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7.3 Matériaux utilisés

7.3.2 Sulfures de fer

7.3.2.2 Pyrrhotite

Généralités La formule générale de la pyrrhotite est Fe1−xS. L’indice x varie environ entre 0 et 0.20, la limite supérieure n’étant visiblement pas définie précisément puisqu’on trouve différentes valeurs selon les sources, 0.125 d’aprèsBelzile et al.(2004), 0.17 d’aprèsMindat.org. Cependant, on retiendra que l’espèce minérale la plus courante est de formule Fe7S8(soit x = 0.125)(Mindat.org).

La pyrrhotite est un meilleur choix comme matériau représentatif des sulfures de fer extraterrestres. Elle est observée dans de nombreuses météorites mais aussi dans les poussières ou matériaux cométaires, même si ces détections sont parfois indirectes. Si la pyrrhotite, comme la troïlite, la pyrite ou les autres sulfures de fer, est peu mentionnée dans les comètes c’est sans doute avant tout par manque d’échan-tillons. De plus, ces matériaux ne sont jamais ou que très rarement observables dans la coma. Les tem-pératures nécessaires pour les faire évaporer sont importantes comme le souligne la potentielle détection

7.3. MATÉRIAUX UTILISÉS

FIGURE 7.11 – Spectres des différents matériaux utilisés lors des expériences. Tous sont à l’état de poudre très fine. La partie grisée claire du spectre, de 2.7 µm à 4.0 µm n’a pas été étudiée (voir section 7.2.2).

de la queue de fer atomique de la comète McNaught 2006P1 parFulle et al. (2007). Le fait que cette comète possède un périhélie proche du Soleil (moins de 0.2 UA) permet d’atteindre des températures importantes, supérieures à 680K, et compatibles avec la sublimation du fer à partir de grain de troïlite à cette distance (Pollack et al.,1994). C’est ce que suggère l’étude deFulle et al.(2007) qui par ailleurs ne recense qu’une seule autre détection du fer : dans la comète Ikkeya-Seki 1965S1 parPreston(1967). Ces deux études sont à compléter par celle plus récente deBockelée-Morvan et al.(soumis) qui explique dans certains cas la température de couleur mesurée dans un outburst – autour de 600K – en incluant dans son modèle la présence de grains micrométriques de FeS, à hauteur de 6% en volume ; d’après les proportions proposées parFulle et al.(2016a).

L’utilisation de ce minéral pour réaliser un analogue cométaire s’appuie donc sur les multiples observa-tions faites dans les météorites (Ramdohr,1963;Geiger and Bischoff,1995;Bullock et al.,2005,2010;

Kimura et al., 2011) ; dans les GEMS (« Glass with Embedded Metal and Sulphides ») présents dans

les UCAMMs ou les IDPs (Bradley et al.,1999;Dobrica et al.,2012), d’origines cométaires ; de même que les détections, souvent indirectes, dans les queues cométaires ou les comas (Lisse et al.,2006;Fulle et al.,2007) ; et enfin les détections directes dans les grains de la comète Wild 2 (Zolensky et al.,2006) ou dans ceux de la comète de Halley (Langevin et al.,1987;Jessberger et al.,1988;Lawler et al.,1989;

Schulze et al.,1997).

Concernant la présence de pyrrhotite dans les IDPs, souvent supposées d’origine cométaire et donc d’un grand intérêt, il est important de souligner l’étude deDai and Bradley(2001)qui relèvent et caractérisent la pyrrhotite dans neuf IDPs, mais aussi l’absence de troïlite de celles-ci. Cependant, les IDPs sont chauffées au-delà de 500°C lors de la rentrée dans l’atmosphère (Love and Brownlee, 1991) et il est ainsi possible que la pyrrhotite soit un produit secondaire, d’altération, qui se forme en raison de ces

FIGURE7.12 – Spectres de poudres de pyrrhotite utilisées lors des expériences. Les échantillons B et C sont des fines poudres dont les particules sont de l’ordre du micromètre et inférieur tandis que l’échan-tillon A contient quelques grains plus gros, mal broyés, car il n’a pas été tamisé après broyage.

fortes températures. Il n’en reste pas moins que la pyrrhotite et la troïlite sont proches en termes de caractéristiques, d’autant plus pour des mesures en réflectance.

Deux pyrrhotites ont été utilisées dans les expériences présentées ci-dessous. Un de ces échantillons (photographie de droite de la figure 7.9), fourni par Olivier Poch de l’université de Bern a été acheté via la sociétéAlpha Aesaret est de stœchiométrie connue avec une formule Fe7S8(x = 0.125 dans ce cas). L’autre échantillon a été fourni par le Muséum National d’Histoire Naturelle de Paris. Une analyse par microfluorescence des rayons X (microXRF) a été réalisée au laboratoire ISTerre de l’université de Grenoble. Cette technique consiste à analyser l’émission de rayons X par un échantillon, de roche par exemple, bombardé avec des rayons de la même gamme d’énergie. Cependant, bien qu’elle permette d’évaluer la stœchiométrie de l’échantillon de pyrrhotite – en l’occurrence Fe0.35S – les résultats restent imprécis en l’absence de standards. Il n’est alors pas raisonnable de s’appuyer dessus pour discuter de la composition exacte de l’échantillon provenant du MNHN.

Toutefois, une comparaison entre les spectres des deux échantillons de pyrrhotite permet de constater la faible différence qu’il existe entre eux. Dans la figure 7.12, le spectre A correspond à la pyrrhotite du MNHN. On note une légère différence avec la pyrrhotite venant de Alpha Aesar (spectres B et C – issus de deux broyages différents). Cependant, ces variations sont probablement dues à des différences de taille de grains entre ces trois échantillons et non à une différence de composition, de stœchiométrie ou d’oxydation (voir ci-dessous). Ainsi, par la suite, et malgré l’utilisation de deux échantillons différents, il sera fait référence à la pyrrhotite sans préciser quelle espèce.

Un point sensible concerne l’oxydation des sulfures de fer. Une revue sur l’oxydation de la pyrrhotite est faite parBelzile et al. (2004). Plusieurs conditions permettent cette réaction, y compris à l’air libre où

7.3. MATÉRIAUX UTILISÉS

FIGURE 7.13 – Spectre en réflectance de deux échantillons de pyrrhotite broyés à des tailles micromé-triques. L’échantillon du spectre orange a subi une oxydation conduisant à une modification importante de sa composition. L’échantillon est bien plus clair dans le visible (d’un aspect brun au lieu du noir de l’échantillon non oxydé) mais aussi dans l’infrarouge. Il exhibe par ailleurs une pente bleu à partir de 1.2 µm. On note enfin la modification des signatures à 2.7 - 2.9 µm.

un morceau de pyrite ou de pyrrhotite s’oxyde en quelques jours et se recouvre d’une couche composée d’ions sulfates et d’oxyde de fer (II). Les fines particules de sulfures de fer sont d’autant plus sensibles à l’oxydation en raison de leur petite taille, il est donc impératif d’être prudent lors des étapes de broyage. La meilleure solution est de stocker la pyrrhotite sous vide avec un dessicant. Lors du broyage d’un morceau de pyrrhotite, il a été constaté une réaction exothermique, symptomatique d’une oxydation. En plus de chaleur (suffisamment forte pour faire brunir un morceau de papier !), une très forte odeur s’est dégagée (suffisamment forte pour irriter les narines !) ainsi qu’un changement de couleur assez impor-tant, l’échantillon virant au orange/brun assez rapidement avant de revenir à une couleur plus sombre. Cette échantillon à pu être mis de côté et broyé – il n’a pas été constaté d’autre cas d’oxydation. Un spectre en réflectance a été mesuré ainsi qu’une analyse en DRX. Cette dernière confirme effectivement l’oxydation de la pyrrhotite avec une composition d’environ 46% de pyrrhotite, 38% de szomolnokite (FeSO4·H20, un produit d’altération des sulfures de fer), 13% de souffre élémentaire et enfin 3% de magnétite (Fe2+Fe23+O4).

Caractéristiques spectrales La pyrrhotite possède une réflectance très faible (à l’état de poudre) et ne montre pas de signature particulière de 0.45 µm à 4.0 µm. D’une part, le souffre présente un spectre très plat sur cette gamme spectrale (Clark,1999). D’autre part, les poudres de fer sont marquées par l’absence de bandes d’absorptions et par une pente rouge qui diminue à mesure que la taille des grains diminue, on le verra par la suite et c’est également ce que l’on retrouve par l’étude de météorites de fer (Cloutis

et al.,2015). La combinaison de ces deux éléments dans notre poudre de pyrrhotite conduit alors à un

deux échantillons de pyrrhotite, sous forme de grains très fins, seront décrits plus en détails par la suite, dans le chapitre 8.

L’impact de l’oxydation est nettement visible sur la mesure en réflectance comme le montre la figure 7.13. La pyrrhotite oxydée voit son niveau de réflectance dans le visible et l’infrarouge particulièrement augmenter par rapport à la pyrrhotite non oxydée. Sa pente spectrale, très rouge jusqu’à la fin du visible, devient bleu à partir de 1.2 µm. Enfin, la bande d’absorption à 2.7 µm, due à OH dans la vapeur d’eau, est moins visible pour l’échantillon oxydée, sans doute en raison de la signature à 2.9 µm plus prononcée.