• Aucun résultat trouvé

DEUXIÈME PARTIE : LES FLUX RESIDENTIELS DE FRANCE VERS

8. A MPLEUR DES FLU

11.4. Déménagement lié aux trajets domicile-travail

La volonté de réduire le temps de parcours entre le lieu de domicile et le lieu de travail constitue une motivation importante à emménager en Suisse pour les anciens frontaliers. Les personnes en provenance du département du Doubs sont, pour rappel, 30.95% à avoir cité ce facteur dans notre enquête par questionnaire

Pour les anciens frontaliers que nous avons rencontrés, la volonté de réduire la durée des trajets est motivée par la quête d’une meilleure qualité de vie. Les trajets en voiture sont en effet perçus comme une perte de temps :

La motivation était de me rapprocher de mon travail surtout. Car une demi-heure le matin, une demi-heure le

soir, en été, et donc en hiver cela peut doubler, pour moi c’était une énorme perte de temps. … vous savez j’ai

pris mon véhicule pendant de nombreuses années pour venir au travail alors j’avais vraiment envie de pouvoir aller au travail à pied ou en vélo tout simplement. Donc moi cela a tout de suite été La Chaux-de-Fonds pour me rapprocher de mon travail. Lambert

Je dirais les kilomètres … et franchement j’en ai assez faits. Parce qu’avant de travailler à La Chaux-de-Fonds,

je travaillais à Sonceboz mais j’habitais Valdahon. Donc je ne sais pas si vous voyez un petit peu. Je faisais cela tous les jours. Petit à petit, je me suis rapprochée pour faire Villers-le-Lac - La Chaux-de-Fonds et puis ensuite Maîche - La Chaux-de-Fonds et quand on a décidé de chercher un logement, on s’est dit que la meilleure chose à faire, c’était d’arrêter de faire ces courses. Leslie

Alors la grande motivation c’était quand même les trajets qui commençaient à me peser notamment à cause

des horaires de travail qui ne sont pas toujours faciles dans l’informatique puisqu’on peut être amené à travailler le soir ou le week-end. Lionel

Pour les personnes citant ce type d’arguments, ce n’est pas seulement la durée des trajets en tant que telle qui est mentionnée. Cette dernière va de pair avec l’impression de perdre son temps. La réduction des trajets est alors une manière d’augmenter la qualité de vie. Se rapprocher de son lieu de travail permet de consacrer davantage de temps aux loisirs et aux activités personnelles mais aussi au repos et ainsi d’éviter la fatigue et la nervosité des longs trajets en voiture25 :

Moi, je préfère passer mon temps à bouquiner dans mon jardin que dans ma voiture. Leslie

Quand je faisais Valdahon-Le Locle, cela faisait plus de 45 minutes de transport pour un aller simple. Donc par jour c’était énorme. Pour moi, j’ai gagné beaucoup en habitant au Locle parce que j’ai moins de transport… et en termes de sommeil j’ai gagné plusieurs heures. Lenny

Et il y a le confort de vie quand même. Donc je préfère avoir cela et puis ma foi donner un peu plus à l’Etat. Tant pis. Et cela veut dire être moins fatigué, être moins en danger aussi car lorsqu’on est sur la route tous les jours...

Leslie

De plus, certains frontaliers de longue date se sont progressivement constitués des groupes d’amis autour de leur lieu de travail. De fait, à la suite d’un glissement progressif des cercles de connaissances du côté de la frontière suisse, il devient de plus en plus difficile de gérer de longs déplacements :

25La durée des déplacements ne dépend pas uniquement de la distance kilométrique entre les lieux de domicile et les lieux de travail. Il convient en effet de souligner les importants embouteillages occasionnés par les flux frontaliers et qui augmentent sensiblement la durée du trajet lors des heures de pointe. Il s’agit, par exemple, de ce qui est surnommé le « serpent » de voitures entre Le Crêt-du- Locle (La Chaux-de-Fonds) et Le Col-des-Roches (Le Locle).

Pour moi, ce qui était vraiment primordial, c’était 1h30 de perdu par jour ! Et puis d’être là avec mes amis et de pouvoir en profiter, c’était important. Lambert

A la constitution d’un nouveau cercle d’amis s’ajoute très souvent la pratique d’activités de loisirs du côté suisse de la frontière :

Et puis tout ce qu’il en suit, le théâtre, les cinémas, les espaces culturels, les associations auxquelles je me suis inscrit… Donc j’ai voulu me rapprocher de mon travail pour pouvoir vivre un peu plus et profiter du temps. C’est la raison primordiale on peut dire. Lambert

Si l’on ajoute à cela toutes les activités que j’ai dans la région, j’avais l’impression de rentrer juste à la maison pour dormir. Lionel

… quand j’étais à Maîche je ne faisais plus rien et là, c’est bien d’être tout près de La Chaux-de-Fonds et

même du Locle car il y a pas mal d’activités. C’est pratique pour cela. Maintenant, je sors du travail et je vais à mes cours d’aquagym directement après, ce qui est plus difficilement faisable lorsqu’on habite en France. Et tout cela je le fais à La Chaux-de-Fonds. Donc c’est vrai que c’est confortable. Leslie

Notons que, pour les personnes interrogées, les coûts inhérents aux déplacements n’apparaissent pas comme une motivation déterminante dans la décision de migrer. Le calcul de l’économie réalisée sur l’achat d’essence, par exemple, se fait souvent après avoir déménagé mais n’est pas vraiment pris en compte lors de la prise de décision. La qualité de vie prime pour les migrants désirant se rapprocher de leur lieu de travail :

Maintenant je suis à 5 minutes de mon lieu de travail et mon copain à 10 minutes. Alors on gagne de l’argent mais ce n’est pas très important. On gagne surtout du temps. Laila

Finalement, outre la réduction de la durée des trajets et l’amélioration de la qualité de vie qui en résulte (en termes de temps à consacrer aux loisirs, aux amis, au repos), un troisième élément peut se révéler déterminant dans la décision de s’installer en Suisse : la qualité médiocre de l’offre en transports publics entre la Suisse et la France. Celle-ci s’exprime par une fréquence insuffisante pour permettre à des pendulaires d’utiliser le train pour se rendre au Locle ou à La Chaux-de-Fonds mais aussi par le fait que les horaires de part et d’autre de la frontière ne sont pas suffisamment coordonnés :

Ici, tu vas partout. Tu as le train pour Neuchâtel toutes les demi-heures. Même ici les bus pour aller en centre- ville, c’est toutes les dix minutes et c’est quand même bien. … Je n’aimais pas Morteau. Je trouvais que c’était

perdu au milieu de rien… Si tu n’as pas de voiture, tu as seulement trois trains pour sortir du village . Nelly

Il y a deux trains le matin, ensuite il y a un train qui part de Morteau à 11h30…mais qui ne repart pas de La Chaux-de-Fonds après. Il repart à 16h. Ensuite, il y a ceux de 17h, 18h et 20h qui partent de Suisse. Alors au milieu de la journée tu es coincée. Laila]

Le soir, il y en a trois trains. Il y en un qui arrive de Fontainemelon au Locle à 16h05 et le train qui va à Morteau

part à 16h00. Donc les correspondances ne sont pas vraiment adaptées…Léandre

La grande majorité des frontaliers utilisent leur véhicule personnel pour se rendre sur leur lieu de travail (voir le chapitre 29). Pour nombre d’entre eux, les trajets quotidiens semblent être compensés par d’autres éléments (pouvoir d’achat élevé, accession à la propriété, etc.). Pour d’autres en revanche, cette dépendance vis-à-vis de l’automobile engendre un certain nombre de désagréments exposés plus haut et l’arbitrage devient favorable à un déménagement de l’autre côté de la frontière.

Un arbitrage similaire est évoqué par des migrants en provenance d’autres régions françaises. De longs déplacements quotidiens et l’importance de la voiture individuelle les incitent à ne pas s’installer dans la bande frontalière :

Je voyais à chaque fois tous les bouchons avec les frontaliers et je n’avais pas envie d’être dedans. Léo

Tous les petits villages autour de Morteau, si tu n’as pas de voiture, tu ne peux rien faire. Laila

Le travail que j’avais était à La Chaux-de-Fonds donc c’était normal que je m’installe là. Lancelot

D’autres migrants évoquent l’envie de pouvoir se déplacer à pied ou en transport en commun pour se rendre vers leur lieu de travail en mettant notamment en avant la qualité du niveau d’infrastructures de transports en Suisse :

En ayant vécu à Paris avec des RER, des transports en commun et des machins, je voulais gagner en qualité de vie. La Suisse c’était déjà un pas mais pour l’avoir vraiment, je voulais tout faire à pieds. Je ne voulais plus de transports en commun et une des idées, c’était de venir en Suisse et de vendre ma voiture. Nelly