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DES TRAVAILLEURS

FRONTALIERS

23. INTRODUCTION

Les marchés locaux du logement frontaliers de l’Arc jurassien français sont largement influencés par la présence de travailleurs frontaliers40. D’une manière générale, l’adéquation entre l’offre et la demande de

logement caractérise des marchés en équilibre, où globalement l’ensemble des segments du parc sont occupés, où la vacance assure la rotation d’un logement à l’autre, au gré des trajectoires résidentielles des ménages, que déterminent/accompagnent le parcours de vie (décohabitation parentale, mise en ménage, enfants, séparation/divorce, vieillissement/décès) et la carrière professionnelle. A chaque phase du parcours de vie sa demande de logement, que doit satisfaire l’offre. Or, depuis plusieurs dizaines d’années, on constate que les itinéraires résidentiels en zone frontalière sont spécifiques, avec une forte pression sur certains segments du parc, alors que les parcours de vie sont conformes aux standards (il n’y a pas plus de décohabitation, de mariages ou de divorces en zone frontalière qu’ailleurs), si on considère les données démographiques de l’INSEE, et qu’enfin, le niveau de l’emploi, fortement dépendant de la Suisse voisine, fluctue dans une tendance néanmoins haussière. Comme le relève la Mission Parlementaire sur la politique transfrontalière41 : « de nombreux dysfonctionnements affectent le développement des régions frontalières, confrontées à des fractures institutionnelles, juridiques, fiscales et sociales, et à une concurrence économique forte des pays voisins ». Les auditions

menées par la mission et les analyses convergent : les disparités constatées, assez généralement défavorables aux français travaillant en France, mettent sous tensions les marchés de l’emploi local et du logement, en ce sens que la demande de logement est forte, les loyers et le prix du foncier sont élevés (Cf. partie 5).

A l’heure actuelle, dans l’Arc jurassien frontalier français, trois faits majeurs se combinent et accentuent la pression sur certains segments du parc. Les travailleurs frontaliers recherchent toujours la proximité des points de passage vers la Suisse (cf. partie 3), avec comme corollaire des effets spatiaux notables (croissance démographique, étalement urbain, concentration de services, etc.) et le développement d’une économie résidentielle42, ici comme dans la plupart des zones frontalières où les différentiels de

salaires sont importants (cf. partie 1). Par ailleurs, en relation avec la problématique du fonctionnement des marchés locaux du logement transfrontaliers, le pouvoir d’achat des travailleurs frontaliers, plus important que celui des travailleurs nationaux, entraîne un impact sur les trajectoires résidentielles, notamment en ce qui concerne le temps d’accession à la propriété (notablement réduit), mais également sur les prix d’achats des biens immobiliers (cf. partie 6), le niveau des loyers, la disponibilité de logements sur certains segments. Enfin, la forte progression du nombre de travailleurs frontaliers depuis le début des années 2000 (+ 126 % en 15 ans)43 contribue à accroître la pression de la demande sur

certains segments de parc, particulièrement recherchés par ces catégories de populations.

40 Moine A., 1995, « « Modélisation de la demande de logements en zone frontalière : Un outil d’aide à la décision

appliqué au marché local de Morteau (Doubs) », Thèse, université de Franche-Comté.

41 Blanc E., Keller F., Sanchez-Schmidt M-T., 2010, « Mission parlementaire sur la politique transfrontalière », Rapport

de mission, La Documentation Française, 72 p. http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports- publics//104000399/0000.pdf

42 « Le point sur la zone d’emploi de Morteau », Hors-série Novembre 2011, EFIGIP, 6 p.

Il nous est donc apparu important d’engager une enquête afin de mieux cerner les comportements résidentiels de cette frange spécifique de la population franc-comtoise, d’autant plus que ce type d’analyse en relation avec les trajectoires résidentielles de populations spécifiques en zones frontalières n’existe pas en France44. Les résultats obtenus doivent être systématiquement mis en perspective avec

les autres modules développés dans cette étude qu’ils permettent très souvent d’illustrer. Il s’agit au travers de cette enquête de comprendre dans quelle mesure le statut de travailleur frontalier influence la demande de logement, au travers du statut du ménage que cela implique45, et de quelle manière. De

nombreuses interrogations pèsent, par exemple, sur les types de logements plébiscités par les frontaliers, sur le budget accordé au logement, mais aussi sur l’attrait que pourrait représenter un éventuel déménagement vers la Suisse, afin de se rapprocher du lieu de travail. A partir des enquêtes administrées, nous avons procédé à des tris à plat qui nous donnent des informations générales, puis à des tris croisés afin de cerner les facteurs pouvant influencer les comportements résidentiels des frontaliers (par exemple, l’âge, le niveau de diplôme, etc.).

L’enquête s’est déroulée en 2010 entre le 21 juin et le 02 août. Au total 3 800 questionnaires ont été adressés à des frontaliers résidant dans les départements du Doubs, Jura et Territoire-de-Belfort, dont :  3 000 adhérents à l’Amicale des Frontaliers qui a procédé à leur sélection en fonction de l’âge et de

la composition du ménage (échantillonnage préalable) ;  800 adhérents au Groupement Transfrontalier Européen.

Ces deux organismes ont été sollicités, ils constituent en effet un point d’enregistrement presque incontournable des frontaliers par le biais de leur affiliation à une complémentaire santé. Dans l’Arc jurassien, les frontaliers sont quasi-exclusivement affiliés à l’Amicale des Frontaliers ou au Groupement Transfrontalier Européen qui constituent donc des partenaires très importants pour accéder aux listings nécessaires aux envois des enquêtes.

Cette enquête se découpe en six parties :  Le profil des ménages enquêtés ;

 Le lieu et les caractéristiques de la résidence ;

 Les raisons du déménagement ayant amené à l’occupation du logement actuel ;  Le projet futur ;

 Les déterminants d’un éventuel déménagement en Suisse ;  Les pratiques de mobilités.

L’enchaînement des questions nous a permis de retracer une forme d’itinéraire résidentiel prolongé par les projets envisagés. En nous interrogeant sur les déterminants possibles d’un déménagement en Suisse, nous avons souhaité mesurer la tendance autour d’une possible relocalisation de certains frontaliers en Suisse.

Au total, 444 retours d’enquête ont été enregistrés, soit un taux de réponse de 11,7 %. Ce taux est en deçà des taux traditionnellement enregistrés (20 %) et s’explique notamment de deux manières : une certaine lassitude des frontaliers fréquemment interrogés par les médias ou dans le cadre d’enquêtes

44 Authier J-Y. et al., 2010, « Etat des lieux sur les trajectoires résidentielles », PUCA, 85 p.

telles que la nôtre ; l’ajout de questions relatives à la mobilité relativement complexes a certainement péjoré le taux de répondants.

24. LE PROFIL DES FRONTALIERS ENQUÊTÉS

Il est indispensable dans un premier temps de caractériser les ménages qui ont répondu à notre enquête, et de voir dans quelle mesure ils s’écartent du profil régional. En effet, les travailleurs frontaliers forment des populations spécifiques du fait de leur haut niveau de salaire et de leur relative spécialisation dans certains secteurs économiques. Ainsi une récente étude de l’OSTAJ46 caractérise les

travailleurs frontaliers de l’Arc jurassien qui se distinguent nettement d’un actif franc-comtois : ils sont plus jeunes, plus souvent ouvriers et travaillent majoritairement dans l’industrie, en particulier dans l’horlogerie. Comme cela a été montré dans le cadre du module 1, nous posons l’hypothèse que des comportements résidentiels spécifiques peuvent être mis en relation avec ces caractéristiques.

24.1.

Description et précision de la situation familiale

24.1.1. Majoritairement des hommes répondant…

Près des 2/3 des personnes ayant répondu à l’enquête sont des hommes (64 %), 31 % sont des femmes, 3 % ont répondu en couple au questionnaire (homme et femme) et 2 % n’ont pas répondu à cette question.

Graphique 1 : Genre des répondants

46OSTAJ, 2011, « Portrait du travailleurs frontalier comtois », Publication de l’Observatoire Statistique de l’Arc jurassien,