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DEUXIÈME PARTIE : LES FLUX RESIDENTIELS DE FRANCE VERS

7. INTRODUCTION 1 Questionnement

Cette partie est consacré aux flux résidentiels transfrontaliers, soit aux ménages qui ont choisi de franchir la frontière de France vers la Suisse afin d’y établir leur domicile. La partie suivante reprend le même questionnement et reprend une structure identique pour les flux de Suisse vers la France.

Cinq grands thèmes structurent plus particulièrement l’analyse des flux résidentiels transfrontaliers : le profil des ménages, leurs trajectoires, leurs motivations, le processus de choix et, finalement, le rôle de la frontière (Tableau 1).

Thèmes Questions de recherche

Ampleur Quelle est l’ampleur des flux résidentiels transfrontaliers ?

Profil Quel est le profil des personnes qui déménagent de l’autre côté de la frontière ?

Trajectoires

Quelle est la trajectoire géographique des personnes concernées (communes de provenance et communes de destination) ? Comment évoluent les conditions d’habitation avec le franchissement de la frontière (statut d’occupation, taille des logements, etc.) ?

Motivations Quelles sont les motivations à la base de ces choix résidentiels ? Où les migrants ont-ils

recherché un logement ? Leur choix résidentiel est-il stable ?

Processus de choix Comment les ménages ont-ils récolté les informations nécessaires et comment ont-ils pris

leur décision ?

Rôle de la frontière

Quels sont les différentiels, entre les deux pays, ayant induit le franchissement de la frontière ? Quelles activités sont conservées par les ménages de l’autre côté de la frontière ? Quelles sont les difficultés liées au passage de la frontière et de quelle manière celui-ci est-il perçu ?

Tableau 19 : Aspects analysés relatifs aux caractéristiques des ménages franchissant la frontière

Avant de présenter les méthodes et la démarche adoptées, il est nécessaire de préciser le sens de certains termes utilisés dans les questions qui structurent ce travail. S’agissant en premier lieu de l’examen du profil, il convient de rappeler que tout phénomène migratoire constitue un processus doublement sélectif. Selon ses caractéristiques économiques, sociales ou démographiques, un individu est plus ou moins susceptible de changer de domicile mais également de d’installer dans un contexte résidentiel donné. Ainsi, différentes variables permettant de comprendre le profil des migrants sont examinées au cours de ce chapitre. Celles permettant d’appréhender la position des migrants dans leur parcours de vie (âge, type et taille de ménage) sont tout d’abord traitées. L’intérêt est ensuite porté sur les variables permettant de définir le statut socio-économique des individus comme le niveau de formation par exemple. Finalement, l’origine nationale et le lieu de travail sont étudiés afin de compléter l’analyse du profil des migrants.

En second lieu, l’étude des trajectoires des ménages doit permettre de replacer plus finement le choix résidentiel dans le parcours de vie (une suite de positions résidentielles n’est pas le fait du hasard mais s’enchaîne selon un ordre intelligible). Dans cette perspective, trois aspects sont examinés : le type de

domicile (domicile principal, bi-résidentialité, etc.), la trajectoire géographique (ancien et nouveau lieux de domicile) et la trajectoire résidentielle (caractéristiques des logements précédent et actuel).

Nous nous penchons ensuite sur les motivations des ménages afin de déterminer la combinaison des facteurs influençant leur décision de déménager. Le choix résidentiel est un phénomène complexe du fait de la pluralité d’éléments qui le façonne. Ainsi, une transition dans le parcours de vie, un changement dans la vie professionnelle, des critères d’ordre économique ou financier, des éléments liés au cadre de vie ou à la localisation, les caractéristiques liées au logement ou encore des aspects personnels sont susceptibles d’influer sur le choix des ménages. Ces différents types de motivations et la façon dont ils se combinent dans le contexte transfrontalier sont ainsi identifiés. Deux autres aspects, qui offrent un regard supplémentaire sur les motivations, sont étudiés : le périmètre au sein duquel les migrants ont cherché à s’installer (aire de prospection) et la stabilité de leur choix résidentiel (éventuels projets de déménagement).

Déménager de l’autre côté de la frontière implique, même sur une courte distance, un changement de contexte institutionnel et les différences entre les deux côtés de la frontière peuvent être importantes (caractéristiques et fonctionnement du marché immobilier, du système scolaire, de système fiscal, etc.). Nous nous intéressons donc au processus de choix opéré par les personnes franchissant la frontière franco-suisse. Il s’agit de comprendre la façon dont les migrants récoltent les informations nécessaires à leur projet et comment ils prennent leurs décisions dans un contexte d’incertitude (en tenant compte ou non de la variation du taux de change par exemple).

Finalement, l’étude du choix résidentiel des migrants est complétée par une réflexion sur le rôle de la frontière. Nous nous penchons, entre autres, sur les activités que les migrants ont conservé de l’autre côté de la frontière, sur les difficultés auxquelles ils ont fait face en franchissant cette dernière ou encore sur la signification d’un tel déménagement.

7.2. Méthode et démarche

7.2.1. Périmètre et population étudiés

Du côté helvétique, l’analyse se focalise sur les migrants arrivés récemment de France (quelle que soit leur nationalité) et s’étant installés dans l’une des communes du canton de Neuchâtel. Le recours à des statistiques officielles permet de donner des indications sur l’importance de ce type de migration dans les autres régions du pays et notamment dans l’arc jurassien.

Deux types de flux de population sont ainsi appréhendés dans ces deux périmètres. Tout d’abord, les flux résidentiels transfrontaliers entre le département du Doubs et le canton de Neuchâtel, qui se déroulent sur de relativement courtes distances (le bassin de vie peut rester le même). Ensuite, les flux migratoires entre les autres régions françaises et le canton de Neuchâtel. Dans ce cas, les distances parcourues sont plus longues et le bassin de vie change (que le migrant choisisse de s’installer d’un côté ou l’autre de la frontière).

7.2.2. Statistiques officielles

Les flux résidentiels transfrontaliers sont relativement peu connus et peu documentés. Il est ainsi difficile de les quantifier précisément. Différentes sources statistiques ont été mobilisées afin de donner un ordre de grandeurs à ces phénomènes.

La statistique de la population (PETRA), élaborée par l’OFS, présente la structure des effectifs de la population résidante étrangère au 31 décembre de chaque année ainsi que celle des mouvements de cette même population enregistrés durant l’année civile. Il est à noter que les binationaux possédant la nationalité suisse ne sont pas intégrés à cette source. S’agissant des effectifs, la statistique est établie à l'aide d’un bilan démographique. Celui-ci consiste à déterminer l'effectif de la population le 31 décembre d'une année donnée en ajoutant à l'effectif du 1er janvier de la même année les naissances et les arrivées survenues cette année-là et en en déduisant les décès, les départs et les acquisitions de la nationalité suisse. PETRA est basée sur l’exploitation du Registre central des étrangers (RCE), du Registre des diplomates étrangers (ORDIPRO), du Registre des requérants d’asile (AUPER) et sur les résultats de la statistique du mouvement naturel de la population (BEVNAT).

Nous avons également eu recours à des statistiques fournies par les Villes de La Chaux-de-Fonds et du Locle sur l’ensemble des mouvements (arrivées et départs) avec la France et ceci quelle que soit la nationalité. Ces données permettent de compléter PETRA qui fournit les mouvements de ressortissants français quelle que soit leur provenance.

7.2.3. Entretiens

Les entretiens semi-directifs ont été privilégiés car ils présentent l’avantage de traiter en profondeur toutes les questions de recherche exposées précédemment, en particulier celle abordant la question des motivations à la base du déménagement et des arbitrages opérés par les ménages lors de leur prise de décision.

La première étape a consisté à définir la population-cible. En ce qui concerne les migrations de France vers la Suisse, il a été décidé d’étudier les ménages s’étant installés dans le canton de Neuchâtel entre 2007 et 2009. La limite temporelle a été fixée de sorte à prendre en compte des migrants récemment arrivés en Suisse (et non ceux qui y sont installés depuis longtemps) et qui ont pris leur décision alors que l’accord sur la libre circulation des personnes était déjà entré en vigueur.

Les coordonnées des personnes répondant à ces critères ont été fournies par le Contrôle des habitants des différentes communes neuchâteloises11. La démarche adoptée consistait à envoyer à des migrants

un courrier présentant l’enquête puis à les contacter par téléphone afin de proposer un rendez-vous. Les premières démarches ont été effectuées sur la base des fichiers des Villes du Locle et de La Chaux-de- Fonds et ont permis de réaliser deux constats. D’une part, la population étudiée se caractérise par une grande diversité de profil et de provenance. D’autre part, une importante proportion n’est pas répertoriée dans les pages blanches (en raison du caractère récent de leur installation et de la diffusion du téléphone portable qui rend la ligne fixe optionnelle), ce qui empêchait de prendre contact pour fixer une entrevue. Devant ce double constat, il a été décidé d’envoyer un questionnaire à l’ensemble des

nouveaux arrivants en provenance de France (voir 7.2.4) afin de quantifier les différents profils, de récolter des coordonnées (numéros portables ou adresses électroniques) et de cibler le choix des interlocuteurs pour couvrir les différents cas de figure12.

Sur cette base, des entretiens ont été menés entre le 24 mars et le 29 juin 2010 avec vingt migrants. Ces derniers ont été sélectionnés en fonction de leur provenance, de leur lieu de domicile, du type de ménage, de leur âge et de leur sexe afin d’obtenir un échantillon reflétant la diversité de cette population (Tableau 20). Tous les entretiens ont été enregistrés – à l’exception d’une personne qui n’a pas donné son accord – et retranscrits.

Les entretiens étaient structurés en quatre parties. Les deux premières étaient composées de questions générales sur le ménage (année d’emménagement, caractéristiques de chaque membre du ménage, etc.) ainsi que sur sa trajectoire géographique et résidentielle. L’entretien était ensuite orienté sur des questions plus ouvertes portant sur les motivations résidentielles (facteur ayant encouragé le déménagement) et le processus de choix (recherche d’information, calcul comparatif, etc.).

Pseudo-

nyme Lieu de domicile Type de ménage Âge Sexe Provenance Lambert La Chaux-de-Fonds Personne vivant seule 40 Masculin Doubs

Neila Neuchâtel Couple sans enfant 50 Féminin Doubs

Leslie Le Locle Couple sans enfant 40 Féminin Doubs

Lionel Littoral Personne vivant seule 35 Masculin Doubs

Laurent La Chaux-de-Fonds Couple avec enfant(s) 50 Masculin Doubs

Laila La Chaux-de-Fonds Couple sans enfant 30 Féminin Doubs

Léo Le Locle Personne vivant seule 25 Masculin Doubs

Léandre Le Locle Personne vivant seule 30 Masculin Doubs

Lenny Le Locle Couple sans enfant 30 Masculin Doubs

Laurence La Chaux-de-Fonds Personne seule avec enfant(s) 45 Féminin Doubs

Léonie Le Locle Personne vivant seule 50 Féminin Doubs

Leonard Le Locle Personne vivant seule 25 Masculin Doubs

Nelson Neuchâtel Colocation 40 Masculin Reste de la France

Lara La Chaux-de-Fonds Couple avec enfant(s) 35 Féminin Reste de la France

Valentin Val-de-Ruz Couple avec enfant(s) 40 Masculin Reste de la France

Larry La Chaux-de-Fonds Colocation 25 Masculin Reste de la France

Lancelot La Chaux-de-Fonds Couple sans enfant 30 Masculin Reste de la France

Nelly Neuchâtel Personne vivant seule 40 Féminin Reste de la France

Nestor Neuchâtel Couple sans enfant 35 Masculin Reste de la France

Valériane Val-de-Travers Personne vivant seule 60 Féminin Reste de la France Tableau 20 : Présentation des migrants interrogés s’étant installés dans l’Arc jurassien en provenance de France13

12 Nous avons également essayé de récolter des contacts au fur et à mesure des entretiens effectués. Toutefois, aucune des personnes interrogées n’a pu nous rediriger vers de nouveaux interlocuteurs. Ceci montre que les migrants en provenance de France ne constituent pas une communauté aux liens très forts.

7.2.4. Questionnaire

La décision de l’envoi d’un questionnaire aux personnes ayant emménagé entre 2007 et 2009 dans le canton de Neuchâtel découle, comme nous l’avons déjà mentionné, de deux constations : la grande variété de profils des migrants (difficile à appréhender uniquement par des entretiens alors qu’une enquête par questionnaire permet de quantifier les différentes catégories) et la difficulté de pouvoir contacter cette population par téléphone. Concernant ce dernier point, un encart dans le questionnaire laissait la possibilité aux personnes intéressées à accorder un entretien d’inscrire leur numéro de téléphone ou leur adresse électronique. Cette démarche a relativement bien fonctionné puisque 67 personnes, sur les 230 questionnaires reçus (soit une proportion de 23.13%), ont transmis leurs coordonnées.

Bénéficiant de l’autorisation du Préposé cantonal à la gestion de l’information, nous avons envoyé un courriel à toutes les communes du canton en mai 2010 et leur avons demandé de nous fournir une liste des nouveaux arrivants, en provenance de France entre 2007 et 2009. Au total, 45 communes, sur les 53 que compte le canton, nous ont fourni les listes demandées et huit n’ont pas donné suite à notre sollicitation. Ces dernières ont toutefois un poids marginal, les communes ayant répondu représentant, en 2008, 96.38% de la population résidante cantonale et 97.25% des Français s’étant installés dans le canton (quelle que soit leur provenance) lors de la même année.

L’envoi des questionnaires a été effectué entre le 7 mai et le 29 juin 2010, soit au fur et à mesure de la réception des listes d’adresses transmises par les communes. L’objectif principal étant de récolter des données sur les profils des migrants, le questionnaire était court (une douzaine de question). En tout, 1'024 ménages ont reçu le questionnaire sur 1'269 envois effectués (Tableau 21). En effet, 246 questionnaires ont été retournés par La Poste car le destinataire ne résidait pas à l’adresse fournie par la commune. Cet important retour ne concerne que deux communes, ce qui laisse penser qu’il est dû davantage à une erreur dans les fichiers transmis qu’à une mobilité importante de cette population. A la suite de ces envois, nous avons obtenu un taux de réponse global de 22.50%14, ce qui est

acceptable mais peu élevé. Une différence marquée est à relever entre le taux de réponse de la région urbaine de Neuchâtel (28.13%) et celui des Montagnes neuchâteloises (16.08%)15. La première

13 Afin de garantir l’anonymat des personnes interrogées, les noms des communes où elles résident ne sont pas mentionnés. Seule figure la région à laquelle appartient la commune. Par contre, les trois villes (La Chaux-de-Fonds, Le Locle, Neuchâtel), sont affichées telles quelles puisqu’elles sont d’une taille suffisamment grande pour qu’aucun des migrants rencontrés ne puisse être identifié. Un pseudonyme a en outre été attribué aux migrants en fonction de leur lieu de domicile et de leur sexe. Pour faciliter et alléger la lecture de citations insérées dans le présent chapitre, les deux premières lettres de chaque pseudonyme correspondent aux deux premières lettres de leur commune de domicile (par exemple, Larry est un homme habitant La Chaux-de-Fonds et Nelly une femme résidant à Neuchâtel).

14 Deux questionnaires, arrivés après la fin du codage, n’ont pas été pris en compte.

15 Pour affiner l’analyse, le canton de Neuchâtel a été divisé en deux entités territoriales distinctes. La région urbaine de Neuchâtel regroupe les communes des districts de Neuchâtel, de Boudry et du Val-de-Ruz. Le Haut du canton, quant à lui, rassemble les communes des districts de La Chaux-de-Fonds, du Locle et du Val-de-Travers. Pour faciliter la lecture des différents tableaux et graphiques, seule l’appellation « Montagnes neuchâteloises » sera conservée (qui correspond aux deux premiers districts). En effet, il y a relativement peu de personnes s’étant installées dans le Val-de-Travers en provenance de France. Selon la base de données PETRA de l’OFS, on recense l’arrivée de 45 personnes de nationalité française en 2008 (sur un total cantonal de 1'566, soit une proportion de 2.87%). De plus, lors de notre enquête par questionnaire, seuls douze ménages ont pu être identifiés, ce qui représente un effectif trop faible pour un traitement ad hoc.

explication pouvant être avancée pour expliquer le meilleur taux de réponse dans le bas du canton réside dans le plus haut niveau de formation des répondants (voir 9.3). A l’opposé, une relative « stigmatisation » des nouveaux résidents français et des frontaliers dans le Haut a pu retenir certains migrants de participer à l’enquête. En effet, il apparaît que les Montagnes neuchâteloises sont davantage touchées par le phénomène des travailleurs frontaliers et que le débat y relatif est plus présent. Finalement, les questionnaires retournés étaient dans l’ensemble de bonne qualité et aucun n’a dû être exclu de l’analyse.

Région Envois Destinataires introuvables

A prendre en

compte Reçus

Taux de réponse

Région urbaine de Neuchâtel 573 29 544 153 28.13%

Montagnes neuchâteloises 696 218 478 77 16.11%

Total 1269 247 1022 230 22.50%

Tableau 21 : Taux de réponse du questionnaire envoyé aux ménages ayant migré de France vers le canton de Neuchâtel (2007-2009)