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3. Résultats

4.2. L’atelier de conception : un dispositif de production de connaissances permettant

territoire ?

Nous avons vu dans la partie précédente que l’atelier de conception mis en œuvre a été un dispositif intéressant pour accompagner l’activité de conception du groupe d’agriculteurs mobilisés. En effet, chacun d’eux a pu, au cours de cet atelier, réfléchir à une proposition de système de culture qu’il pourrait mettre en place, dans son exploitation, pour produire de la cameline. Plus particulièrement, il est important de préciser à nouveau que, certains d’entre eux n’avaient jusqu’alors jamais cultivé de

cameline ni participé aux différents dispositifs d’expérimentation mis en œuvre au cours de la thèse. Cependant, multiplier, au sein d’un même territoire, la réalisation d’ateliers tels que celui que nous avons décrit dans ce chapitre, soulève de nouvelles questions d’organisation : est-ce toujours le rôle de l’INRA et de chercheurs d’animer ces ateliers ? Quels agriculteurs faut-il convier ? La réalisation d’atelier avec uniquement des agriculteurs « novices » aura-t-il toujours le même intérêt ? Pour accompagner l’introduction de la cameline dans les systèmes de culture à l’échelle du bassin d’approvisionnement de la bioraffinerie se pose alors la question de comment outiller de nouveaux agriculteurs qui voudraient également introduire cette nouvelle espèce dans leurs exploitations.

L’analyse des sorties de l’atelier nous permet d’identifier les connaissances qui pourraient être mobilisées dans cette optique. Le concept de « schéma décisionnel » a été développé dans le cadre du réseau Dephy Ecophyto, dans l’objectif de produire des ressources pour l’action à partir de l’analyse de pratiques innovantes (Petit et al., 2012). Plus précisément, ces schémas permettent de représenter le système technique sous la forme d’une combinaison de techniques en interaction, destinée à répondre à un objectif (ibid.). Ainsi, en permettant de représenter à la fois la logique de l’agriculteur et la cohérence de ses choix pour piloter le système de culture et pour l’adapter à d’autres contextes, ces schémas décisionnels sont des ressources utiles et efficaces pour accompagner le changement des systèmes de culture (Reau et al., 2016). Dans le cadre du réseau Dephy, ces schémas sont utilisés pour « témoigner de systèmes de culture économes et réussis, et pour contribuer à faire adopter ces stratégies gagnantes par d’autres exploitations agricoles extérieures au réseau dans une logique de « généralisation » ». Compte tenu de ces définitions, à l’image de ces schémas décisionnels, la retranscription et le partage des fiches cultures (c’est-à-dire incluant l’analyse a posteri permettant de mettre en lumière les objectifs et les leviers mobilisés par les agriculteurs), pourrait être une ressource mobilisable, notamment par des conseillers du territoire (ou d’ailleurs), pour accompagner de nouveaux agriculteurs à introduire la cameline dans leur exploitation.

la réalisation d’arbres « fonction » reliant des objectifs à un ensemble d’options techniques permettant de les atteindre, en expliquant les processus agronomiques associés, avaient permis d’accompagner et de stimuler la conception de nouvelles associations de culture par des agriculteurs.

Ainsi, l’analyse transversale des propositions, qui nous a permis à la fois de présenter une diversité de modalités d’insertion et de conduite de la cameline et de faire émerger des fonctions attendues de cette culture, pourrait, après formalisation, être mobilisée dans des processus de conception. Enfin, dans le cadre de la transition agroécologique et de l’émergence d’un nouveau régime de conception remettant au centre l’agriculteur comme concepteur de son propre système (Salembier et al., 2018), se posent aujourd’hui des questions sur le partage des connaissances pour accompagner cette activité de conception, notamment via le développement d’outils web collaboratif (Guichard et al., 2015; Trouche et al., 2016). En se basant sur un diagnostic des usages de ces outils et plus globalement sur les ressources mobilisées par les agriculteurs et les conseillers engagés dans un processus de conception, Quinio et al. (2019) proposent trois prototypes de ressources qui pourraient être intégrés dans ces outils pour accompagner la conception : (i) des tableaux reliant des connaissances sur les cycles biologiques, les pratiques des agriculteurs et les processus fonctionnel associés, (ii) des arbres « fonction » que nous avons décrits précédemment et (iii) des schémas décisionnels. En s’appuyant sur cette analyse, il apparaît que (i) les schémas fonctionnels présentés lors du partage de connaissances, (ii) la retranscription des fiches culture et (iii) l’analyse transversale des propositions pourraient permettre d’alimenter un outil web collaboratif en vue d’outiller des agriculteurs, non plus uniquement sur le territoire de l’Oise, pour concevoir des systèmes de culture incluant de la cameline.

En conclusion, dans ce chapitre, nous avons vu que l’organisation d’un atelier de

conception, caractérisé par une conception située et un partage de connaissances uniquement locales, est une approche prometteuse pour accompagner la conception, par des agriculteurs, de modalités d’insertion et de conduite de la cameline, adaptée à leurs propres situations. Les résultats de cet atelier mettent également en évidence la diversité des possibilités d’insertion et de conduite de la cameline dans l’Oise en lien avec une diversité d’environnements rencontrés sur le territoire et différents contextes

socio-techniques. Enfin, nous avons vu que la caractérisation de cette diversité est un élément clef pour accompagner l’introduction de la cameline à l’échelle du territoire, chez d’autres agriculteurs.

Remerciements

Ce travail n’aurait jamais pu voir le jour sans la participation et la contribution active de l’ensemble des agriculteurs présents lors de l’atelier. Nous tenons donc à remercier MM. Philippe Carpentier, Pierre-Louis Carrier, Vincent Cavrois, Bruno Delacour, Hervé de Smedt, Guillaume Le Pogam, Denis Poiret, Guy Sara et Alex Vandeputte. Nous remercions également Laurence Legrand, de la chambre d’agriculture de l’Oise qui a contribué à l’organisation de cet atelier de conception. Enfin, nous remercions d’une part les membres du personnel technique de l’UMR Agronomie INRA/AgroParisTech (Arnaud Butier, Éléonore Courteau, Gilles Grandeau et Véronique Tanneau) qui ont participé à la réalisation et l’analyse des expérimentations, et d’autre part l’ensemble des personnes qui ont contribué à la production des connaissances partagées dans cet atelier, notamment Hugo Gibert et Anne-Raphaëlle Lorent dans le cadre de leur stage de fin d’études et Fabien Ferchaud pour sa précieuse aide pour les simulations avec le modèle LIXIM.

En s’appuyant sur le cas de la cameline, l’objectif de cette thèse est de proposer une démarche pour raisonner et accompagner l’introduction de nouvelles espèces dans les systèmes de culture d’un territoire, en s’intéressant particulièrement à la question de la production de connaissances sur ces espèces de diversification, souvent orphelines de recherche. Nous reviendrons tout d’abord sur cet objectif, puis nous nous intéresserons aux perspectives qu’ouvre ce travail de thèse.

1. Produire des connaissances sur une espèce de diversification dans une