ouverte. Les modèles constituent à la fois de bons outils pour explorer une diversité de scénarios (Rossing et al., 1997) ou pour évaluer des systèmes de cultures préalablement conçus (Colbach et al., 2014). Dans notre cas, nous avons essentiellement réalisé des évaluations multicritères à l’échelle de l’itinéraire technique (CHAPITRE 4), il serait donc intéressant, pour aller plus loin, d’évaluer les

systèmes de culture incluant de la cameline conçus, par exemple, lors des ateliers. Or, les travaux de modélisation sur la cameline n’en sont qu’à leur début, avec le développement récent d’un modèle de culture mécaniste, simulant le rendement et la qualité de la cameline mais sans y inclure – pour l’instant – l’impact des pratiques, ni du système de culture (Cappelli et al., 2019). Le développement d’un modèle facilement paramétrable pour la cameline et permettant de simuler et d’évaluer des systèmes de culture incluant la cameline dans une diversité d’environnements semble donc être une perspective intéressante pour accompagner la re-conception des systèmes de culture dans une perspective agroécologique.

19 voir notamment Soulignac et al. (2019)

20 Plateforme « Osez l’agroécologie » (https://osez-agroecologie.org/l-agroecologie).

Titre de la plaquette de présentation : « Faciliter la diffusion des savoirs agroécologiques pour accompagner les agriculteurs dans la transition et partager des solutions ».

21 voir Le Bourgeois et al. (2010) 22 voir Grossard et al. (2012)

Comme il s’agit de raisonner l’introduction de la cameline dans une succession de cultures (et pas seulement sa conduite), le modèle de système de culture PerSyst pourrait être intéressant à mobiliser. En effet, ce modèle permet de simuler les rendements des cultures d’une succession de cultures en prenant en compte l’effet de la plupart des éléments de l’itinéraire technique et du système de culture (effet précédent notamment)(Guichard et al., 2013; Ballot et al., 2018). Il se base sur un paramétrage à dires d’experts et, par conséquent, peut être paramétré dans une large gamme d’environnements, à moindre coût et rapidement, et peut incorporer une grande gamme d’innovations techniques. Dans le cadre d’un précédent projet du programme GENESYS, PerSyst a déjà été paramétré pour les principales cultures de l’ex-région Picardie (Tavares, 2015). À ce titre, le paramétrage de la cameline dans PerSyst, en mobilisant les connaissances produites au cours de cette thèse, nous semble être une piste de travail intéressante, notamment pour permettre à terme d’évaluer une beaucoup plus grande gamme de systèmes de culture. Si aujourd’hui, les connaissances produites et surtout l’expertise développée par différents acteurs (agriculteurs, conseillers, chercheurs) peuvent contribuer à un premier paramétrage sur les rendements potentiels dans différents milieux et sur l’effet de différentes pratiques, cette expertise devra être enrichie pour pouvoir évaluer les variations de rendement en lien avec la rotation. Enfin, il n’est pas encore possible de simuler deux cultures sur une année dans le modèle (Guichard, comm. pers.), ce qui ne permet pas l’évaluation de la cameline introduite en double culture. Par conséquent, le développement du modèle en ce sens est également une piste de travail envisageable.

Comme nous l’avons mentionné à plusieurs reprises, en s’inscrivant dans un processus de conception, la démarche que nous avons élaborée a permis d’identifier des trous de connaissances sur la cameline. Ce travail permet donc de faire émerger des perspectives de recherche pour l’agronomie mais également pour d’autres disciplines. C’est le cas par exemple pour les effets allélopathiques de la cameline. En effet, l’allélopathie se définit comme un « effet direct ou indirect, positif ou négatif, d’une plante ou d’un microorganisme sur un autre organisme, par le biais de composés biochimiques

soulevée par les agriculteurs, CHAPITRE 4) supposent donc un travail pluridisciplinaire

entre agronomes, microbiologistes et pathologistes. De même, le mildiou ayant été identifié comme un facteur expliquant la variabilité du rendement et de la teneur en huile (CHAPITRE 3), des questions se posent aujourd’hui sur le cycle de développement de

Peronospora parasitica occasionnant le mildiou (pathologie végétale), sur les facteurs favorisant son développement au champ (agronomie) et sur l’effet du mildiou sur le cycle de la culture et la qualité des grains de cameline (écophysiologie). Enfin, en agronomie, compte tenu des nombreuses questions soulevées par les agriculteurs sur la gestion de la fertilisation azotée (CHAPITRE 1, CHAPITRE 4) et de la relation entre le statut

azoté de la culture et le rendement que nous avons mise en évidence (CHAPITRE 3), la

construction de la courbe de dilution de la cameline semblerait être importante à déterminer. Sur la même thématique, l’estimation des besoins en azote pour gérer la fertilisation azotée ou l’étude de la réaction aux carences azotées (ou en d’autres éléments) pour gérer la fertilisation de manière sous-optimale, à l’instar du blé (Ravier et al., 2017), pourraient également être des pistes de recherche à creuser.

Au-delà de leur intérêt dans l’Oise, ces connaissances scientifiques pourront également avoir un impact à plus large échelle en permettant de fournir des éléments sur différents processus. Par exemple, aujourd’hui, le mildiou ne représente pas un problème majeur pour la culture de cameline aux Etats-Unis, et particulièrement dans les Grandes Plaines, compte tenu des conditions climatiques plutôt chaudes et sèches pendant le développement de la cameline de printemps. Toutefois, avec le changement climatique, il est probable que des infections par Peronospora parasitica, telles que nous les avons observées dans notre cas d’étude, puissent se produire (Berti, comm. pers.). De même, une meilleure compréhension des effets précédents, et plus particulièrement des effets allélopathiques de la cameline sur des cultures telles que le blé ou la betterave, deux cultures également présentes dans les rotations du Nord-Est des États-Unis (Gesch, comm.pers.), pourrait donc avoir un intérêt à plus large échelle que celle de l’Oise.