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Les propositions du Comité des sages

b Le contrôle de la bonne fo

SECTION 2 : L’identification délicate des remèdes

A. Les propositions du Comité des sages

Dans le cadre de la réflexion menée sur le thème « Pour un urbanisme de projet », le Comité des sages propose un plan d’action qui vise à réduire le contentieux des autorisations d’urbanisme529. Ce plan d’action a pour objectif de « pallier l’absence de logements530 ». Ce plan vise à prévenir les contentieux et à sécuriser les procédures. Il vise, en outre, à accélérer le traitement des contentieux. Aussi, en vue de prévenir les contentieux et de sécuriser les procédures, le Comité des sages émet une douzaine de propositions qu’il convient de présenter (1.) avant d’en analyser la portée et limite (2.).

1)

Présentation des propositions

Le Comité des sages fait une douzaine de propositions dont un certain nombre est assez « éclectique » comme le souligne David GILLIG531. Deux catégories peuvent être distinguées. La première est composée des neuf premières propositions. Elle vise à prévenir et limiter le contentieux. La seconde catégorie vise à accélérer le traitement des procédures contentieuses.

529 GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-Urb., no 9,

sept. 2011, alerte 85.

530 Discours de clôture du séminaire « Urbanisme de projet » le 27 mai 2011.

531 Préc. GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-

Dans sa première préconisation, le Comité propose d’assurer un meilleur accès aux pièces du dossier de demande des autorisations d’urbanisme pendant l’instruction. Par une deuxième préconisation, il propose d’afficher en mairie les certificats d’urbanisme opérationnels pour permettre le déclenchement des délais de recours et rendre le certificat définitif. Sa troisième préconisation vise à permettre aux constructions de plus de dix ans, non contestées, de bénéficier d’une autorisation lors de leur extension ou de leur rénovation alors même que la preuve de l’autorisation initiale ne peut être apportée. Une quatrième préconisation vise à imposer au requérant d’expliciter dans sa requête la qualité lui donnant intérêt pour agir. Une cinquième vise à permettre de faire régulariser l’avis non motivé du commissaire- enquêteur, pour éviter l’annulation pour un vice de forme qui n’est imputable ni à l’autorité administrative, ni au maître d’ouvrage. Une sixième proposition vise à sensibiliser sur la possibilité offerte au juge administratif de prononcer des annulations partielles pour éviter l’annulation d’une décision dans sa totalité. Une septième vise à admettre l’utilisation de procédures alternatives à celles initialement prévues dans des cas bien précis. Une huitième vise à modifier l’article R. 111-21 du Code de l’urbanisme, pour informer le requérant sur l’étendue du contrôle du juge. Une neuvième proposition préconise l’augmentation du seuil maximal de l’amende pour recours abusif. Nous verrons en deuxième partie de cette section que l’amende pour recours suscite toujours la controverse et que son régime demeure débattu. Il en résulte un contexte peu propice au durcissement de cette amende.

Enfin, les trois dernières préconisations intéressent l’accélération du traitement des contentieux. Le Comité préconise d’une part d’inciter au recours à la conciliation, d’autre part de généraliser la fixation d’un calendrier prévisionnel d’instruction, et de sensibiliser les juridictions administratives pour que les ordonnances de désistement soient prononcées rapidement.

2)

Portée et limite de ces propositions

Ces douze propositions ne sont pas toutes satisfaisantes. Comme le souligne David GILLIG532, ces propositions ne semblent pas susceptibles d’atteindre l’objectif de prévention et d’accélération du traitement des recours contre les autorisations d’urbanisme en particulier lorsqu’ils sont malveillants. Toutefois, à contre-courant

d’une partie de la doctrine533, ces propositions ont le mérite d’exister et de faire avancer la réflexion. Il nous semble que le manque d’intérêt que peuvent présenter certaines de ces propositions n’est pas nécessairement un échec ou de la perte de temps mais est au contraire intéressant en ce qu’il permet de resserrer le champ des propositions pertinentes et de faire avancer la réflexion534.

Certaines de ces mesures sont, néanmoins, insatisfaisantes en ce qu’elles n’apportent pas les remèdes espérés de nature à sécuriser les autorisations d’urbanisme ou limiter les recours abusifs. Certaines de ces propositions ne peuvent pas utilement constituer des remèdes aux recours abusifs ni contribuer à renforcer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme. Il en est ainsi de la proposition d’affichage des certificats d’urbanisme ou encore de la proposition de la communication des pièces du dossier de demande d’autorisation d’urbanisme ou encore de l’information sur l’étendue du contrôle du juge.

Les autres propositions pèchent par leur date de fraîcheur En effet, ce comité « d’experts juridiques535 » ne semble pas très à jour du droit en vigueur. Par exemple, il propose de mettre en place une mesure de conciliation. Or, cette dernière existe déjà536. Pis encore, cette mesure n’a manifestement pas permis de prévenir ni d’endiguer le phénomène des recours abusifs en contentieux d’urbanisme. De la même manière, la possibilité pour le juge administratif de fixer un calendrier est déjà prévue537. Il en va encore de même pour ce qui est de « sensibiliser » les juges à l’annulation partielle déjà possible538

au moment où le Comité des sages fait ses

533 Ibid.

534 Après tout, Thomas Edison dut effectuer près de dix mille essais infructueux avant d’inventer

l’ampoule électrique, « Je n’ai pas échoué. J’ai simplement trouvé dix mille solutions qui ne fonctionnent pas », disait-il avec optimisme.

535 Préc. APPARU (B.), Déclaration sur les principaux axes de la réforme issue de la démarche

« Urbanisme de projet », Paris, 27 mai 2011, consultable sur discours.vie-publique.fr, rub. Les discours dans l’actualité.

536 Cf. Code de justice administrative, art. L 211-4, ancien : « Les tribunaux administratifs peuvent

exercer une mission de conciliation », il a été étendu depuis.

537

Cf. Code de justice administrative, art. R 611-11 : « Lorsque les circonstances de l’affaire le justifient le président de la formation de jugement peut, dès l’enregistrement de la requête, faire usage du pouvoir prévu au premier alinéa de l’article R. 613-1 de fixer la date à laquelle l’instruction sera close. Lors de la notification de cette ordonnance aux parties, celles-ci sont informées de la date prévue pour l’audience. Cette information ne tient pas lieu de l’avertissement prévu à l’article R. 711- 2. »

538 Code de l’urbanisme, art. L. 600-5 : « Lorsqu’elle constate que seule une partie d’un projet de

construction ou d’aménagement ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme est illégale, la juridiction administrative peut prononcer une annulation partielle de cette autorisation.

préconisations, puisque le juge administratif « pratique » déjà l’annulation partielle539 dans sa jurisprudence.

Seule la proposition visant à ce que les juridictions administratives prennent acte dans un délai bref du désistement de la requête présente un intérêt. En effet, à défaut de prévenir ou de neutraliser les contentieux abusifs, elle répond à l’objectif d’accélérer le traitement des contentieux d’urbanisme et est réaliste. En effet, comme le souligne David GILLIG, en pratique, trop souvent les ordonnances constatant les désistements sont rendues plusieurs semaines, voire plusieurs mois après le dépôt des actes de désistement. De tels délais sont incompatibles avec les impératifs des professionnels de l’immobilier, notamment les promoteurs, qui doivent justifier au plus vite de la délivrance d’un permis de construire définitif, c’est-à-dire purgé de tous recours540.

Enfin, s’agissant de la proposition d’augmenter le montant de l’amende pour recours abusif, si certains auteurs ont en leur temps loué cette mesure541, nous prendrons une fois de plus une position à contre-courant. Cette amende existe déjà et n’a pas permis d’éviter les contentieux abusifs. En outre, son existence et plus encore son application s’accommode mal du droit au recours comme le montre notre analyse en deuxième partie de cette section.

En conclusion des observations qui précèdent, l’identification des remèdes même pour un comité d’experts juridiques est une mission difficile. L’identification de tels remèdes relève-t-elle pour autant de l’utopie ? Pas nécessairement, les propositions permettent de mieux cadrer la réflexion et de la faire avancer. D’autres propositions plus ponctuelles et moins médiatiques font aussi avancer la réflexion et montrent elles aussi combien sécuriser les autorisations d’urbanisme contre les recours abusifs est une tâche complexe.

L’autorité compétente prend, à la demande du bénéficiaire de l’autorisation, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive. »

539 CE, 23 févr. 2011, SNC Hôtel de la Bretonnerie, no 325179, Rec. Lebon, T., p. 1068, 1104

et 1200 ; note SOLER-COUTEAUX (P.), RDI, 2011, p. 238 ; CORNILLE (P.), Constr.-Urb., 2011, no 52 ; obs. PERRIN (A.), RDA, 2001, no 54 ; obs. MORITZ (M.), JCP Adm., 2011, p. 2201.

540 Préc. GILLIG (D.), Le volet contentieux du chantier « Pour un urbanisme de projet », Constr.-

Urb., no 9, sept. 2011, alerte 85, spé. § 3.5.