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Dimensions en justice juvénile

Dans le document La question des âges en justice juvénile (Page 154-157)

LA QUESTION DES ÂGES EN JUSTICE JUVÉNILE

3. Dimensions en justice juvénile

Les systèmes de justice juvénile peuvent être analysés à partir de cinq dimensions qui concernent la définition des infractions, la responsabilité pénale, la procédure pénale, l'imposition des sanctions/mesures et l’exécution des sanctions/mesures. Au sein de chaque dimension, on peut aborder la question de la manière de différencier entre les adultes et les enfants.

Définition des infractions : Cette dimension concerne la criminalisation des comportements qu’il faut punir ou sanctionner et constitue l’entrée de l’enfant dans le champ pénal13. Le droit pénal prévoit un seul catalogue de comportements, généralement inscrits dans un code pénal, qui définit les actes

12 Trépanier, J. 2007. Children's Rights in Juvenile Justice: A Historical Glance. In A. Alen, H. Bosly, M De Bie et al., eds., The UN Children’s Rights Convention: Theory Meets Practice. Antwerpen: Intersentia, 2007, p.

509-529.

13 T. MOREAU, La responsabilité pénale du mineur en droit belge, Revue internationale de droit pénal, 2004, Vol. 75, 199.

répréhensibles tant pour les adultes que pour les enfants. En absence de deux codes pénaux séparés, les enfants et les adultes peuvent être poursuivis, accusés ou convaincus pour les mêmes infractions (allant du vandalisme et vol jusqu'au brigandage et meurtre) pour lesquelles les mêmes conditions, matérielles et intentionnelles, doivent être remplies.

Dans plusieurs systèmes de justice juvénile, certains actes sont considérés comme une infraction et pénalisés seulement s’ils sont commis par des personnes au-dessous d'un certain âge, comme par exemple le vagabondage ou la prostitution. D'un point de vue normatif, ces infractions de statut sont contraires aux standards internationaux, en particulier les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad) de 1990 qui demandent aux états d'adopter « des textes disposant que les actes non considérés comme délictuels ou pénalisés s'ils sont commis par un adulte ne devraient pas être sanctionnés s'ils sont commis par un jeune », ceci afin de « prévenir toute stigmatisation, victimisation et criminalisation ultérieures des jeunes »14.

La situation inverse, où un acte constitue une infraction seulement lorsqu’il est commis par un adulte mais pas par un mineur, n'est que rarement abordée dans les discussions sur la justice pénale pour mineurs. Cette situation existe par exemple dans le Code pénal suisse qui criminalise les actes d'ordre sexuels sur un enfant de moins de 16 ans, sauf si la différence d’âge entre les participants ne dépasse pas trois ans (Article 187, al. 2 du Code pénal suisse). Selon cette disposition, si deux jeunes personnes de 15 et de 17 ans ont consenti à des relations sexuelles, ces actes ne constituent pas pour eux une infraction au code pénal, parce que la différence d'âge ne dépasse pas trois ans. Par contre, une personne de 19 ans qui entretient des relations sexuelles consentantes avec une personne de 15 ans pourra être poursuivie à cause de la différence d'âge de plus de trois ans entre les deux acteurs. Un même acte avec le même consentement des deux personnes constituera donc une infraction ou non suivant la différence d'âge entre les protagonistes. Autrement dit, pour un jeune, entretenir des relations sexuelles consentantes avec un autre jeune ne constitue pas une infraction, contrairement aux adultes (en tout cas à partir de 19 ans) pour qui le fait d'avoir des relations sexuelles consentantes avec une partenaire au-dessous de 16 ans constitue une infraction et est punissable par la loi.

Responsabilité pénale : En droit pénal, pour qu’un acte constitue une infraction, deux conditions doivent être réunies, une matérielle et une intentionnelle (ou morale). La première condition porte sur les faits matériels de l'infraction : la

14 Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), Adoptés et proclamés par l'Assemblée générale de l'ONU dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990, para. 56.

personne doit avoir commis l’acte duquel elle est accusée. La seconde condition porte sur l'élément intentionnel et se réfère à l’état d’esprit (mens rea) de l'accusé qui doit avoir agi de son propre gré et ne pas avoir été forcé à commettre l’acte. En plus, l'accusé devait savoir qu’il ne devait pas faire ce qu’il a fait, et ne pas avoir agi dans un état inconscient, par exemple à cause d'une atteinte cérébrale temporaire ou à cause de son très jeune âge.

A quel âge les enfants devraient-ils être considérés comme pénalement responsables ? Est-ce à 18, l’âge de la majorité civile et pénale ? Ou doit-on fixer l’âge minimum de la responsabilité pénale plus bas, à 16, 14, 12 ans, ou déjà à 7 ans ? D’un point de vue normatif, la CDE prescrit dans son Article 40, 3, a) que les états doivent établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants sont présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale. Le Comité des droits de l’enfant a interprété cette disposition, qui n’indique pas elle-même un âge précis, en fixant l’âge minimum absolu de responsabilité pénale à 12 ans.15 Procédure pénale : Cette dimension concerne les procédures judiciaires qui permettent d'appliquer le droit pénal et considère entre autre les instances judiciaires, spécialisées ou non, qui sont compétentes pour juger les infractions commises par des jeunes, ainsi que les garanties de procédure.

Imposition des sanctions/mesures : Suite à une infraction imputable au mineur, il pourra faire l’objet d’une réaction sociale sous forme d’une sanction ou d’une mesure. Cette réaction sociale peut être punitive, éducatrice ou restauratrice ; et peut être plus ou moins en adéquation avec l'infraction commise, la personnalité de l’auteur ou encore les préjudices subis par la victime. Leur jeune âge donne-t-il aux mineurs le droit à une réduction spéciale, par exemple celui de payer la moitié du tarif comme c’était le cas dans les Codes pénaux français et belges au 19ème siècle ? Certaines sanctions/mesures sont-elles plus adaptées pour des enfants que pour des adultes ? Ou, inversement, est-ce qu’il y a des peines qui ne peuvent pas être imposées au-dessous d’un certain âge, comme c’est par exemple le cas en Suisse ou des jeunes peuvent être condamné à une peine privative de liberté seulement s’ils ont commis un crime ou un délit après leurs 15 ans ? (cf. art. 25, 1 de la Loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 20 juin 2003)

Exécution des sanctions/mesures : Une dernière dimension concerne les conditions d’exécution des sanctions et mesures prononcées à l’égard des mineurs, ainsi que les entités chargées de leur mise en œuvre. Quelles sont par exemple les conditions de vie et le régime de liberté ou de semi-liberté applicable dans les institutions qui accueillent les jeunes ? Dans le cas d’une

15 COMITÉ DES DROITS DE L'ENFANT, Observation générale No. 10 (2007) Les droits de l’enfant dans le système de justice pour mineurs (CRC/C/GC/10) 25 avril 2007. para. 36

peine privative de liberté, est-ce que les enfants doivent toujours être séparés des adultes, comme le prescrit le droit international ? Ou des exceptions sont-elles possibles ? Par exemple, l’article 37 c) de la CDE qui concerne la privation de liberté stipule que « (…) tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l’on estime préférable de ne pas le faire dans l’intérêt supérieur de l’enfant, et il a le droit de rester en contact avec sa famille par la correspondance et par des visites, sauf circonstances exceptionnelles. »

Les questions des âges en justice juvénile ne se limitent pas à un seul élément, mais naviguent le plus souvent entre deux ou trois dimensions différentes. La distinction analytique entre ces dimensions permet de rendre les prises de positions plus claires, par exemple de différencier l’âge minimum pour imposer des peines privatives de liberté (imposition des sanctions/mesures) de l’âge de la responsabilité pénale, ou encore de séparer le débat sur la définition des infractions, qui sont généralement les mêmes pour les enfants que pour les adultes, des procédures pénales applicables aux enfants et aux jeunes.

Dans le document La question des âges en justice juvénile (Page 154-157)