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7.3 Matériaux utilisés

7.3.1 Matière organique

7.3.1.1 Charbon - Le PSOC 1532

Généralités Depuis la visite de 1P/Halley par la sonde Giotto et ses consœurs, on sait que les comètes renferment en quantité de la matière organique, des molécules carbonées complexes et principalement composées de Carbone, Hydrogène, Oxygène et azote (N) (d’où leur surnom de CHON) (Fomenkova et al.,1994). Certaines expériences étudiant les processus de surfaces cométaires utilisent des tholins en tant qu’analogues de matière organique (Pommerol et al.,2015;Poch et al., 2016a,b). Il est important dans cette étude de travailler avec des échantillons bien caractérisés du point de vue de la composition. Les tholins sont des composés complexes, variés quant au nombre de molécules qu’ils contiennent et les études destinées à les caractériser sont nombreuses (voirPoch et al.(2016a) et références internes) ; leur intérêt en planétologie vient du fait qu’ils sont initialement synthétisés dans l’atmosphère de Titan.

7.3. MATÉRIAUX UTILISÉS

Étudiés depuis longtemps, il est aujourd’hui possible d’en produire des quantités satisfaisantes grâce à des expériences comme PAMPRE (Carrasco et al.,2009). Bien que de nombreuses études montrent que, de manière générale, ces composés possèdent des points communs avec la matière organique d’intérêt astrophysique (c’est à dire celle présente dans le milieu interstellaire, sur les objets primitifs du système solaire) elles indiquent aussi des différences avec celles-ci (Quirico et al., 2008;Bonnet et al., 2015). Par ailleurs, l’étude réalisée par Quirico et al.(2016), qui porte spécifiquement sur l’interprétation des données de VIRTIS et sur les possibles composés qui contribuent au spectre de 67P exclut des composés de type tholins pour expliquer la bande d’absorption à 3.2 µm par exemple. Cette même étude identifie également d’autres composés comme étant plus représentatifs de la matière organique cométaire ou au moins de 67P. On ajoutera par ailleurs que ceux-ci sont relativement clairs, notamment dans le visible contrairement à d’autres types de matière organique (charbons, goudrons...) (De Bergh et al.,2008). En tant que matière organique, c’est un charbon qui a été utilisé dans les mélanges préparés et mesurés. Ce matériau représente la matière carbonée, pouvant potentiellement se rapprocher le plus de ce qui est présent au sein des comètes ou des météorites (Moroz et al., 1998;Quirico et al., 2016). Cette roche sédimentaire est issue de la carbonisation de matière organique (principalement végétale) qui a lieu pen-dant plusieurs centaines de millions d’années. Les conditions de températures et de pressions ainsi que le contexte géologique variant selon les régions, il existe plusieurs types de charbons. De même, plusieurs classifications existent pour caractériser les charbons ou les bitumes mais ne seront pas abordées ici. Le lecteur est donc renvoyé vers les études deMoroz et al.(1998) etQuirico et al.(2016) qui rapportent une variété de ces matériaux pour l’étude des comètes, astéroïdes et météorites.

Le choix de ce charbon en particulier fait suite à l’étude deQuirico et al.(2016) qui a analysé différents charbons, mais aussi goudrons de houille (par la suite appelé goudrons – « coal tars » en anglais), afin d’en étudier les propriétés chimiques et optiques pour les comparer avec les IDPs, UCAMMs ou météo-rites. Pour la présente étude, un charbon d’Alaska, le PSOC 1532, a été utilisé. Fourni par la Penn State University (PSOC 1532 signifiant Penn State Office of Coal), le PSOC 1532 se trouve en effet être un bon candidat pour la matière carbonée cométaire d’un point de vue chimique, et ce pour plusieurs raisons exposées ci-dessous.

Il est intéressant de noter qu’entre les charbons type PSOC 1532 et les goudrons, selon un critère basé uniquement sur le niveau de réflectance, ce sont bien les goudrons ou les charbons les plus matures qui se rapprochent le plus du niveau de réflectance de 67P. C’est ce que la figure 7.7 illustre. La maturité d’un charbon est calculée selon la réflectance de la vitrinite, un composé organique du charbon qui compose l’espèce en question, indiquée dans la légende par la valeur « VR » (en %). Cet indicateur traduit en quelque sorte l’historique des températures que l’échantillon a connu. Plus elle est élevée, plus le charbon a subi des températures importantes, plus il est mature. C’est le cas par exemple du PSOC 15321468, dont l’albédo est similaire à celui de 67P. Notre charbon, le PSOC 1532, possède quant à lui une valeur de réflectance de la vitrinite égale à 0.33% : c’est un charbon peu mature. Contrairement au PSOC 15321468 ou au goudron CT1, et bien que le PSOC 1532 soit absorbant dans le visible, son albédo dans l’infrarouge est élevé. Toujours selon un critère optique, ce n’est pas donc pas un tel composé qui est recherché comme possédant la capacité à assombrir un mélange censé reproduire les propriétés spectrales de 67P.

FIGURE7.7 – Spectres de réflectance de différents charbons (PSOC 1532) et goudrons (CT) ayant des maturités variées (indiqué par la valeur de réflectance de la vitrinite : VR) et comparés au spectre VIRTIS de référence de la surface de 67P. Adapté deQuirico et al.(2016).

Cependant,Quirico et al. (2016) montrent que les charbons matures et goudrons ne possèdent pas la même structure chimique (aromaticité, taille et distribution des espèces aromatiques...) et sont moins réfractaires que la matière organique présente dans les IDPs, les micrométéorites ou que la matière orga-nique insoluble (IOM) des chondrites carbonées. Bien qu’optiquement très proche de 67P dans le visible et l’infrarouge, ces composés ne sont donc pas de bons analogues d’un point de vue de leur composi-tion chimique. En revanche, le PSOC 1532 possède lui des similarités avec la matière organique de la météorite d’Orgueil – qui représente 4% en masse de la météorite et dont 70% est de type matière orga-nique insoluble. Bien que leurs réflectances ne soient pas similaires, leurs compositions sont notamment voisines concernant les rapports méthylène sur méthyleCH2

CH3 

, les groupements carbonyles (C = O) ou aromatiques (C = C) par exemple (Quirico et al.,2016). Le rapport élémentaire HC est également une autre caractéristique commune entre le PSOC 1532 et les IDPs cette fois-ci (Aléon et al.,2001;Quirico et al.,2016).

En plus de l’étude deQuirico et al. (2016) sur des matériaux d’origine terrestre, des observations in situ menées par l’instrument COSIMA sont venues renforcer les hypothèses concernant la nature de la matière organique pouvant composer le noyau de 67P.Fray et al.(2016) propose en effet, d’après les analyses menées sur des grains de poussières capturés dans la coma, que la matière organique de 67P se trouve plutôt à l’état de gros composés moléculaires, de composition semblable aux IDPs, aux UCAMMs mais aussi à l’IOM des chondrites carbonées et de manière générale proche des CHON, introduits suite à la rencontre entre Giotto et Véga 1 et la comète 1P/Halley en 1986 (Kissel and Krueger, 1987a,b;

Jessberger et al.,1988;Fomenkova et al.,1994)

L’étude menée parFray et al.(2016) est illustrée par la figure 7.8, laquelle rapporte les détections des ions C+, CH+, CH2+, CH3+dans deux poussières de la comète 67P (Kenneth et Juliette) ainsi que dans

7.3. MATÉRIAUX UTILISÉS

FIGURE 7.8 – Spectres de détection des ions C+, CH+, CH2+, CH3+ sur les poussières Kenneth et Juliette de la comète 67P par l’instrument COSIMA de la sonde Rosetta. Les spectres de la matière organique insoluble des chondrites carbonées Orgueil et Murchison ont été obtenues grâce à un modèle de l’instrument resté au sol. Les spectres rouges sont ceux mesurés sur les poussières et l’IOM tandis que les spectres noirs sont ceux de fond, mesurés sur la cible sur laquelle les particules sont présentes. Figure issue deFray et al.(2016).

l’IOM des météorites d’Orgueil et de Murchison. Deux points importants sont à souligner ici. D’une part, la plus forte intensité du pic de C+par rapport à ceux de CH+, CH2+, CH3+indique que la matière organique présente dans les poussières analysées possède un rapport H

C plus faible que les molécules étudiées lors de la calibration de l’instrument (Fray et al., 2016). D’autre part, la similarité entre les mesures faites sur l’IOM et celles réalisées sur les poussières capturées dans la coma de 67P est renforcée par l’absence de détection d’ions d’origine organique au-delà d’un rapport m

z > 50 (Fray et al.,2016). Ainsi, les études deQuirico et al.(2016) et deFray et al.(2016) se complètent et confortent l’idée que les matériaux organiques de 67P ressemblent à l’IOM des chondrites carbonées. En montrant que le PSOC 1532 est également proche de l’IOM dans certaines de ces caractéristiques (notamment chimiques),

Quirico et al. (2016) donnent un argument de poids quant à son usage dans les mélanges réalisés et

mesurés dans cette étude.

Caractéristiques spectrales Entre 0.5 µm et 3.0 µm, le spectre du PSOC 1532 a globalement l’aspect d’une cloche (spectre C, figure 7.11). Dans le détail, il possède un caractère très absorbant dans le visible tout en présentant une pente spectrale rouge très importante du milieu du visible jusqu’à environ 1.9 µm. Entre 2.15 µm et 2.60 µm, plusieurs petites bandes d’absorptions se superposent. Elles sont provoquées, la plupart du temps, par les signatures dues à l’eau, à la combinaison des modes de vibrations fondamentales de composés organiques (Clark,1999) ainsi qu’à celle de la liaison métal-OH et OH dans le cas minéraux argileux par exemple (Clark, 1999; Poulet et al., 2005) – dans le cas présent, on retiendra les deux premières possibilités puisque nous ne sommes pas en présence d’argiles.