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Les autres propositions alternatives

b Le contrôle de la bonne fo

SECTION 2 : L’identification délicate des remèdes

B. Les autres propositions alternatives

De nombreuses questions aux Ministres rédigées dans des termes similaires542 demandent au Gouvernement de bien vouloir examiner en urgence la possibilité et tous les moyens possibles pour remédier d’une part à la longueur des délais déraisonnables, suite aux recours des tiers à l’encontre des autorisations d’urbanisme, et d’autre part aux recours abusifs qui mettent à mal l’économie et privent des administrés d’un logement ou d’un local d’activité. Dans un premier temps, en février 2011, le Gouvernement n’est pas disposé à faire des propositions en ce sens et indique ne pas envisager de modifier l’état du droit existant543

. Mais face aux enjeux économiques et sociaux que pose la problématique des recours abusifs, le Gouvernement annonce, le 1er mars 2011, avoir saisi le Conseil d’État afin d’apporter un appui dans la définition des mesures complémentaires susceptibles de réduire le risque et d’améliorer le traitement des contentieux544. Face à la difficulté de trouver des solutions, des députés font aussi des propositions. Parmi celles-ci, se distinguent en particulier la proposition du référé recevabilité (1.) et la consignation (2.).

1)

Le référé recevabilité

S’agissant des délais de traitement des recours contentieux par les juridictions administratives contre les autorisations d’urbanisme, le député Joël REGNAULT propose de créer une procédure de référé-recevabilité545. Cette procédure permettrait, selon le député, aux tiers requérants d’obtenir du juge administratif une décision provisoire, dans des délais brefs, et au terme d’une instruction adaptée à l’urgence sans qu’il soit, par hypothèse, statué sur le fond.

Cette proposition séduisante en apparence a, certes, le mérite d’exister mais nous paraît contestable. L’imprécision de la question laisse libre cours à l’imagination du juriste d’envisager comment en pratique la procédure pourrait s’articuler. Il nous semble que cette procédure serait sans aucun doute une atteinte au droit au recours,

542

Q., 1er mars 2011, no. 94237 ; Q., 3 mai 2011, no 10605, Q., 20 mars 2012, no 131085.

543 Rép. min. no 15684 Q, JO Sénat 8 mars 2011, p. 2313. 544 Rép. min. no 93623 Q, JO Ass N. 1 mars 2011, p. 2048. 545 Q., no 130062, JO Ass N. 6 mars 2012, p. 2026.

sans pour autant apporter un gain de sécurité aux bénéficiaires des autorisations d’urbanisme. En effet, le problème des recours abusifs, c’est qu’ils ont en général a

priori l’apparence de ne pas en être. Ce qui revient à dire, que les requérants

malveillants passeraient presque sans difficulté ce filtre lequel, in fine, serait seulement un mécanisme de plus rallongeant encore des délais déjà dénoncés comme déraisonnables.

Nous n’avons pas trouvé la réponse à cette question. Et la proposition n’a pas été reprise dans la réforme. Au surplus, la question a été retirée en raison de la fin du mandat de son auteur.

2)

La consignation

Dans la même configuration que les autres questions aux Ministres que nous avons rappelées, à savoir des communes désemparées face aux recours abusifs qui ralentissent les chantiers de plusieurs années et freinent leur développement économique, social et urbanistique, le sénateur Jacques GAUTIER cherche un remède à ce phénomène546. S’adressant au Sénat et à la garde des Sceaux, Ministre de la Justice, en décembre 2012, le sénateur rappelle que les recours abusifs nuisent à la bonne administration de la justice et encombrent inutilement les juridictions administratives tout en malmenant le droit d’être jugé dans un délai raisonnable. Il rappelle notamment que des règles spécifiques ont été introduites.

En effet, à cette date ces règles sont déjà nombreuses. Ainsi, l’article L. 600-3 du Code de l’urbanisme impose au juge des référés de statuer dans un délai d’un mois lorsqu’il est saisi par une personne autre que l’État, la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale, d’une demande de suspension assortissant un recours dirigé contre une décision relative à un permis de construire ou d’aménager. L’article L. 600-5 du même Code donne quant à lui la possibilité au juge de prononcer une annulation partielle du permis et prévoit que l’autorité compétente peut prendre, à la demande du bénéficiaire du permis, un arrêté modificatif tenant compte de la décision juridictionnelle devenue définitive.

En outre, l’article R.*600-1 du Code de l’urbanisme impose aux tiers de notifier leurs recours au bénéficiaire de l’autorisation d’urbanisme. Cette mesure, reprise à l’article R. 411-7 du Code de justice administrative, a pour objectif de renforcer la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme.

Par ailleurs, l’article R. 424-19 du Code de l’urbanisme prévoit la suspension du délai de validité des autorisations en cas de recours devant la juridiction administrative contre le permis ou contre la décision de non-opposition à la déclaration préalable jusqu’au prononcé d’une décision juridictionnelle irrévocable, écartant ainsi la menace d’une éventuelle caducité de l’autorisation d’urbanisme litigieuse.

S’agissant des associations, l’article L. 600-1-1 du Code de l’urbanisme précise qu’une association ne peut introduire un recours contre un permis de construire que si le dépôt des statuts de l’association en préfecture est intervenu antérieurement à l’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. À ces règles spécifiques, s’ajoute l’exception à l’économie des moyens prévue par l’article L. 600-4-1 du Code de l’urbanisme. De plus, l’article R. 600-3 du Code de l’urbanisme prévoit qu’aucune action en vue de l’annulation d’un permis de construire ou d’aménager n’est recevable à l’expiration d’un délai d’un an à compter de l’achèvement de la construction ou de l’aménagement. Enfin, l’article R. 741-12 du Code de justice administrative prévoit une amende de 3 000 euros pour les auteurs de recours abusifs.

En dépit de ces mécanismes, les recours abusifs se multiplient et la sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme en souffre. Le sénateur souligne qu’il est du devoir du législateur de renforcer la procédure afin de responsabiliser les requérants dans la présentation de leurs recours. Il propose d’introduire une consignation comme élément nécessaire à la recevabilité de la requête, fixée par le juge administratif en fonction des ressources, correspondant à l’amende pouvant être infligée547.

Cette proposition apparemment facile dans sa mise en œuvre pourrait séduire précisément par sa simplicité. Mais là encore, si cette proposition a le mérite d’exister, elle nous paraît contestable en ce qu’elle met à mal le droit à l’accès au juge et constitue de ce fait une atteinte d’ordre pécuniaire au droit au recours qui a

valeur constitutionnelle et fondamentale. Cependant, une proposition de loi relative à l’encadrement des recours en matière de permis de construire a été déposée en juin 2011 à l’Assemblée Nationale548 en ce sens. Mais la proposition549 n’a pas abouti. Et cela nous paraît une bonne chose, car il ne nous semble pas qu’elle aurait permis de sécuriser les autorisations d’urbanisme, alors qu’en revanche, elle aurait constitué une atteinte certaine au droit au recours.

Le ministère de la Justice répond à cette proposition550 en octobre 2013. Il ne dit rien de la proposition du sénateur mais indique que le Gouvernement a missionné le groupe de travail présidé par Daniel LABETOULLE pour formuler les propositions pour lutter contre les recours abusifs tout en veillant à la préservation du droit au recours. Il indique, en outre, que le rapport de ce groupe de travail a été remis le 25 avril 2013. Il n’est pas question de développer davantage ces propositions dans cette partie consacrée aux remèdes inefficaces, puisqu’il nous semble que les propositions du rapport LABETOULLE constituent des remèdes réalistes et réalisables. Par ailleurs, le ministère indique que, sur la base de la loi d’habilitation no 2013-569 du 1er juillet 2013, une série de sept ordonnances pour faciliter la réalisation d’opérations d’aménagement et accélérer la construction de logements doivent permettre d’endiguer et de refréner les recours abusifs contre les autorisations d’urbanisme.

Les développements qui précèdent montrent que la question de la sanction pécuniaire est presque une solution réflexe quand il s’agit d’empêcher ou de punir. Et il est vrai que la plupart du temps, toucher au portefeuille, nerf de la guerre, est un remède efficace sinon dissuasif. Pourtant, en matière de droit administratif et plus précisément en matière d’urbanisme, la sanction pécuniaire d’un tiers ou l’obligation de consigner qui pourrait lui être faite pour vouloir exercer son droit au recours et son droit d’accès au juge pose un problème de droit.

548 Proposition de loi relative à l’encadrement des recours en matière de permis de construire : Doc

AN no 3483, 1er juin 2011 ; GILLIG (D.), Proposition de loi relative à l’encadrement des recours en matière de permis de construire, Constr.-Urb., no 9, sept. 2011, alerte 90.

549 La proposition de loi visait à instaurer une consignation comme élément nécessaire à la recevabilité

de la requête. Le montant de la consignation aurait été fixé par le juge administratif en fonction des ressources du requérant, sans pouvoir excéder 5 000 euros. Le cas échéant, le juge aurait pu dispenser le requérant de toute consignation, et la somme déposée lui aurait été intégralement reversée si la requête n’était pas abusive. Par ailleurs, l’amende que le juge administratif aurait pu infliger à l’auteur d’une requête estimée abusive aurait été portée de 3 000 à 5 000 euros.

II.

Le cas particulier de l’amende pour recours abusif

L’amende pour recours abusif existe parce que l’article R. 741-12 Code de justice administrative la prévoit. Nous avons indiqué plus haut que cette amende est inadéquate pour faire face à la multiplication des recours abusifs. D’une part, parce qu’elle n’a aucun effet dissuasif et d’autre part, parce qu’elle n’est, dans les faits, que rarement appliquée. Pourtant, le rapport PELLETIER préconisait son développement et le durcissement de son régime. Ce qui était, du reste, surprenant compte tenu des réserves doctrinales, plus que fondées, il nous semble, au sujet de cette amende. Aussi, il convient de présenter plus en détail le cadre juridique de cette amende (A.) avant de présenter la controverse que cette amende suscite et qui explique en partie pourquoi cette amende ne peut utilement être retenue au rang des remèdes à l’insécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme face aux recours abusifs des tiers (B.)