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3. La protéine prion

3.1 La protéine PrP

La purification des fractions infectieuses à partir de cerveaux de hamsters a permis de découvrir que la protéine prion, PrP, existait de manière naturelle chez l’hôte et s’accumulait sous forme pathologique (PrPres) au cours des ESST, unique marqueur moléculaire de ces maladies (Prusiner, 1982).

3.1.1 Le gène codant la PrP

Dans les années 1980, le gène baptisé Sinc (pour Scrapie incubation period) a été décrit comme principal responsable de la susceptibilité des animaux à l’infection (Bruce and Dickinson, 1987). Par la suite, Oesch a isolé de façon plus précise le gène de la PrP chez le hamster (Oesch et al., 1985). Ce sont les travaux de Westaway (Westaway et al., 1987) et Moore (Moore et al., 1998) qui ont permis de démontrer que le gène de la PrP et Sinc étaient identiques.

Ce gène est localisé sur le bras court du chromosome 20 chez l’homme (PRNP), le chromosome 2 de la souris (Prnp) ou le chromosome 13 de l’ovin et du bovin (Prnp). Un gène homologue a été décrit chez le poulet (Harris et al., 1993b), la tortue (Simonic et al., 2000), le saumon (Gibbs et Bolis, 1997) et certains invertébrés comme le nématode, la drosophile et les levures (Prusiner, 1991).

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La conservation du gène au cours des millions d’années d’évolution indique une fonction essentielle pour ce gène. Un analogue de Prnp a été identifié en aval de celui-ci, appelé Prnd, et codant pour la protéine Doppel (acronyme de « Downstream prion protein-like gene ») (Moore et al, 1999). Cette protéine partage des homologies structurales et biochimiques avec la PrPc. Dans certaines souches de souris PrP 0/0, la surexpression de Doppel induit des troubles neurologiques. Le niveau d’expression de Doppel est corrélé à l’intensité des lésions.

Dès lors, ce serait la présence de Doppel et non la perte de fonction de PrPc qui serait responsable de dégénérescence neuronale chez les souris PrP 0/0 (Rossi et al., 2001).

Le gène de la PrP est constitué de 1, 2 ou 3 exons selon l’espèce : 1 pour les primates non humains, les lapins et les oiseaux (Gabriel et al. 1992 ; Loftus et al., 1997), 2 pour l’homme (Figure 4) et le hamster (Basler et al., 1986 ; Liao et al., 1986) et 3 pour la souris, le bovin et le mouton (Inoue et al., 1997).

Pour toutes les espèces, la phase ouverte de lecture du gène de 759 à 792 nucléotides est contenue en totalité, dans le dernier exon qui est constitué d’environ 2000 nucléotides.

Figure 4 : Représentation de la structure du gène, de l’ARN messager et des structures primaires et secondaires de la PrP humaine (d’après Lee et al., 2003)

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La région promotrice ne possède pas de boîte TATA dans son promoteur mais des séquences riches en guanine/cytosine (4 motifs répétés CCGCCC) sites de fixation du facteur Sp1 caractéristiques des gènes de ménage (housekeeping gene). D’autres sites spécifiques pour AP-1 et AP-2 ont été identifiés (Baybutt et al., 1997 ; Mahal et al., 2001).

Cependant, il semble que d’autres séquences régulatrices existent puisque la PrP est exprimée de façon différentielle dans certains tissus et cellules et que les facteurs de transcription suscités ne semblent pas intervenir dans une régulation tissu-spécifique (Oesch et al., 1985).

Par ailleurs, la répression transcriptionnelle possible via Sp1 et la dépendance de l’activité du promoteur à la structure de la chromatine (Cabral et al., 2002) indiquent que l’expression de la PrPc est régulée. De plus, la description de la présence de 2 ARNm dans certains tissus périphériques chez le mouton dont l’un résulterait d’une polyadénylation alternative (Goldmann et al., 1999) renforce l’idée d’une régulation de l’expression du gène PrnP.

Dernièrement, une activation du promoteur via la voie de signalisation MEK1 (mitogen-activated protein kinase) suite à une stimulation par NGF (nerve growth factor) a été mise en évidence (Zawlik et al., 2006).

3.1.2 Polymorphisme et mutations

Chez l’homme, le polymorphisme le plus important se situe au niveau du codon 129 (méthionie ou valine) et semble associé à l’infection.

En effet, l’homozygotie pour la méthionine au codon 129 représente 85% des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob. Des polymorphismes au niveau des codons 171 et 219 ont également été décrits. De plus, des mutations ponctuelles et des insertions représentées dans la Figure 5 sont directement liées aux maladies humaines familiales (MCJ familiale, l’insomnie fatale familiale et le syndrome Gerstmann-Sträussler-Scheinker).

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La manière dont des mutations dans le gène PRNP peuvent devenir pathogènes pour l’homme n’est pas encore résolue. Ces mutations entraîneraient une conversion spontanée de PrPc en PrPres avec une fréquence suffisante pour causer une ESST (Riek et al., 1998 ; Swietnicki et al., 1998). D’autres études ont montré que lorsque l’on crée expérimentalement des mutations dans le gène PRNP, cela entraîne une neurodégénérescence sans nécessairement conduire à la présence de PrPsc (Muramoto et al., 1997).

Les polymorphismes bovins de Prnp sont peu connus. Une étude récente a montré que le risque d’infection par l’ESB est amplifié si les bovins présentent une délétion de 12 paires de bases dans la région régulatrice de Prnp (Juling et al., 2006).

Chez le mouton, les polymorphismes des codons 136 (Ala ou Val), 154 (Arg ou His) et 171 (Arg ou Glu) sont aussi associés à une sensibilité ou une résistance plus importante à la tremblante.

Chez la souris, des polymorphismes des codons 108 (Leu ou Phé) et 189 (Thr ou Val) influencent la période d’incubation pour une souche de scrapie (Barron et al., 2005).

Figure 5 : Position des différentes mutations et des différents polymorphismes au niveau du gène PRNP humain (d’après Collins et al., 2004 et Wadsworth et al., 1999)

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3.1.3 Structure de la protéine PrP

Les formes pathologique et normale de la PrP possèdent la même structure primaire, mais diffèrent par leurs structures secondaires et tertiaires.

A. La structure primaire

Chez l’homme, le gène PRNP code une glycoprotéine de 253 acides aminés. La chaîne polypeptidique de la PrPc, dont le nombre d’acides aminés varie selon l’espèce (254 chez le hamster et la souris, 256 chez le mouton et 269 chez le bovin), est composée de plusieurs domaines (Figure 4).

La protéine prion mature est composée de deux grands domaines : un domaine N-terminal, hautement flexible, et un domaine C-terminal globulaire et hydrophobe. La séquence complète de la structure primaire de la PrP humaine est composée :

ƒ d’un peptide signal à l’extrémité N-terminale de 22 acides aminés qui est rapidement clivé au niveau du reticulum endoplasmique

ƒ d’une extrémité N-terminale (du résidu 23 au résidu 91) composée d’une série de répétitions octapeptidiques riches en proline et en glycine dont le nombre varie en fonction de l’espèce. Cette région aurait une grande affinité pour les ions Cu++ et des sites de liaison pour les glycosaminoglycanes.

ƒ de la région 91-135 qui contient un domaine hydrophobe très conservé (résidus 110-135) correspondant à un site transmembranaire potentiel de la protéine. Cette région comprend également les acides aminés 106-126 dont le peptide correspondant a été souvent étudié en raison de ses propriétés neurotoxiques (pour revue, Forloni, 1996 ; Dupiereux et al., 2006).

ƒ du domaine C-terminal (du résidu 136 au résidu 231). C’est au niveau des acides aminés 181 et 197 que des N-glycanes peuvent être ajoutés lors de la maturation de la protéine, correspondant aux trois états de glycosylation de la protéine (non glycosylée, mono- ou diglycosylée). Il existe également plusieurs sites potentiels de O-glycosylation sur les sérines et les thréonines, mais à ce jour, aucun O-glycane n’a été isolé sur PrP.

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Deux cystéines en position 179-214 sont responsables de la formation d’un pont disulfure.

C’est également dans cette région que se trouve le site de liaison (144-179) de la PrP au précurseur du récepteur de la laminine qui semble jouer un rôle de récepteur (Hundt et al., 2001) et intervenir dans l’endocytose de la PrP.

Enfin, la sérine en position 231 permet la liaison d’un glycosylphosphatidylinositol (GPI) qui permet l’ancrage de la PrP au feuillet externe de la membrane plasmique (Stahl et al., 1987). Cet ancrage joue un rôle dans la pathogénie des ESST (Chesebro et al., 2005).

ƒ de la région 232-253, séquence hydrophobe clivée lors de la maturation de la protéine qui sert de signal à l’addition du GPI.

B. Structure secondaire et tertiaire

Des expériences de dichroïsme cellulaire et de spectroscopie infrarouge ont permis de déterminer la structure secondaire des protéines prions et ainsi d’estimer le pourcentage d’hélices α et de feuillets β (Caughey et al., 1991, Safar et al., 1993). La PrPc contiendrait 42

% d’hélices α et 3% de feuillets β, tandis que la PrPsc serait composée de 30 % d’hélices α et 43% de feuillets β.

Figure 6 : Structure tertiaire de la protéine prion cellulaire (à gauche) et infectieuse (à droite). Les flèches correspondent aux feuillets β.

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La structure bidimensionnelle de la PrPc a été étudiée par RMN sur des fragments d’une protéine recombinante de souris (Riek et al., 1998). Des études similaires sur la PrPc de différentes origines ont démontré qu’elle partageait la même conformation (Calzolai et al., 2005 ; Lysek et al., 2005).

Un domaine N-terminal non structuré est opposé à un domaine C-terminal composé de trois hélices α, au niveau des séquences 144-154, 173-194, 200-228, et de deux petits feuillets β anti-parallèles situés de part et d’autre de la première hélice α. Un pont disulfure stabilise la protéine en connectant les hélices α 2 et 3.

La structure tridimensionnelle dépend également de la présence des résidus glycosyls et de la partie N-terminale au niveau des octarepeats capables de lier le cuivre qui pourrait stabiliser la structure en hélice α (Miura et al., 1996). Cette structure tridimensionnelle de la PrPc, étudiée par RMN, est une structure monomérique. Or, plusieurs études ont montré que la PrP pouvait se dimériser par formation de ponts disulfures intramoléculaires ou intermoléculaires (Meyer et al., 2000 ; Jansen et al., 2001).

Les structures disponibles de la PrPsc déduites de données de dichroïsme circulaire, de FITR et de microscopie électronique indiquent que la PrPsc serait constituée de 2 hélices α et de 4 feuillets β (pour revue, Cohen et al., 1998.).

Par ailleurs, plusieurs études indiquent la formation de trimères (Wille et al., 2002 ; Riesner, 2003) puis de fibrilles (Govaerts et al., 2004).