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1. Produire des connaissances sur une espèce de diversification dans une perspective

1.2. Une production de connaissances réalisée de manière économe

1.2.3. La combinaison de différentes formes d’expérimentations au champ

Si nous avons vu que les moments d’échanges en salle et au champ ont contribué à la production de connaissances actionnables (CHAPITRE 4), celle-ci s’est toutefois

majoritairement appuyée sur la mise en œuvre et l’évaluation de différentes modalités d’insertion et de conduite de la cameline au sein des deux dispositifs expérimentaux.

Au-delà de favoriser les apprentissages des agriculteurs en leur permettant de mettre en œuvre et d’expérimenter par eux-mêmes des modalités d’insertion et de conduite de la cameline en double culture, et ainsi de poursuivre la conception par l’action (Salembier, 2019), les essais agriculteurs-expérimentateurs ont également été capitalisés pour faire expliciter, au cours de visite de terrain ou par des enquêtes, les objectifs attendus et les logiques d’action mobilisées par les agriculteurs (CHAPITRE 1).

Ainsi, à l’image des dispositifs de traque aux innovations (Salembier et al., 2016; Blanchard et al., 2017; Verret et al., 2019), ce dispositif a permis d’identifier des indicateurs d’évaluation et de pilotage et des règles de décision mobilisées par des agriculteurs, tout en s’affranchissant de l’étape d’identification d’agriculteurs innovants, parfois chronophage, et difficile à mettre en œuvre dans notre cas, le nombre d’agriculteurs cultivant de la cameline en conventionnel étant très réduit. La réalisation de l’atelier de réflexion multi-acteurs, s’est donc substitué à cette étape d’identification d’agriculteurs innovants, et a permis de stimuler l’innovation au sein d’un groupe d’agriculteurs pré-identifiés, qui ont expérimenté des innovations et ont ensuite été

En parallèle, le réseau d’essais multi-local et pluriannuel a permis de mieux comprendre les processus biophysiques en jeu dans la gestion des adventices et la variabilité des performances de la cameline (CHAPITRE 2 et CHAPITRE 3) par la mise en

œuvre d’un suivi expérimental spécifique et plus fin (prélèvements de sol, mesures de biomasse régulières, analyse teneur en azote, rendement, etc.) et par la création d’une gamme d’états du milieu et du peuplement, induite par le caractère multi-local et pluriannuel du dispositif et par les différentes conduites explorées. Toutefois, ce dispositif est resté exclusivement centré sur des modalités d’insertion de la cameline de printemps, notamment pour des questions de faisabilité technique et de temps de travail à engager dans le cadre d’un dispositif plus complexe.

La combinaison de ces deux dispositifs, pour contribuer à la production de connaissances diversifiées, de manière économe, apparaît donc intéressante à deux titres. Tout d’abord, la réalisation des essais agriculteurs-expérimentateurs a permis d’élargir la gamme des modalités explorées (avec les modalités en double culture) mais avec un investissement moindre de la part de la recherche : très peu de mesures ont été réalisées sur ces essais (rendement et taux d’humidité). À l’inverse, le suivi fin des expérimentations de printemps a permis une montée en généricité et une validation des connaissances produites par le dispositif agriculteurs-expérimentateurs. Par exemple, l’identification de l’INN comme facteur limitant majoritaire du rendement (CHAPITRE 3) a

permis de valider le constat de l’effet du statut azoté de la culture sur le rendement, hypothèse avancée dans le cadre des essais agriculteurs-expérimentateurs à partir d’observations (CHAPITRE 1). Cette combinaison a donc permis de s’affranchir d’un risque

possible dans des réseaux d’expérimentations conduites par les agriculteurs de manière informelle et indépendante, où les conclusions peuvent parfois rester implicites, comme le mentionnent Navarrete et al. (2018) à partir de leur analyse croisée de sept réseaux d’agriculteurs : « chaque agriculteur pouvait tirer des conclusions sur sa propre expérience, mais ne l'a pas nécessairement rendue explicite au niveau collectif ».

L’intérêt de valoriser les complémentarités entre différents dispositifs expérimentaux a déjà été mis en évidence dans la littérature, notamment entre des essais « systèmes » et des essais factoriels. Deytieux et al. (2012) précisent cette idée de la façon suivante : « […] la mise en place d’essais factoriels en parallèle de

l’expérimentation ‘système de culture’ peut permettre de mieux comprendre un processus en isolant l’effet d’un facteur ou de mettre au point et valider une règle de décision ou une technique avant sa mise en œuvre dans le système de culture testé ». Plus largement, cette production de connaissances, de manière économe en moyens humains, expérimentaux et en temps, peut également passer par la combinaison avec d’autres dispositifs de production de connaissances (comme nous l’avons proposé avec la réalisation du tour de plaine et la réunion d’échanges autour des résultats). Par exemple, dans le cadre de la conception de systèmes de culture en protection intégrée en maraîchage, une traque aux innovations d’associations d’espèces maraîchères a été réalisée en complément d’essais réalisés en station expérimentale et d’un atelier de conception de conduites d’associations et a permis notamment d'enrichir le partage de connaissances de l'atelier (Navarrete et al., 2017). Dans notre cas d’étude, la réalisation d’une traque aux innovations à l’échelle de la France auprès de producteurs en Agriculture Biologique aurait pu contribuer à l’exploration de voies alternatives, notamment pour la gestion des adventices, qui est un problème fréquent en Agriculture Biologique. En particulier, des informations sur des modalités de désherbage mécanique, qui semble être une pratique mise en oeuvre dans ces systèmes de production (Coulombel et Fontaine, 2009; Pousset, 2009), auraient pu être mobilisées pour la conception d’un traitement dans le cadre du réseau d’essais multi-local et pluriannuel. Ou encore, des agriculteurs innovants auraient pu venir témoigner de leur expérience dans le partage de connaissances de l’atelier de conception pour inspirer de nouvelles idées aux agriculteurs (Reau et al., 2018).

2. Raisonner et accompagner l’introduction d’une nouvelle espèce dans les