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DEUXIÈME PARTIE : LES FLUX RESIDENTIELS DE FRANCE VERS

8. A MPLEUR DES FLU

11.2. Déménagement induit par un nouvel emplo

Nous l’avons vu, le déménagement induit par un nouvel emploi est le cas le plus fréquent. Ce type de migration touche en grande majorité des individus en provenance d’une région éloignée de la frontière helvétique (Tableau 38). Il peut être le résultat d’une stratégie délibérée de trouver un emploi en Suisse ou d’une opportunité pas forcément anticipée. De tels mouvements sont parfois facilités par des intermédiaires (entreprises implantées dans les deux pays, agences de placement, etc.).

Ainsi, dans certains cas, le déménagement est le fruit d’une recherche active ou d’une volonté particulière de la part du migrant de travailler en Suisse :

J’ai pris en compte les possibilités d’emploi, … je suis venu en Suisse pour rechercher du travail avant

tout…Léo

Je recherchais du travail … et je visais avant tout l’Allemagne, le Luxembourg et la Suisse. Nelly

Pour d’autres migrants, il s’agit davantage d’une opportunité professionnelle qui leur est apparue à un moment donné. Un stage de fin d’étude réalisé dans une grande entreprise établie en Suisse peut, par exemple, déboucher sur un poste de travail :

Moi, ça vient principalement de l’école. En dernière année, on doit faire un stage. Il s’est avéré que le responsable de ma filière avait des contacts avec [une entreprise horlogère] et il avait l’habitude d’y placer des stagiaires chaque année. J’ai eu la chance de faire ce stage de fin d’études chez XXX. C’est une grande entreprise qui est intéressante et de renommée. C’est la raison pour laquelle je suis venu ici. Je ne pensais pas spécialement travailler dans l’horlogerie à la base parce que quand j’ai entamé mes études de mécanique, c’était pour travailler dans l’automobile. … Je voulais en tout cas partir de la région parisienne. Mais après je ne

savais pas du tout où aller. J’ai eu la chance de pouvoir postuler ici et cela s’est bien passé. Ensuite, j’ai eu la possibilité, après mon stage, de pouvoir être embauché et de pouvoir rester ici. Larry

Certains migrants travaillant pour des sociétés internationales établies à la fois en France et en Suisse ont, dans certains cas, des possibilités de promotions internes qui peuvent les amener à déménager :

C’est la carrière de ma femme en fait. Parce je n’aurais jamais pensé bouger. Je suis né à Paris et je n’aurais jamais pensé quitter Paris. Ma femme venait souvent à Neuchâtel dans le cadre de son travail et un jour on lui a proposé un poste … Donc je me suis dit pourquoi pas, on verra bien. Nestor

Les agences de placement et de recrutement peuvent également faciliter la recherche d’emploi d’individus souhaitant travailler en Suisse sans perspective professionnelle précise :

Je suis venu ici quelques jours chez mon ami à Neuchâtel et j’ai déposé mes CV dans des agences de placement. Le lundi d’après, on m’a dit « tu travailles » et j’ai trouvé un appartement dans la semaine. On m’a

ouvert des portes ici que jamais on ne m’aurait ouvertes ailleurs. … J’ai déposé des CV auprès des agences et

j’aurais pris n’importe quoi. Au départ j’ai même fait du ménage pendant 15 jours. J’ai remplacé quelqu’un. Après j’ai travaillé pour [une grande surface]. Et ensuite, j’ai travaillé pendant deux ans pour XXX où je faisais les cartes bancaires. Lancelot

La volonté de travailler en Suisse répond à différentes motivations au premier rang desquelles se trouvent des questions d’ordre financier. Le différentiel de salaire, et partant de pouvoir d’achat, de part et d’autre de la frontière est ainsi évoqué par les migrants :

Et puis, il y a aussi d’un point de vue salarial. Moi je le constate avec les amis qui sont sortis de ma promotion. Ils n’ont pas les facilités que j’ai. Moi je viens d’acheter une voiture par exemple. Il n’y a pas de souci. J’ai des copains, quand il faut faire des prêts, ils sont très vite limités alors qu’ils sont peut-être en couple. Même s’ils sont ingénieurs, ils sont quand même en train de galérer. Larry

… le pouvoir d’achat est plus élevé. Je ne vais pas aller en Espagne ou en Grèce. Oui, j’ai envie de bien

gagner ma vie … Il faut que j’aille au charbon et que cela soit rentable. Nelly

D’autres facteurs, comme la reconnaissance des diplômes, sont également cités. Certains jeunes diplômés voient leurs possibilités d’évolution professionnelle réduites en France car ils ne sont pas issus d’une école réputée. Les entreprises helvétiques seraient plus intéressées par le titre obtenu que par l’école qui l’a délivré et il serait plus aisé de s’insérer sur le marché du travail suisse au sortir des études et selon les secteurs21 :

Je n’ai pas une vision très positive du métier d’ingénieur en France. En fonction de l’école d’où l’on sort, on est déjà mis dans une grille et cela limite énormément les possibilités d’évolution ou la reconnaissance qu’on peut avoir par rapport à notre travail. C’est vraiment le cas des grandes boîtes dans l’automobile. En fonction de l’école d’où l’on sort, on a des problèmes. Même si je ne suis pas carriériste dans l’esprit, j’ai quand même évolué dans un milieu où je me sens bien en Suisse et alors qu’en France… c’est difficile. Cela me bloquait un peu. Larry

Le fait de venir travailler en Suisse peut également s’expliquer par un désaccord avec la culture d’entreprise française, celle-ci étant perçue comme trop laxiste :

Je ne peux pas travailler en France. La culture d’entreprise française ne me correspond pas. Je suis peut-être un peu trop germanique par mon éducation mais il y a des choses bien structurées à respecter] et la France n’est

pas encore mûre pour cela. Il y a une culture d’entreprise qui ne me convient absolument pas. … Je m’étais dit

que tant que je n’avais pas travaillé en France, je n’avais pas le droit de critiquer. Donc je me suis octroyée la possibilité d’en faire l’expérience et j’ai travaillé quatre ans en France, après dix ans en Allemagne ….

Maintenant je peux dire en toute objectivité que cela ne me correspond pas… Nelly

21Précisons que cet avis n’est pas partagé par tous les migrants comme le montre ce commentaire ajouté à un questionnaire : « Mentalité des employeurs vis-à-vis des travailleurs étrangers. Très mal considéré malgré les compétences ». Les études sur la migration montrent en effet en général l’existence de difficultés en termes de reconnaissance des titres dans le pays d’accueil.

Finalement, un problème particulier se pose aux ressortissants d’Etats tiers résidant en France et désireux de travailler en Suisse car ceux-ci ne peuvent acquérir que très difficilement le statut de frontalier. En effet, l’accord sur la libre circulation des personnes concerne en principe uniquement les ressortissants européens (originaires d’un pays appartenant à l’UE ou à l’AELE). Les ressortissants des Etats tiers n'obtiennent une autorisation frontalière que s'ils remplissent plusieurs conditions (disposer d'un droit de séjour durable dans l'un des pays voisins de la Suisse, séjourner depuis au moins six mois dans la zone frontalière, etc.)22. Dans la pratique, l’employeur est dans l’obligation de passer une

annonce dans la presse et de communiquer le poste vacant à l’office cantonal pour l’emploi. Dès lors que l’employeur parvient à démontrer une pénurie de spécialistes sur les marchés du travail suisses et européens, la demande peut être acceptée. De plus, l’autorisation initiale n’est valable qu’une année, pour la zone frontalière du canton qui a délivré l’autorisation et pour l’emploi en question23. Les

démarches administratives sont donc longues et fastidieuses tant pour les employeurs que les employés potentiels. Ainsi, certains ressortissants d’Etats tiers vivant en France décident de s’installer en Suisse afin d’obtenir un emploi :

En fait, comme je suis de nationalité extra-européenne, je n’avais pas le droit d’habiter en France et de travailler en Suisse. C’est illégal. Auparavant, j’avais postulé en Suisse, sans savoir que c’était illégal. J’ai été accepté chez XXX et, au moment où ils ont lancé les démarches, ils m’ont dit que je ne pouvais pas avoir de permis frontalier en habitant en France et en étant extra-européenne.… Donc comme je ne trouvais pas de travail

dans mon domaine en Franche-Comté, on a décidé de déménager en Suisse pour avoir ce poste. Mes employeurs ont attendu le temps qu’on s’installe au Locle. … j’ai fait de longues études et je tenais

impérativement à rester dans mon domaine. Lenny