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De là et de cette série de trois articles (Whipple,1950;1951;1955) est née l’idée du modèle de noyau de la « boule de neige sale », les glaces étant les principaux constituants (H2O, NH3, CH4, CO2...) avec les matériaux météoriques qui désignent ici les matériaux réfractaires en général, observés dans les météo-rites (Fe, Ca, Mn, Mg, Si, Ni, Al, Na). Whipple propose ainsi un modèle robuste, remettant en question les idées et les concepts de l’époque mais qui sera accepté au fil des ans jusqu’à être confirmé grâce à l’exploration de la comète de Halley en 1986 ; bien que le terme de boule de neige sale ne soit pas le plus adéquat pour décrire la nature d’un noyau cométaire.

Les travaux de Oort sur l’existence d’un réservoir de comètes se trouvant à de très grandes distances du Soleil (voir sous-section 1.2) laissent à penser que les comètes n’ont subi que très peu d’évolution depuis leur formation. C’est ce qui nous intéresse ici particulièrement et qui justifie leur appellation de « reliques » de notre Système Solaire. Les astéroïdes sont généralement plus gros, ils sont moins riches en glaces, moins poreux et majoritairement formés de silicates ou de métaux (à l’exception des astéroïdes carbonés). Ils ont à la fois subit l’hydrothermalisme, la chaleur provoquée par la décroissance radioactive et, en l’absence d’activité provoquant un resurfaçage ils sont plus exposés à l’altération spatiale que les comètes : micrométéorites, rayons cosmiques, vent solaire (Lantz,2015). Dans ces deux groupes appar-tenant à la famille des petits corps, les comètes ont donc tendance à être des objets plus primitifs (bien qu’il existe des astéroïdes primitifs). L’activité que les comètes subissent (à condition de s’approcher suffisamment du Soleil) provoque un resurfaçage partiel. Les matériaux les plus primitifs sont donc a prioriconservés dans le noyau ou dans des zones protégées et inactives à long terme.

Les comètes connues aujourd’hui font pour la plupart quelques kilomètres dans leur plus grande lon-gueur. On note quelques fois des noyaux imposants comme celui de 95P/Chiron d’environ 150 km ou celui de C/1995 O1 (Hale-Bopp) d’environ 80 km. 147P/Kushida-Muramatsu fait quant à elle seulement 420 m. Les plus petites font sans doute quelques mètres et ne sont visibles que lorsqu’elles viennent se bruler les ailes au Soleil (on parle de comètes rasantes, ou « sungrazing comets »).

1.2 Origines et dynamiques

Les comètes du Système Solaire forment des familles orbitales que l’on peut classer selon différents paramètres. On les a ainsi longtemps divisées en deux catégories que sont les comètes à longues périodes, dont l’orbite dure plus de 200 ans, et en comètes à courtes périodes dont l’orbite est inférieure à 200 ans (et parmi lesquelles on différenciait les périodes inférieures et supérieures à 20 ans). Cette classification a cependant tendance à être délaissée au profit d’une autre (voir ci-dessous). La région d’origine de la plupart des comètes reste inconnue, notamment pour les comètes à courtes périodes étant donné leurs durées de vie et l’échelle de temps séparant les perturbations orbitales que subit une comète, court dans les deux cas à l’échelle du Système Solaire. Bien qu’inconnue au cas par cas, cette origine peut être déduite grâce aux observations et aux modèles. Au cours des 20 dernières années de nombreuses avancées ont notamment permises d’acquérir une meilleur compréhension de la dynamique des planètes et des petits corps juste après leur formation dans le jeune Système Solaire (Gomes et al.,2005,2008;Walsh et al.,2011;Levison et al.,2011;Brasser and Morbidelli,2013). Ainsi, on sait qu’il existe deux à trois principaux réservoirs de comètes :

Le nuage de Oort (ou Öpik-Oort), proposé par Ernst Öpik en 1932 et théorisé par Jan Oort en 1950 (Oort,1950), est une région englobant le Système Solaire entre 20 000 UA et plus de 100 000 UA environ (voir figure 1.2). Cette région très peu dense mais très étendue renfermerait l’équivalent d’environ 1011noyaux cométaires (Kaib and Quinn,2009) (soit l’équivalent de plusieurs dizaines de masses terrestres). Selon les marées galactiques ou les perturbations d’étoiles proches, les comètes peuplant cette région peuvent quitter leur orbite pour se précipiter vers le Système Solaire interne. Arrivant avec une très grande vitesse, une excentricité importante et avec une inclinaison quelconque par rapport à l’écliptique, environ la moitié d’entre-elles quittera le Système Solaire (orbite hyperbolique avec e > 1). Les autres formeront la famille des comètes à longues périodes ou celle de la famille de Halley lorsque leur orbite a été modifiée après leur premier passage. Une minorité retournent également dans leur région d’origine.

La ceinture de Kuiper est un tore ceinturant le Système Solaire entre 30 UA et 55 UA environ (voir figure 1.2). Comparable à la ceinture d’astéroïdes, elle est cependant bien plus massive et plus étendu et contient nombre de noyaux cométaires. Les objets s’y trouvant, appelés de manière générale Objets de la Ceinture de Kuiper (ou KBOs pour Kuiper Belt Objects) ont été découverts (pour les plus gros) à partir des années 90 (Pluton, Charon, Eris, Makemake en font partie). Leur orbite est assez peu excentrique et se trouve à des inclinaisons relativement faibles.

Le disque dispersé, ou épars, découvert vers la fin des années 90 (Luu et al.,1997), semble être la zone d’origine de nombreuses comètes. Situé après la ceinture de Kuiper, il est caractérisé par des orbites très excentriques et pour certaines plus inclinées par rapport à l’écliptique que celles des KBOs (Gomes et al. 2008, dansBarucci(2008)). En plus de corps identiques à ceux de la ceinture de Kuiper il contiendrait environ 6.108 noyaux cométaires (Levison et al.,2008). Ces dernières années, les modèles dynamiques sur la formation du Système Solaire et la mise en place des planètes ont beaucoup évolué, notamment à travers le « modèle de Nice » (voirWalsh et al.(2011);Brasser and Morbidelli(2013) des travaux récents) qui permet d’expliquer sa mise en place.

D’après les derniers travaux liés au modèle de Nice (voir notamment Brasser and Morbidelli (2013);

Morbidelli, A. and Rickman, H.(2015) et références à l’intérieur) et contrairement à ce qui était pensé avant, le nuage de Oort et le disque épars pourraient être constitué de comètes issues de la même po-pulation d’origine. Dans les deux cas, la migration des planètes géantes aurait provoqué l’éjection des comètes se trouvant alors dans une zone allant jusqu’à 30 UA. Cela expliquerait pourquoi il n’y a pas de différences marquées (morphologiques, chimiques...) dans les différentes familles de comètes observées (Morbidelli, A. and Rickman, H.,2015).

Afin de classer les différentes catégories dynamiques de comètes, il est possible d’utiliser le paramètre de Tisserand relatif à Jupiter en tant qu’indicateur. Ce paramètre est défini comme suit :

TJ=aJ a + 2  (1 − e2)a aJ 1/2 cos(i)

où i et a sont l’inclinaison et le demi-grand axe de l’orbite de l’objet, e son excentricité et aJ le demi-grand axe de l’orbite de Jupiter. Les astéroïdes ont ainsi une valeur de TJ > 3 et les comètes à courtes périodes un paramètre de Tisserand compris entre 2 et 3, enfin les comètes à longues périodes ou de

1.2. ORIGINES ET DYNAMIQUES

FIGURE 1.2 – Représentation schématique de notre Système Solaire à différentes échelles. En haut à gauche, les planètes internes et la ceinture d’astéroïdes sont visibles. En bas à gauche ce sont les planètes externes et la ceinture de Kuiper qui sont visibles. Enfin, englobant tout ceci, le nuage de Oort, principal réservoir de noyaux cométaires. Crédits : A. Dagan, Ciel et Espace Photos

la famille de Halley ont un T < 2. Voici un classement possible des familles de comètes tiré deMeech

(2017) :

Longue période Comète dont la période est supérieure à 200 ans.

Dynamiquement nouvelle Comète à longue période réalisant son premier passage (ou un des pre-mier) dans le Système Solaire interne et provenant du nuage de Oort.

Courte période Comète dont la période orbitale est inférieure à 200 ans.

Famille de Jupiter L’orbite de ces comètes est contrôlée par Jupiter, elle est peu inclinée et leur période est inférieure à 20 ans.

Similaire à Halley (« Halley type ») La période de ces comètes est intermédiaire, se situant entre 20 et 200 ans et possède une forte inclinaison. Le nuage de Oort en est majoritairement la source. Similaire à Encke (« Encke type ») Toute comète dont l’orbite est à l’intérieur de celle de Jupiter.

La comète de 2P/Encke est une comète bien connue à courte période (3.3 ans).

Comète de la ceinture principale Ces objets sont des astéroïdes d’un point de vue dynamique (TJ> 3) mais exprime une faible activité, sans doute provoquée par la sublimation de volatils. On retrouve ce type d’objets au-delà de la ceinture principale : par exemple, l’astéroïde cométaire Chiron (a = 13,6 UA) est ainsi devenu 95P/Chiron lorsque l’on a découvert cette trace d’activité. Les comètes font partie des objets ayant une durée de vie courte d’un point de vue dynamique. Leur orbite, si elle se trouve ou passe dans le Système Solaire interne, n’est jamais stable sur une longue

période de temps à l’échelle astronomique. Elle peut être perturbée en raison du passage à proximité d’une planète, géante la plupart du temps : ce fût le cas de la comète Shoemaker-Levy 9 en juillet 1994 mais aussi de 67P/Churyumov-Gerasimenko dans son histoire récente. Une comète provenant du Système Solaire lointain peut aussi finir sa course dans le Soleil ou se disloquer à son approche en raison de sa fragilité : le satellite SOHO, observant le Soleil depuis 1995 a découvert plusieurs milliers de nouvelles comètes dont nombre d’entre elles finirent leur courses au chaud, dans la couronne de notre étoile. Au delà d’une mort provoquée par un changement dynamique, une comète se retrouvant sur une orbite stable finira par épuiser son stock de glaces et deviendra donc inactive ou se disloquera.

1.3 La question de l’héritage du milieu interstellaire dans la composition