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Les Protocoles Facultatifs

Dans le document La question des âges en justice juvénile (Page 32-39)

Les Protocoles facultatifs à la Convention (OPAC, OPSC et OPIC) sont des traités de droit propre qui sont ouverts à la signature, la ratification ou l'accession des Etats et qui règlent des aspects du traité auxquels ils sont rattachés (ici la CDE), qui n'ont pas été pris en compte, ou pas de manière suffisante, au moment de la promulgation du texte de base. Il est évident qu'au moment de la légifération de la Convention, un certain nombre de situations n'ont pas été appréciées comme on le fait aujourd'hui, ou ont fait l'objet de négociations et ont adopté un petit dénominateur commun de protection, jugé insuffisant depuis lors.

C'est pour améliorer la protection des droits des enfants que l'on a développé trois Protocoles :

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication des enfants dans les conflits armés20 (OPAC)

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l'enfant, sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants 21 (OPSC)

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications22 (OPIC).

a) l'OPAC

20 Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant l'implication des enfants dans les conflits armés (Entrée en vigueur le 12 février 2002), ratifié par 165 Etats (février 2016).

21 Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants (Entrée en vigueur le 18 janvier 2002), ratifié par 171 Etats (février 2016)

22 Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications du 19 décembre 2011, entré en vigueur le 14 avril 2014, ratifié par 25 Etats (février 2016)

La question des enfants soldats a fait l’objet d’une grande attention, dès la promulgation de la Convention. Le Comité des droits de l’enfant a, en effet, consacré son premier débat général (Day of General Discussion), en 1992, aux enfants dans les conflits armés, ceci en raison du faible niveau de protection offert par l’art. 38 de la Convention, qui ne prohibe le recrutement des enfants que pour ceux qui n’ont pas atteint l’âge de 15 ans.

Art 38 CDE

2. Les Etats parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités.

3. Les Etats parties s'abstiennent d'enrôler dans leurs forces armées toute personne n'ayant pas atteint l'âge de quinze ans. Lorsqu'ils incorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans, les Etats parties s'efforcent d'enrôler en priorité les plus âgées.

Les effets de ce protocole ont surtout consisté en l'interdiction du recrutement obligatoire avant 18 ans et la fixation de l’âge d’engagement dans les conflits à la même limite de 18 ans. Par la suite, d'autres événements comme le Statut de Rome de la Cour pénale internationale23 a défini la conscription, l’enrôlement et l’utilisation d’enfants dans les conflits armés, comme crime de guerre et a prévu des dispositions d’aide et de réinsertion pour les enfants victimes et témoins. On pourrait également mentionner Les Principes de Paris, adoptés en février 200724, sur les enfants associés aux forces armées ou aux groupes armés, qui ne sont pas légalement contraignants. On espère qu'ils fourniront une base solide pour améliorer la collaboration et pour conduire à une meilleure protection des enfants.

Il est évident que l'OPAC ne touche pas la Justice Juvénile de manière quotidienne. Pourtant, il est très intéressant de mentionner la question des enfants soldats qui deviennent auteurs d'infractions graves et / ou qui peuvent être associés à des massacres, voire des génocides A ce sujet, l'on mentionnera le travail remarquable effectué par le Tribunal spécial des Nations Unies pour la Sierra Leone qui a eu à juger d'enfants soldats qui avaient commis les pires crimes, en leur qualité d'enfants soldats. Comment fallait-il les traiter ? Comme auteurs ou comme victimes ? La jurisprudence imposée par cette cour et constante depuis lors est de considérer ces enfants comme des victimes des adultes qui les ont enrôlés.

23 Doc. A/CONF.183/9.

24 http://www.unicef.fr/mediastore/7/3107-4.pdf

La seconde incidence de l'OPAC sur la Justice Juvénile est la question des enfants victimes des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, notamment du fait d'avoir été enrôlés de force, ou volontairement, mais en profitant des circonstances : il y a eu un célèbre procès celui de Thomas Lubanga25, convaincu de crimes de guerre, soit de deux chefs d'accusation pour enrôlement et conscription d’enfants de moins de 15 ans ; le 14 mars 2012, la Cour pénale internationale a rendu son premier verdict en le déclarant coupable de conscription et d’enrôlement d’enfants de moins de 15 ans, et du fait de les avoir fait participer à des hostilités.

Et évidement le récent et symbolique jugement de Charles Taylor, devenu le premier ex-chef d'État à être condamné pour crimes contre l'humanité et crime de guerres depuis le procès de Nuremberg26 !

b) l'OPSC

Durant les 10 ans de travaux préparatoires à la Convention, les législateurs ont beaucoup insisté sur la protection de l’enfant contre l’exploitation économique et sexuelle, contre les abus en tous genre, notamment dans le domaine sexuel et contre toutes formes de violence ; ils ont pensé que les mesures de protection prévues par les différentes dispositions de la Convention, notamment par les articles 32, 34, 35 et 36 étaient suffisantes. Ils n’ont pas imaginé - et personne ne pouvait le faire à l’époque - les développements extraordinaires qu'allaient offrir des nouvelles technologies, ni surtout les effets pervers de leur utilisation. 1989 est l'année de l'ouverture publique du www., réservé jusqu'alors aux militaires et à leurs services de renseignements.

Par ailleurs, jusqu'au congrès de Stockholm en 1996, l’on maintenait un solide couvercle sur toutes les formes de prostitution infantile, de traite et de tourisme sexuel. On se focalisait avant tout sur le travail des enfants, grâce aux travaux de l’OIT. A Stockholm, les Etats et les différents acteurs ont enfin pris conscience de l’étendue du phénomène d’exploitation sexuelle et ce n’est qu’après la vulgarisation du système Internet et l’ouverture à tous de la technique d’accès aux sites les plus divers que l’on a compris l'ampleur et la variété des mauvais usages des connections non contrôlées et de l’ouverture d’une multitude de sites pédophiles, où l’enfant était considéré comme l’acteur principal ; la pornographie enfantine entrait dans le monde globalisé et interconnecté… par la lucarne d’un PC ou d’un portable.

25 http://french.lubangatrial.org/

26 https://www.hrw.org/fr/news/2012/04/26/sierra-leone-la-condamnation-de-lex-president-liberien-charles-taylor-est-un-pas

La Communauté internationale a donc décidé de pallier les lacunes de la Convention, en promulguant un Protocole additionnel à la Convention, facultatif destiné à étendre la protection due aux enfants, en définissant très précisément les actes de vente d’enfants, de prostitution des enfants et de pornographie mettant en scène des enfants.

Ce Protocole revêt véritablement un caractère pénal et a donc une importance réelle en Justice Juvénile, puisqu'il définit très clairement les actes punissables : Article 2

Aux fins du présent Protocole:

a) On entend par vente d'enfants tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant es remis par toute personne ou de tout groupe de personnes à une autre personne ou un autre groupe contre rémunération ou tout autre avantage;

b) On entend par prostitution des enfants le fait d'utiliser un enfant aux fins d'activités sexuelles contre rémunération ou toute autre forme d'avantage;

c) On entend par pornographie mettant en scène des enfants toute représentation, par quelque moyen que ce soit, d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles explicites, réelles ou simulées, ou toute représentation des organes sexuels d'un enfant, à des fins principalement sexuelles.

L'article 3 énumère en détails les comportements associés à ces infractions, comme le fait de détourner l'adoption internationale, la vente d'organes, la détention, diffusion et offre de matériel pornographique, etc...

L'OPSC ouvre aussi le champ de la Juridiction extraterritoriale à son:

Article 4

1. Tout État Partie prend les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées au paragraphe 1 de l'article 3, lorsque ces infractions ont été commises sur son territoire ou à bord de navires ou d'aéronefs immatriculés dans cet État.

2. Tout État Partie peut prendre les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des infractions visées au paragraphe 1 de l'article 3, dans les cas suivants:

a) Lorsque l'auteur présumé de l'infraction est un ressortissant dudit État, ou a sa résidence habituelle sur le territoire de celui-ci;

b) Lorsque la victime est un ressortissant dudit État.

3. Tout État Partie prend également les mesures propres à établir sa compétence aux fins de connaître des infractions susmentionnées lorsque l'auteur présumé de l'infraction est présent sur son territoire et qu'il ne l'extrade pas vers un autre État Partie au motif que l'infraction a été commise par l'un de ses ressortissants.

....

L'OPSC soutient aussi les procédures d'extradition:

Art. 5

1. Les infractions visées au paragraphe 1 de l'article 3 sont de plein droit comprises dans tout traité d'extradition en vigueur entre les États Parties et sont comprises dans tout traité d'extradition qui sera conclu ultérieurement entre eux, conformément aux conditions énoncées dans lesdits traités.

2. Si un État Partie qui subordonne l'extradition à l'existence d'un traité est saisi d'une demande d'extradition par un autre État Partie avec lequel il n'est pas lié par un traité d'extradition, il peut considérer le présent Protocole comme constituant la base juridique de l'extradition en ce qui concerne lesdites infractions. L'extradition est subordonnée aux conditions prévues par le droit de l'État requis.

... Et enfin, l'OPSC donne un statut à l'enfant victime à son fameux article 8 :

Article 8

1. Les États Parties adoptent à tous les stades de la procédure pénale les mesures nécessaires pour protéger les droits et les intérêts des enfants victimes des pratiques proscrites par le présent Protocole, en particulier:

a) En reconnaissant la vulnérabilité des enfants victimes et en adaptant les procédures de manière à tenir compte de leurs besoins particuliers, notamment en tant que témoins;

b) En tenant les enfants victimes informés de leurs droits, de leur rôle ainsi que de la portée, du calendrier et du déroulement de la procédure, et de la décision rendue dans leur affaire;

c) En permettant que les vues, les besoins ou les préoccupations des enfants victimes soient présentés et examinés au cours de la procédure lorsque leurs intérêts personnels sont en jeu, d'une manière conforme aux règles de procédure du droit interne;

d) En fournissant une assistance appropriée aux enfants victimes à tous les stades de la procédure judiciaire;

e) En protégeant, s'il y a lieu, la vie privée et l'identité des enfants victimes et en prenant des mesures conformes au droit interne pour prévenir la diffusion de toute information pouvant conduire à leur identification;

f) En veillant, le cas échéant, à ce que les enfants victimes, ainsi que leur famille et les témoins à charge, soient à l'abri de l'intimidation et des représailles;

g) En évitant tout retard indu dans le prononcé du jugement et l'exécution des ordonnances ou des décisions accordant une indemnisation aux enfants victimes.

....

On se rend ainsi compte de l'importance en matière de Justice Juvénile de ce Protocole facultatif, qui même s'il a un champ restreint (vente, prostitution, pornographie) a inspiré de très nombreuses interprétations d'autres instruments internationaux, notamment en définissant clairement la notion de juridiction extraterritoriale et en établissant le statut de la victime enfant.

c) L'OPIC

Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications est le plus récent des Protocoles et constitue la pièce qui manquait encore à l'édifice "droits de l'enfant", puisqu'il permet une justiciabilité internationale des droits de l'enfants et assoit la redevabilité des Etats et des acteurs non étatiques en cas de violations des droits des enfants, sous la juridiction des Etats qui ont ratifié ce protocole (25 en février 2016).

En effet, jusqu'alors la CDE avait institué pour surveiller l’application des droits de l’enfant un Comité, doté de compétences décrites aux arts. 43 à 45, dont la tâche principale est d’examiner les rapports périodiques des Etats parties. Dès le départ, la possibilité d’une procédure de communications avait été évoquée et défendue par les ONGs, mais n’avait pas trouvé d’écho favorable de la part des Etats, si bien que le Comité des droits de l’enfant (ci-après le Comité) ne disposait d’aucune compétence de recevoir des communications individuelles ou étatiques, ni celle de mener des enquêtes. Situation unique puis que tous les autres organes de traité sont dotés de compétences en matière de communications individuelles ou étatiques. L'acceptation de l’UNGA (décembre 2011) de la résolution destinée à mettre en place cet OPIC a ouvert cet instrument à signature, puis à ratification des Etats, pour une entrée en vigueur pour 2014, après 10 ratifications.

Le principal acquis du Protocole réside, sans aucun doute, dans la possibilité de communications (ou plaintes) individuelles devant le Comité. Une plainte pourra être déposée par ou au nom de particuliers ou groupes de particuliers qui allègue(nt) une violation des droits énoncés dans la CDE ou dans les deux protocoles facultatifs s’y rapportant (art. 5, para. 1). La compétence du Comité de recevoir et examiner des communications individuelles couvre ainsi les trois instruments principaux (CRC, OPAC et OPSC) sans possibilité d’exclusion pour les Etats parties à plusieurs de ces traités.

Un deuxième élément important : la procédure d’enquêtes qui permettra au Comité d’entrer en action dès qu’il aura reçu des informations sérieuses sur des violations graves ou systématiques de la Convention ou des deux protocoles

facultatifs. Les arts. 13 et 14 réglementent le déroulement et le suivi de la procédure d’enquêtes.

Revenant sur les communications individuelles : par rapport à la recevabilité des plaintes, l’art.7 énumère les différents critères, sa structure et son contenu s’inspirent des autres mécanismes existants. Pour être recevable, une plainte doit donc répondre aux critères standards : elle ne doit pas être anonyme (lit. a), ni constituer un abus de droits (lit. c), ni être mal fondée (lit. f). Elle doit aussi suivre la règle de l’exception des recours parallèles ou successifs (lit. d) et la règle de la non-rétroactivité (recevabilité « ratione temporis », lit. g). La règle de l’épuisement des recours internes (lit. e), a également été maintenue dans le texte.

La question de la représentation de l’enfant a occupé de longues discussions et a finalement été traitée dans la partie sur les dispositions générales (art. 3).

De plus, le projet prévoit l’intégration des grands principes de la CDE (intérêt supérieur et droit d’être entendu), l’idée d’une procédure « childfriendly », la possibilité de mesures conservatoires, la protection des victimes et la confidentialité. Des règles de procédure ont été adoptées par le Comité.

Il est clair que ce Protocole entre clairement dans le champ de la Justice Juvénile. Cette nouvelle compétence apparaît comme complémentaire au système de contrôle sur rapports classique pratiqué par le Comité, car les plaintes individuelles peuvent remplir trois importantes fonctions : l’étude de cas individuels sur des violations précises de droits doit conduire à faire cesser la violation et/ou même amener des compensations aux victimes ; le résultat de l’examen d’une communication ne profite pas uniquement à la victime de la violation, mais peut amener aussi des modifications de la législation et des pratiques internes des Etats ; enfin, une communication individuelle peut parfois révéler des atteintes graves et/ou systématiques de certains droits dans un Etat donné.

Enfin, n’oublions pas que l’exigence d’avoir épuisé les voies de recours internes a très souvent comme effet de conduire les Etats à mettre en place des instances domestiques, pour éviter un accès direct à l’organe de traité.

Pour mettre en place le traitement des plaints individuelles, le Comité a adopté un véritable code de procédure27, qui s'il s'inspire largement des procédures des autres organes de traité, a décidé d'un chapitre premier original et largement inspiré par les principes généraux de la Convention, comme :

27 Règlement intérieur au titre du Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications, adopté à sa 62e session (février 2013)

Article 1er

1. Dans l’exercice de toutes les fonctions qui lui sont conférées par le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant établissant une procédure de présentation de communications (le Protocole), le Comité est guidé par le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ou des enfants. Il prend également en considération les droits et l’opinion de l’enfant ou des enfants, en accordant à l’opinion de l’enfant ou des enfants le poids voulu compte tenu de l’âge et du degré de maturité de l’intéressé ou des intéressés.

2. Ce faisant, le Comité prend toutes les mesures voulues pour que l’enfant ou les enfants ne soient pas l’objet de pressions inopportunes ou de tentatives de persuasion de la part de ceux qui agissent en leur nom.

Il traite ensuite du principe de la promptitude, de la confidentialité et des mesures de protection. Ce chapitre est totalement dans la ligne d'une justice adaptée aux enfants et respectueuse des droits énoncés par la CDE.

Dans le domaine qui nous occupe, l'on sait que les violations des droits viennent souvent de l'Etat lui-même et de ses agents dans l'utilisation de la force, le recours à des peines non intégratrices, l'absence de garanties procédurales...ou le non respect de la législation en vigueur.

Intéressant aussi de noter que la négation du droit de l'enfant à disposer d'une justice spécifique et spécialisée pourrait certainement faire l'objet d'une communication individuelle auprès du Comité de Genève !

Dans le document La question des âges en justice juvénile (Page 32-39)