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et al.,2013;Capaccioni et al.,2015;Quirico et al.,2016). Ces poussières peuvent être capturées dans la coma, c’est le rôle d’instruments comme COSIMA, GIADA ou MIDAS sur Rosetta. Ils permettent de caractériser le flux mais aussi la masse, la densité, la structure ou la composition de ces grains et donc de déduire en partie l’état de la surface (Rotundi et al., 2015;Langevin et al., 2016;Merouane et al.,2016;Bentley et al.,2016;Mannel et al.,2016). En partie seulement car les tailles capturées ne sont pas obligatoirement un échantillon représentatif de la surface : les échelles de tailles auxquelles les instruments sont sensibles ne couvrent pas tous les ordres de grandeurs (Henkel et al., 2003;Riedler et al.,2007;Colangeli et al.,2007) et les biais existent selon les processus de capture (Brownlee,2014). Indépendamment des instruments de mesures in-situ (dans la coma), les grains les plus lourds peuvent retomber sur la surface plus facilement que les grains plus légers (Fulle et al. (2017) donne une limite à 1 mg pour 67P), introduisant encore un biais potentiel de représentativité des tailles de grains dans la coma par rapport à ceux présents à la surface. Enfin, les observations depuis la Terre ou l’orbite terrestre (Lisse et al.,2007) sont plus sensibles aux signatures des grains les plus petits (<µm), compliquant ainsi la comparaison entre les différentes études (Brownlee,2014).

Les liens entre coma et surface sont donc nombreux, aussi bien pour les matériaux volatils que réfrac-taires. On voit qu’il existe aussi des biais potentiels qui font qu’étudier les réfractaires à partir des obser-vations à distances ou à partir de mesures réalisées dans la coma ne suffit sans doute pas à rendre compte de la réalité du terrain. L’étude de la surface du noyau doit donc passer par des outils qui lui sont dédiés : caméra, imageur hyperspectral, atterrisseur.

2.2 Étude de la surface des noyaux cométaires

L’étude des noyaux cométaires n’a réellement débuté qu’en 1986 lorsque des sondes spatiales ont pu passer à proximité de la comète 1P/Halley. Conscient de l’enjeu déterminant que pourrait avoir une telle exploration sur la vision que l’on avait des comètes, les scientifiques de plusieurs nations ont décidé de mobiliser leurs forces ! C’est ainsi que les agences spatiales Européenne (ESA), Soviétique (Roskosmos) et Japonaise (Jaxa) lancèrent 5 sondes ayant pour but d’étudier la comète et son environnement. La mission européenne Giotto, première mission planétaire de l’agence, permis alors avec les missions Véga 1 et 2 de prendre les premières photographies d’un noyau cométaire (voir photo 1 figure 2.2) et de réaliser les premières dans l’environnement proche de la comète. Les observations font alors part d’un noyau riche en réfractaires, extrêmement sombre (Thomas and Keller, 1989) et avec des zones actives liées à l’activité de sublimations des glaces mais ne représentant qu’une faible proportion de la surface : vision déroutante d’après les idées de Whipple. Plus tôt avant l’arrivée des sondes, la signature de l’eau avait été détectée depuis le sol (Mumma et al.,1986). Elle a été confirmée grâce au spectromètre IKS à bord de la sonde Véga 1 en plus de celle du CO2(Combes et al.,1986).

Les comètes sont des objets uniques en ce sens qu’ils sont très peu denses en comparaison des autres objets du Système Solaire. La densité dépend de nombreux paramètres (composition, masse, porosité, rapport poussière/glaces) parfois peu contraints et est donc difficile à évaluer, on connait tout de même celles des noyaux visités par des sondes et elles oscillent entre 0.3 et 0.6. Cette faible densité (plus faible que l’eau !), implique une porosité globale très importante, typiquement de l’ordre de 70% pour 67P par

FIGURE2.2 – Les noyaux cométaires visitées par des sondes spatiales dans l’ordre chronologique numé-roté (sondes, crédits). 1. 1P/Halley (Giotto, ESA/MPAe) ; 2. 19P/Borelly (Deep Space 1, NASA/JPL) ; 3. 81P/Wild 2 (NASA) ; 4. 9P/Tempel 1 (Deep Impact, JPL/NASA) ; 5. 103P/Hartley 2 (EPOXI, NASA/JPL-Caltech/UMD) ; 6. 67P/Chruryumov-Gerasimenko (Rosetta, ESA/Rosetta/Navcam). Les photos 2 et 3 sont des vues stéréoscopiques : à bonne distance, plonger votre regard à l’infini de fa-çon à faire converger les deux images pour en former une en « relief ».

2.2. ÉTUDE DE LA SURFACE DES NOYAUX COMÉTAIRES

FIGURE2.3 – Détection de la glace d’eau sur 9P/Tempel 1 par la sonde Deep Impact. En A : image à 750 nm ; en B : image du rapport 450/750 nm mettant en évidence des zones brillantes par rapport au reste de la surface ; en E : données infrarouges. Les spectres orange et violet (bas gauche et milieu) sont des modélisations reproduisant partiellement le spectre de la comète (en noir et normalisé sur le graphique F) où de la glace d’eau est présente. Adapté deSunshine et al.(2006).

exemple (dont la densité est d’environ 0.53 (Kofman et al.,2015;Hérique et al., 2016;Pätzold et al.,

2016)). La formule de la boule de neige sale est donc à prendre avec précaution : non seulement parce qu’avec un rapport poussières/glaces d’environ 4 (pour 67P,Sykes and Walker (1992); Rotundi et al.

(2015)) il s’agit plutôt d’une « boule de sale glacée » (pour reprendre l’expression de Keller (1989)) mais aussi parce qu’avec une telle porosité un noyau cométaire est avant tout constitué...de vide ! Il s’agirait cependant de microporosité majoritairement, c’est à dire identique à celle que l’on trouverait à l’échelle de la poussière. Les modèles de formations cométaires, dont certains sont en faveur d’un noyau primitif ne connaissant pas ou de faibles collisions (Jutzi and Asphaug, 2015;Davidsson et al.,

2016) ou d’autres au contraire proposant la formation d’un noyau via un passé collisionnel important (Morbidelli, A. and Rickman, H., 2015;Jutzi et al., 2017;Jutzi and Benz, 2017) proposent dans tous les cas ce type de porosité. Bien que celle-ci semble augmenter avec la profondeur comme le suggère les résultats de CONSERT et de SESAME-PP sur le site d’atterrissage de Philae (Brouet et al.,2016), une macroporosité présente de façon locale n’est pas à exclure, que ce soit en profondeur et pourquoi pas en surface. En effet, les différentes dépressions circulaires que l’on observe sur différents noyaux cométaires pourraient s’être formées par effondrement suite à la sublimation de glaces situées sous la surface comme le suggèreVincent et al. (2015) et Auger et al. (2015), créant par cette occasion une macroporosité relativement importante (de l’ordre du mètre).

La porosité d’un noyau cométaire joue également un grand rôle dans la sublimation des glaces et donc dans l’activité globale du noyau. Alors que le modèle de Whipple suggérait un noyau avant tout glacé pour expliquer l’activité des comètes, les sondes Giotto et Véga photographient en 1986 le noyau de

FIGURE 2.4 – Modèle schématique de la structure d’un noyau cométaire. Adapté deMeech(2017) et

Prialnik(1997).

1P/Halley actif sur environ 10% de sa surface seulement (voir figure 2.3). La composante « poussières » semble ainsi majoritaire (Keller, 1989) et par la suite, les différentes missions spatiales n’identifieront que rarement ou de manière très localisée de la glace (voir figure 6.2 et section 3.3 pour 67P). Si les gaz peuvent s’échapper de la surface alors que les glaces n’y sont pas présente c’est justement grâce à l’im-portante porosité du noyau. Le chauffage de la surface par le Soleil provoque un gradient de température ainsi qu’une onde de chaleur se propageant lentement vers l’intérieur, permettant aux glaces d’atteindre leur point de sublimation.

Une des grandes inconnues reste la structure interne du noyau (voir figure 2.4 pour un des modèles exis-tant). Difficilement accessible hormis grâce à un sondage comme l’instrument CONSERT l’a partielle-ment réalisé (les résultats sont difficilepartielle-ment exploitables en raison de l’atterrissage scabreux de Philae). Quel est l’état des glaces en profondeur ? Y-a-il notamment de la glace amorphe qui, si elle est présente pourrait contribuer à l’activité en apportant de l’énergie lors de phase de cristallisation (Vincent et al.,

2015) ? Comment la porosité évolue à l’échelle du noyau, de même que la distribution des glaces et des matériaux réfractaires ? Autant de questions qui restent sans réponses précises aujourd’hui.

La croûte exposée semble quant à elle parfois recouverte de régolithe et parfois à nue, tout en étant poreuse dans les deux cas et très fracturée (pour 67P voirEl-Maarry et al.(2015);Poulet et al.(2016) et figures 2.5a et 2.5b, pour Hartley 2 voirA’Hearn et al.(2011) ; pour Tempel 1 voirA’Hearn et al.(2005);

Thomas et al.(2007,2013) ; pour Wild 2 voir Brownlee et al.(2004) et pour Borelly voir Soderblom

et al.(2002);Britt et al.(2004) ainsi que la figure 2.2 pour les différents noyaux). À nouveau l’activité est sans doute la raison des différences de terrain que l’on observe sur les noyaux cométaires. Elle est aussi responsable, avec l’important stress thermique que connait la surface, de ces terrains érodés ( El-Maarry et al.,2015;Poulet et al., 2016). Il est envisageable que cette croûte s’épaississe ou du moins qu’elle s’appauvrisse en glace au cours du temps à mesure que la comète passe au périhélie, empêchant