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4.2 L’instrument VIRTIS/Rosetta

4.2.3 Détails techniques et problèmes connus

Contrairement à leurs homologues terrestres, les instruments envoyés sur des sondes spatiales doivent répondre à des exigences extrêmement poussées pour être fiables durant de nombreuses années, sans possibilités de remplacement, tout en résistant aux contraintes d’une épopée spatiale (vibrations au lan-cement, températures extrêmes, rayons cosmiques...). Le fonctionnement d’un spectro-imageur est donc quelque chose de délicat et contraignant dans un tel environnement. Les sous-sections suivantes pré-sentent certains détails techniques relatifs à VIRTIS-M et VIRTIS-H. Les problèmes connus concernent VIRTIS-H, seul le problème de refroidissement concerne VIRTIS-M infrarouge.

4.2.3.1 Calibration absolue

L’optique et le capteur photosensible fonctionnant par définition ensemble lorsque l’on mesure un signal une fois l’instrument monté, la calibration au sol prend en compte les caractéristiques de chacun. Celle-ci reste difficile à réaliser et n’est jamais absolue car les sources de lumières, même correctement caractéri-sées, possèdent des sources d’incertitudes (courant, température, étendue spatiale par rapport au champ de l’instrument...). L’idéal, si cela est possible, est donc de réaliser une calibration absolue une fois en vol

FIGURE 4.12 – Matrice infrarouge de VIRTIS-H sur lequel on distingue les ordres spectraux (lignes diagonales), ainsi que divers phénomènes parasites : pixels morts (tache en haut à droite), pixels satu-rés (« spikes », point brillant dispersés aléatoirement), lumière parasite (tache diffuse en haut à droite). Données issues du cube brut H1_00388481382.QUB dans MTP015/STP053 (mode backup où toute la matrice est lue). La dynamique a été ajustée.

grâce à une source de lumière très bien caractérisée : une étoile de référence. C’est ce qu’a fait VIRTIS-M puisque la couverture spatiale dont il dispose lui permet d’imager le ciel avec aisance sans passer à côté de l’étoile visée. VIRTIS-H ne possède pas un champ de vue suffisamment grand pour espérer viser correctement une étoile. Une calibration absolue en cours de vol n’est donc pas envisageable et il est préférable d’appliquer une nouvelle calibration dérivée de celle réalisée au sol qui tiendrait compte des changements ayant eu lieu après. Le but est alors de réduire au maximum l’erreur relative et donc pour cela de la caractériser le mieux possible. C’est cette méthode qui s’appliquera à VIRTIS-H.

4.2.3.2 Refroidissement - Cryocooler

VIRTIS doit fonctionner à des températures très faibles afin de limiter le bruit et le fond thermique dans le détecteur. Ces températures sont de l’ordre de 150 à 190 K pour le détecteur visible de VIRTIS-M et de 65 à 90 K pour les détecteurs infrarouges de VIRTIS-M et H. Le refroidissement de VIRTIS-M visible est assuré par le radiateur en mode passif tandis que ceux de VIRTIS-M infrarouge et VIRTIS-H sont assurés par deux cryocooler distincts qui permettent donc d’atteindre des températures cryogéniques (≤ 80K). Un des problèmes majeurs de VIRTIS durant la mission a été la défaillance du cryocooler de VIRTIS-M infrarouge, mettant ainsi fin à ses opérations bien que le reste de l’instrument fonctionne encore. Si sa température est trop élevée, l’agitation thermique d’un détecteur infrarouge est trop importante pour qu’il puisse observer. VIRTIS-M infrarouge devenant inopérant, VIRTIS-H fût par conséquent le seul instrument à bord de Rosetta capable de sonder la surface dans le proche infrarouge, domaine dans lequel la seule bande d’absorption du spectre de la comète est présent comme on le verra par la suite

4.2. L’INSTRUMENT VIRTIS/ROSETTA

mais aussi où est présente la bande d’absorption à 2.9 µm de la glace d’eau. Surtout, seules les données de VIRTIS-H sont devenues utilisables après MTP015 (avril 2015) afin de calculer la température de surface.

Ce type de panne n’est pas extrêmement surprenant en soit. En effet, un cryocooler doit permettre la cir-culation d’un fluide frigorigène et repose donc sur le fonctionnement d’un mécanisme. Or, dans un sys-tème miniaturisé subissant les aléas d’un voyage spatial et les contraintes liées à une utilisation intensive sans possibilité de remplacement, tous les mécanismes deviennent facilement des sources de pannes ou de défaillances tant les contraintes qui leurs sont imposées peuvent être importantes. Sur Venus-Express les cryocoolers de VIRTIS-M et VIRTIS-H ont fonctionné durant 5585 heures et 5252 heures pour 611 et 617 cycles respectivement, soit un peu plus que les 5000 heures pour lesquels ils sont qualifiés. Sur Rosetta, il possible de dire que celui de VIRTIS-M est tombé en panne prématurément puisque cumulant 2375 heures pour 186 cycles ; à l’inverse, le cryocooler de VIRTIS-H a duré toute la mission et a été plutôt endurant en fonctionnant 7428 heures pour 416 cycles.

4.2.3.3 Filtre infrarouge

Sur la matrice de VIRTIS-H représenté en figure 4.12, on peut observer que le tiers inférieur, comprenant l’ordre 0 (grandes longueurs d’onde), contient plus de signal que le reste de la matrice (hormis la tache en haut à droite, voir paragraphe suivant). Il s’agit de la zone non couverte par un filtre placé sur le capteur et utilisé pour atténuer le signal infrarouge émit par l’instrument lui-même dans les ordres supérieurs. On voit l’effet de ce filtre dans le spectre brut de la figure 4.13 où la partie non filtrée donne un signal élevé, ce qui provoque un élargissement de la dynamique notamment mais permet de travailler dans la partie linéaire du détecteur et d’avoir finalement un signal de meilleur qualité, moins bruité. Dans un spectre calibré on tient compte de cette différence de niveau grâce à la soustraction du courant d’obscurité.

4.2.3.4 Pixels chauds

La figure 4.12 représente le détecteur (CdHgTe) de VIRTIS-H lors d’une acquisition (la dynamique a été ajustée), on y observe donc à la fois le signal, qui est illustré par la projection des ordres spectraux en diagonales – l’ordre 0 étant le plus bas dans la figure et l’ordre 7 parmi les plus hauts visibles (les autres ordres que l’on peut distinguer ne sont pas utilisés) – mais aussi le fond thermique, qui constitue tout le reste. En plus du signal et du fond se trouvent des éléments aléatoires. Les spikes sont les points plus brillants que le reste de la matrice et sont répartis aléatoirement sur le détecteur. Ce sont souvent voire toujours les mêmes au cours du temps mais il peut y en avoir de nouveaux au cours du temps. Ils ne posent pas de problèmes s’ils ne sont pas sur les ordres spectraux mais si c’est le cas, il est plus difficile d’appliquer une correction sans perdre en même temps le signal de ces pixels. La tache circulaire nettement délimitée en haut à droite est également saturée mais en raison de la dynamique appliquée à l’image. Il s’agit d’un groupe de pixels chaud, initialement présent au sol mais qui ne pose pas de problèmes car les ordres spectraux ne se projettent pas dessus.

4.2.3.5 Pixel map

Un des problèmes rencontrés par VIRTIS-H a été le décalage de la projection des ordres spectraux sur la matrice du capteur probablement en raison des vibrations lors du décollage. Ce décalage a ainsi nécessité une ré-évaluation de la carte des pixels à prendre en compte (la pixel map) lors de la lecture du capteur ainsi que de la registration spectrale. Pour se faire, l’acquisition de la matrice entière doit être faite afin de pouvoir recalculer la carte des pixels. Ce type de décalage peut être problématique, il provoquera un décalage spectral s’il a lieu dans la direction de la plus grande dimension du capteur (voir figure 4.10) mais surtout il est synonyme d’une perte de signal (et ce quelqu’en soit la direction). En effet, pour une longueur d’onde donnée, on intègre le signal sur quelques pixels uniquement. Si ce dernier est décalé alors une partie du signal en dehors de cette zone est prise en compte. Ce problème de décalage des ordres projetés sur la matrice a été rapidement détecté et pris en compte en début de mission sur VIRTIS-H ; aucune évolution n’a été constaté par la suite.

4.2.3.6 Effet « pairs-impairs »

Les capteurs embarqués dans les instruments d’imagerie spatiale doivent être très fiables et très perfor-mants car ils sont souvent utilisés pour capter un signal très faible. Ce niveau d’exigence engendre une conception particulière qui n’est pas exempte de défauts ou d’effets auxquels on ne peut échapper. C’est le cas de l’effet dit « pairs-impairs » qui trouve son origine dans l’entrelacement du circuit de lecture du capteur. Il est observable sur la figure 4.12 par l’alternance dans chaque colonne de pixel d’un signal plus ou moins important. Concrètement, cela signifie que certaines longueurs d’onde renvoient un signal plus important (il faut bien comprendre ici que c’est un effet lié à la lecture du capteur, le signal arri-vant dessus est bien le même), phénomène qui s’illustre par un motif en dents de scie sur un spectre. Ce

FIGURE4.13 – Spectre brut en ADU (Analog to Digital Unit) illustrant l’effet du filtre utilisé pour limiter le signal IR de l’instrument sur les courtes longueurs d’onde.

4.2. L’INSTRUMENT VIRTIS/ROSETTA

(a) Zoom sur l’image du capteur de la figure 4.12. On dis-tingue clairement ici les colonnes de pixels où le signal est al-ternativement plus faible et plus élevé selon l’alignement des traits blanc sans flèches. Le problème est aussi visible sur la projection des ordres spectraux (flèches blanches).

(b) Ce phénomène s’illustre par un effet en dents de scie vi-sible sur cette portion de spectre du cube T1_00373085291.

FIGURE4.14 – Illustration de l’effet pair-impair sur un spectre VIRTIS-H.

phénomène n’étant pas linéaire, une correction définitive ne peut être appliquée. Une méthode consiste donc à ne sélectionner qu’un canal sur deux, mais cela conduit donc à une diminution de la résolution spectrale.

4.2.3.7 Réseaux de diffraction

VIRTIS-H souffre aussi d’un problème d’optique lié aux deux réseaux qu’il utilise et qui sont placés côte à côte. Ces deux réseaux possèdent deux angles de blaze différents permettant d’élargir le domaine spectral mesuré dans chaque ordre. Mais ces deux réseaux ne semblent pas être alignés comme il de-vrait l’être et la conséquence est qu’ils n’observent pas exactement la même zone du champ de vue. Ce problème n’est pas grave pour des études de la coma car le champ d’observation est uniforme. En re-vanche, observer la surface ainsi peut être source de déformations des ordres spectraux si un des réseaux observe une zone éclairée tandis que le deuxième observe une zone dans l’ombre. C’est le cas également lors d’observation au limbe ou lors des transitions ombres/lumières et vice versa. La figure 4.15a illustre ce problème et un des cas possibles, en l’occurrence le passage rapide de la lumière à l’ombre lors de l’acquisition d’un cube. En 4.15a est représenté le signal au cours de l’acquisition d’un cube VIRTIS-H. Entre les observations 360 et 380 le champ balaye une zone située à l’ombre, ce qui fait chuter le signal rapidement pendant l’équivalent de quelques minutes. Si l’on regarde dans la zone de transition, à l’ac-quisition n°369, on obtient le spectre de la figure 4.15b (seul les ordres 5 et 6 sont tracés pour plus de clarté). On voit alors que la partie des petites longueurs d’onde dans chaque ordre manifeste une réflec-tance très faible, classique d’une zone à l’ombre, tandis que la partie grandes longueurs d’onde présente elle une réflectance typique d’une zone éclairée. Tout se passe donc comme si un des réseaux observait la zone du champ de VIRTIS-H déjà située dans l’ombre alors que l’autre est encore dans la zone éclairée, ce qui, en situation normale, ne devrait pas être le cas.

(a) Réflectance au cours du temps du cube T1_00373085291. L’acquisition 369 a été utilisé (trait rouge) pour la figure 4.15b, la baisse de signal indique le passage d’une zone éclai-rée à une zone d’ombre.

(b) Les ordres 5 et 6 de ce cube VIRTIS-H sont particuliè-rement affectés par le problème lié aux réseaux. Chacun des deux ordres présente un déséquilibre du signal reçu car les deux réseaux utilisés n’observent pas la même zone du champ de vue. Ici du côté des grandes longueurs d’onde car le champ de vue passe de la lumière à l’ombre (voir figure 4.15a).

FIGURE4.15 – De l’ombre à la lumière avec VIRTIS-H. Illustration du problème affectant les réseaux de diffraction pour le cube MTP009 - STP025 - T1_00373085291. L’acquisition numéro 369 a été utilisée. 4.2.3.8 Lumière diffusée

Enfin, un problème majeur est illustré par la tache diffuse que l’on peut observer en haut à droite de l’image de la matrice (figure 4.12). Cette tache provient d’une lumière hors champ, ne suivant pas le chemin optique car non dispersée et diffusée à l’intérieur de l’instrument. Le problème résultant est qu’une quantité importante de signal est présent sur une partie des ordres supérieurs. Ce problème est extrêmement complexe à corriger étant donné qu’il est variable dans le temps et difficilement quantifiable la plupart du temps. De plus, il peut être confondu ou se cumuler avec le problème évoqué précédemment, à savoir lorsque le champ de vue passe d’une zone d’ombre vers une zone éclairée (l’inverse de l’exemple de la figure 4.15) et que le signal est réparti inégalement vers les courtes longueurs d’onde. La figure 4.16 illustre l’effet de cette lumière diffusée.