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3. Introduire la cameline dans les systèmes de culture de l’Oise : quels enjeux de

3.1. La cameline : une culture oléagineuse rustique avec de multiples usages

La cameline [Camelina sativa (L.) Crantz] est une culture oléagineuse annuelle de la famille des Brassicacées (Zubr, 1997). Historiquement cultivée en Europe du Nord pour son huile, comme en témoignent des études archéologiques (Larsson, 2013; Pollmann, 2014; Effenberger, 2018), elle a peu à peu disparu au profit d’autres cultures oléagineuses plus compétitives, comme le colza, le tournesol ou le lin (Karg, 2012; Brock et al., 2018). Depuis la fin des années 1990, on observe un regain d’intérêt pour cette culture, justifié par ses caractéristiques agronomiques et industrielles intéressantes (Putnam et al., 1993; Vollmann et al., 1996; Bonjean and Le Goffic, 1999; Zanetti et al., 2013).

Du point de vue agronomique, la cameline se caractérise par un cycle de développement court, environ 1100 à 1200 °Cj en température de base 5°C (Gesch, 2014). De manière assez analogue au colza, le cycle de développement de la cameline comporte six phases : l’émergence, le stade rosette, l’élongation, la floraison, le remplissage des grains et la maturité (Figure 6)(Martinelli and Galasso, 2011). La cameline est souvent présentée comme une culture rustique en raison de sa tolérance à la sécheresse et aux basses températures (Gesch and Cermak, 2011; Hunsaker et al., 2011a; Schillinger et al., 2012; Gesch and Johnson, 2015). Par exemple, Hunsaker et al. (2011) ont estimé des besoins en eau de la cameline compris entre 332 et 371 mm en Arizona, ce qui correspond à la moitié des besoins en eau pour produire des légumes dans cette même région. Schillinger et al. (2012) mentionnent un taux de survie de plus de 70% de la cameline (au stade deux feuilles) après une exposition de 8h à -23 °C. La cameline est également résistante à certaines maladies communes des Brassicacées (par exemple l’alternariose, causée par Alternaria brassicae, ou la nécrose du collet causée par Leptosphaeria maculans). Il existe également des génotypes résistants au sclérotinia (causé par Sclerotinia sclerotinim) ou au mildiou (causé par Peronospora parasitica)(Séguin-Swartz et al., 2009). Enfin, la cameline semble présenter une certaine résistance aux principaux ravageurs spécialistes des crucifères, comme par exemple les altises (Phyllotreta ssp.)(Coleoptera ; Chrysomelidae ; Alticinae), la mouche du chou

(Delia ssp.) ou les charançons (Ceutorhynchus assimilis), qui pourrait s’expliquer par sa composition en glucosinolates (Soroka et al., 2015, 2017). Malgré ces atouts agronomiques, la combinaison (i) d’une semence de petite taille (PMG compris entre 0.8 et 1.8 g) qui peut rendre difficile l’implantation de la culture, et (ii) de faibles rendements (compris entre 400 et 3300 kg ha-1) par rapport à d’autres cultures

oléagineuses, est un frein au développement de cette culture (Eynck et Falk, 2013; Berti et al., 2016).

Du point de vue des usages, l’huile de cameline a largement été étudiée en tant que source alternative pour la production de biocarburants (Fröhlich et Rice, 2005; Ciubota-Rosie et al., 2013; Moser, 2010, 2012; Shonnard et al., 2010; Wu et Leung, 2011; Yang et al., 2016; Sindelar et al., 2017; Chaturvedi et al., 2018; Mohammad et al., 2018). Cependant, en raison de son profil en acides gras (caractérisé par sa richesse en oméga 3) et de sa composition protéique (Encadré 4), de nombreuses applications en alimentation humaine ou animale, et pour l’industrie, ont également été identifiées pour la cameline (Waraich et al., 2013; Berhow et al., 2014; Berti et al., 2016)(Figure 7).

Encadré 4 : Quelques éléments sur la composition de l’huile et du tourteau de cameline

(d’après Berti et al., 2016 et Righini et al., 2016)

La cameline se caractérise par une teneur en huile relativement élevée (30 à 40% en moyenne). L’huile de cameline se distingue de celles d’autres cultures oléagineuses (comme le colza, le lin ou le palmier à huile) par : (i) une teneur élevée en acides gras poly-insaturés, dont l’acide α -linolénique *, (ii) la présence d’acide écosénoique** et (iii)

une teneur en acide érucique inférieure à 5% (Table 1). Le tourteau de cameline se caractérise par une teneur en protéines de l’ordre de 40% et une teneur en glucosinolates beaucoup plus basse que les autres cultures de la famille des brassicacées, même si elle reste supérieure au seuil réglementaire pour la consommation du tourteau pur en alimentation animale.

Table 1. Composition de l’huile de cameline en comparaison avec trois autres cultures oléagineuses Tableau 1. Composition de l’huile de cameline en comparaison avec trois autres

oléagineuses (le colza, le lin et le palmier à huile)

Teneur en acides gras majoritaires (%) C16:0 palmitique C18:0 stéarique C18:1 oléique C18:2 linoléique C18:3 linolénique C20:1 écosénoique C22:1 érucique Cameline 5-7 2-3 14-18 14-20 30-35 14-17 2.4-4.0 Colza 4-5 1-2 60-63 18-20 8-10 1-2 <1 Lin 5.4-5.7 4.0-4.7 18-23 13-14 52-57 Traces Traces Palmier à huile 32-45 2-7 38-52 5-11 Traces Traces Traces

* L’acide α -linolénique (C18:3) est un acide gras polyinsaturé de la famille des omégas 3.

C’est un acide gras essentiel, c’est-à-dire qu’il ne peut pas être synthétisé par l’organisme et doit donc être fourni par l’alimentation (ANSES, https://www.anses.fr/fr/content/les- acides-gras-om%C3%A9ga-3).

** L’acide écosénoique (C20:1) est un acide gras qui pourrait être une source de

tryglicérides à chaîne moyenne, aujourd’hui uniquement obtenu à partir d’huile de palme ou de noix de coco

Figure 7. Diversité des débouchés de l’huile, du tourteau et des résidus de culture de cameline.

Enfin, une autre caractéristique de la cameline, souvent mentionnée dans la littérature, est sa capacité à s’adapter à une large gamme d’environnements, comme le démontre la réalisation d’essais sur cette culture à travers le monde entier sous différents climats et dans différents types de sol (Table 2).

Cependant, il est difficile d’avoir une estimation des surfaces cultivées de cameline dans le monde. Par exemple, McVay et Lamb (2008) et Vakulabharanam (2014) mentionnent une production de l’ordre d’une dizaine de milliers d’hectares respectivement dans le Montana aux Etats-Unis en 2007 et dans la province du Saskatchewan au Canada en 2009, mais des données aux échelles nationales et mondiales sont difficilement accessibles. Sur le site de la FAO7, la cameline n’apparaît

pas dans la liste des cultures oléagineuses, et se trouve donc incluse dans la catégorie « graines oléagineuses non identifiées », qui représentait 1 728 586 hectares en 2017 à l’échelle mondiale, soit l’équivalent de 5% des surfaces cultivées en colza. En France, la catégorie « autres oléagineuses » représente seulement 0,4 % des surfaces destinées aux cultures oléagineuses8.

Table 2. Exemple de la diversité des environnements expérimentés pour la cameline Continent : Pays

(Région)

Caractéristique du climat

Types de sol Références

Australie Méditerranéen NA (Campbell et al., 2013)

Canada (Saskatchewan)

Continental tempéré Argileux

Argilo-limoneux

(Gugel and Falk, 2006)

Chili Méditerranéen

tempéré à froid

NA (Berti et al., 2011)

Espagne Méditerranéen semi-

aride

Limono-argileux (Royo-Esnal et Valencia- Gredilla, 2018) Europe : Grèce, Italie, Pologne Tempéré Sablo-limoneux ; Argilo-limoneux (Zanetti et al., 2017)

Inde Subtropical NA (Borah et al., 2019)

USA (Arizona) Aride Sablo-argilo-limoneux (Hunsaker et al., 2013)

USA (Minnesota) Continental Limoneux (Gesch et al., 2017)

3.2. Une culture orpheline de recherche et ancrée dans un mode de