• Aucun résultat trouvé

De l’usage de l’indication géographique

1.2. Différents régimes de protection des noms géographiques

1.2.1. Protection des noms géographiques par le régime des marques

Une marque est un signe ou une combinaison de signes pouvant être des mots, lettres, chiffre ou éléments figuratifs, propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (art. 15 de l’accord ADPIC). Bien que l’ADPIC ne considère que les marques de fabrique ou de commerce (que nous appellerons marques individuelles), la plupart des pays distinguent dans leur législation deux types de marques : les marques individuelles et les marques de nature collective (simples ou de certification). Nous commençons d’abord par souligner les points communs à ces différents types de marques et nous identifions ensuite certaines particularités de leurs fonctionnements respectifs.

Deux critères de validité conditionnent l’enregistrement d’une marque, quel que soit son type. Le signe proposé à l’enregistrement ne doit pas être déceptif, c'est-à-dire susceptible de tromper les consommateurs sur la nature, la qualité ou l’origine géographique du produit ou du service qui le porte. En outre, le signe doit être distinctif (et non descriptif), c'est-à-dire que la marque ne peut pas consister en une simple description du produit. Une dénomination géographique pouvant être entendue comme un élément descriptif, notamment lorsqu’elle est associée au nom du produit (par exemple « Miel de menthe de Mèo Vac » au Vietnam), il conviendra alors de la combiner avec un élément figuratif (dessin, logo…). On parle alors de marque complexe (dénomination et logo/dessin), qui satisfait au critère de distinctivité. Pour Vandecandelaere et al. (2009), c’est bien cette combinaison avec un logo qui permet la protection des noms géographiques par le système de marques dans certains pays. Un autre point commun aux marques porte sur la durée de la protection et la nécessité de renouveler l’enregistrement une fois la période écoulée. Une marque est enregistrée pour une durée d’au moins sept ans (art. 18 de l’accord ADPIC). Dans la plupart des pays, cette durée est de dix ans à l’issue desquels l’enregistrement doit être renouvelé (plusieurs fois si nécessaire).

Une marque individuelle permet au titulaire de signaler ses produits afin de les distinguer sur le marché de ceux de ses concurrents. Cet enregistrement ne soumet aucunement les produits porteurs de la marque au respect de certains critères66. L’usage d’une marque individuelle est réservé au titulaire et, le cas échéant, aux entreprises autorisées grâce à une licence. Comme nous l’avons mentionné, le caractère déceptif d’une marque constitue un motif de refus d’enregistrement (risque de tromperie des consommateurs). Une marque individuelle contenant des termes géographiques pourrait générer une confusion dans l’esprit des consommateurs quant à la véritable origine du produit. Même si la

66 Dans la plupart des pays, le droit prévoit toutefois la possibilité d’ajouter un règlement d’usage contenant des conditions particulières à respecter pour utiliser la marque. En pratique, l’établissement de ce type de règlement pour une marque individuelle est extrêmement rare.

Partie 1 - Chapitre 3 - De l’usage de l’indication géographique

134

provenance réelle du produit est mentionnée, des marques indiquant « Roquefort » pour un fromage, ou « Parma » pour un jambon sec, risquent fortement d’induire le public en erreur. De telles marques seront alors considérées comme déceptives et ne pourront pas être enregistrées comme marque individuelles. En somme, bien que l’enregistrement de noms géographiques en tant que marques individuelles ne soit pas formellement interdit dans nombre de pays, en pratique, l’obligation pour le signe d’être non déceptif explique que ces enregistrements soient extrêmement rares. La marque individuelle n’offrant aucune garantie quant à la qualité des produits, ce signe n’est donc pas pertinent pour résoudre les problèmes d’information exposés à la section I. du chapitre 2.

Les marques de nature collective comprennent les marques collectives simples et les marques de certifications. Elles se distinguent des marques individuelles par l’existence d’un règlement d’usage. Les pays protégeant les dénominations géographiques par le système des marques généralement ont recours aux marques de nature collective. C’est notamment le cas des États-Unis qui protègent les noms géographiques par la marque de certification67. En France en revanche, bien que le droit n’exclue pas la protection des dénominations géographiques par les marques collectives, cette utilisation reste marginale. Pour Le Goffic (2010), ceci s’explique par le fait que leur fonctionnement n’est pas suffisamment clairement défini68 et que le droit français et communautaire ne coïncident pas.

Une marque collective simple peut être utilisée par les membres d’un groupe défini (ce qui la différencie d’une marque individuelle). Cette marque permet donc de distinguer les produits offerts par les membres du groupe de ceux proposés par les non membres. Une marque collective s’accompagne d’un règlement d’usage, établi par le déposant, qui définit les conditions d’accès à la marque, c'est-à-dire les conditions à remplir pour obtenir le statut de membre du groupe d’utilisateurs. Le contenu du règlement d’usage est totalement libre, il peut donc comporter des éléments relatifs à la qualité ou à l’origine des produits, mais ce n’est pas une nécessité. Les règlements d’usage de marques collectives simples comportent généralement des dispositions minimales, expliquant la marche à suivre pour devenir membre du groupe d’utilisateurs. À l’instar de la marque individuelle, « la marque collective n’a, en soi, aucune fonction de garantie des produits » (Le Goffic, 2010, p. 60). Elle ne permet donc pas

67 Pour les vins, un système particulier s’applique au travers des appellations of origin. Le droit américain distingue les appellations of origin simples (correspondant à délimitations administratives : État, comté, plusieurs États ou comtés…), des American Viticultural Areas (AVA) qui sont plus qualifiantes du fait d’une délimitation de l’aire de production davantage fondée sur la notion, certes atténuée, de terroir. Toutefois, le droit américain n’exige pas de cahier des charges pour les produits issus des AVA, l’accent est seulement mis sur l’homogénéité des conditions de la zone de production.

68 En France, la différence entre marque collective et marque de certification n’était pas clairement établie dans le droit avant 1991. La loi n° 91-7 met fin à cette confusion en définissant plus précisément les deux catégories.

Partie 1 - Chapitre 3 - De l’usage de l’indication géographique

135

d’informer les consommateurs sur la typicité d’un produit et semble donc peu adaptée pour résoudre les problèmes d’information à la section I. du chapitre 2.

Une marque de certification est un type particulier de marque collective. Apposée sur un produit, elle signale que ce dernier a fait l’objet d’une vérification de sa conformité à certains critères. Ces critères sont inscrits dans le règlement d’usage, établi par le titulaire, dont le contenu est libre. Le règlement d’usage peut contenir des éléments concernant la méthode de production, des caractéristiques des produits et peut éventuellement inclure l’origine géographique. Contrairement à la marque collective simple dont le fonctionnement repose sur un contrôle des membres (entreprises, producteurs, distributeurs…), la marque de certification repose sur un contrôle des produits. Le règlement d’une marque de certification a donc un rôle plus important que celui d’une marque collective simple en ce qui concerne l’information sur la qualité des produits.

Contrairement à une marque individuelle ou collective simple, le titulaire d’une marque de certification ne peut pas être celui qui l’utilise69. Cette règle peut paraître étrange au premier abord, mais elle se justifie aisément si l’on considère la nécessaire impartialité du titulaire qui sera aussi celui qui coordonne les contrôles de conformité. Les titulaires de marques de certification sont fréquemment des organismes publics ou des associations de producteurs (plus rarement des entreprises). Tout producteur demandant la certification et dont les produits sont certifiés conformes peut utiliser la marque de certification. Ce système de vérification des produits pour les marques de certification en fait l’outil du régime des marques le plus proche du système européen des AOP/IGP70 (Le Goffic, 2010).

Nous avons vu les points communs et les particularités de trois types de marques (individuelles, collectives simples et de certification). Les règlements d’usage de marques de nature collective ne sont en aucun cas tenus d’inclure une condition sur l’origine géographique des produits. Lorsque c’est le cas, la législation ne contraint pas les titulaires à prouver l’existence d’un lien entre cette origine géographique et les qualités du produit. En revanche, les systèmes de protection sui generis (sous-partie suivante) insistent sur cette preuve du lien à l’origine qu’il est nécessaire de fournir pour tout enregistrement.

69 Par exemple dans la législation française, selon les articles L. 715-2 et L. 715-3 du Code de la propriété intellectuelle, le titulaire de la marque de certification doit être « une personne morale qui n’est ni fabricant, ni importateur, ni vendeur des produits ».

70 Plusieurs dénominations réputées et protégées comme indication géographique dans leur pays sont enregistrées comme marque de certification aux États-Unis, citons par exemple le thé Darjeeling indien, le fromage français Roquefort, ou le fromage italien Parmigiano-Reggiano.

Partie 1 - Chapitre 3 - De l’usage de l’indication géographique

136