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Légiférer pour assouplir les contraintes excessives

b Le contrôle de la bonne fo

SECTION 2 : La sécurité juridique victime de sa clandestinité

A. Nécessité initiale de légiférer

2) Légiférer pour assouplir les contraintes excessives

Mise en application, la loi du 13 décembre 2000 pose des difficultés qui ralentissent la construction. Cela ressort du rapport FLEURIEU424 du 30 juin 2003 portant sur l’évaluation de l’intervention des services de l’État dans le domaine de l’application du droit des sols. Ce rapport dresse un bilan alarmiste. En effet, ce rapport relève que le droit est vécu comme une « contrainte pour les projets de construction des particuliers et des professionnels425 », comme une « activité qui comporte une part d’interprétation et d’arbitrage426

», comme un droit dont l’application est « difficile à contrôler et à sanctionner427 ».

Ce rapport fait un bilan négatif et alarmiste de la situation juridique et plus encore de la perception des politiques urbaines. Il se fait le relais de nombreuses observations acerbes entendues au cours des travaux préparatoires. Ces observations pointent le manque de visibilité de la stratégie de l’État, le manque de valorisation de l’activité en dépit des enjeux, le manque d’homogénéité du droit, le manque de lisibilité de la répartition des compétences, le manque d’information des professionnels, le manque de communication qui pourrait permettre d’éviter des conflits, le manque de prévisibilité des délais d’instruction, le manque de clarté des formulaires. Le rapport

421 Ibid. Titre 1er – Renforcer la cohérence des politiques urbaines, Sect.1, 6e « Simplifier les

procédures, améliorer l’information des citoyens et la sécurité juridique ».

422

SAVARIT-BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris, 2007, 1122 p., p. 941.

dénonce un droit complexe qui comporte des lacunes et le manque d’efficacité du dispositif de contrôle et de répression. En conclusion, le rapport propose deux grands axes d’amélioration428. Le premier axe s’articule autour d’une redéfinition d’une stratégie pour l’exercice des activités d’application du droit des sols en interne. Il s’agit essentiellement de clarifier les rôles et responsabilités des communes et services de l’État. Le second axe s’articule autour du développement d’une approche globale de service à l’usage en matière d’application du droit des sols. Il s’agit essentiellement d’améliorer l’accueil et le conseil, de prévoir les délais d’instruction, et enfin de « renforcer la sécurité juridique des opérations, simplifier et clarifier les conditions d’application du droit429

».

Influencé par ce rapport, et constatant que la loi du 13 décembre 2000 pose des difficultés qui ralentissent la construction, le législateur veut réagir et corriger le système mis en place par la loi du 13 décembre 2000 sans en bouleverser l’équilibre général. Cinq sources de difficultés sont identifiées dans l’exposé des motifs du projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction430 préalablement à l’adoption de la loi du même nom le 2 juillet 2003431. La première source de difficultés découle de la règle limitant l’extension de l’urbanisation en l’absence de schéma de cohérence territoriale, dans les communes situées à moins de 15 km des agglomérations et du littoral. La deuxième source de difficultés découle des risques juridiques liés à l’opposabilité directe des « projets d’aménagement et de développement durable » aux actes d’urbanisme. La troisième

424 FLEURIEU (de) (A.), Rapport sur l’évaluation de l’intervention des services du ministère de

l’Équipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer dans le domaine de l’application du droit des sols, 2003, 257 p.

425 Ibid. p. 4. 426 Ibid. p. 4. 427 Ibid. p. 5. 428 Ibid. p. 25. 429 Ibid. p. 30.

430 Projet de loi portant diverses dispositions relatives à l’urbanisme, à l’habitat et à la construction,

Doc. AN no 402, 27 nov. 2002, p. 3, exposé des motifs.

431

Loi no 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat (JORF no 152, 3 juill. 2003, p. 11176, texte no 1. LOI) ; V. commentaires : JEGOUZO (Y.), Les dispositions relatives à l’urbanisme de la loi du 2 juillet 2003, AJDA, 2003, p. 1607 ; SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1 ; Dossier AJDA : LEBRETON (J.-P.), Le contenu du plan local d’urbanisme après la loi du 3 juillet 2003, AJDA, no 29, 2003, p. 1542 ; SOLER-COUTEAUX (P.), L’ardente obligation du schéma de cohérence territoriale,

ibid., p. 1528 ; JACQUOT (H.), La gestion des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des POS/PLU, ibid., p. 1534 ; RAUNET (M.), Zone d’aménagement concerté et plan local d’urbanisme, ibid.,

source de difficultés découle, quant à elle, des incertitudes juridiques liées à la distinction entre révision et modification des plans locaux d’urbanisme. La quatrième source de difficultés évoquée résulte des difficultés à mettre en place la transition entre les plans d’occupation des sols et les plans locaux d’urbanisme. Enfin, la cinquième source de difficultés est financière, elle résulte de la mise en œuvre de la participation pour voies nouvelles et réseaux.

Afin de réagir à ces difficultés, le législateur veut assouplir les règles d’urbanisme. Il veut notamment permettre aux collectivités locales de dégager les terrains nécessaires à la construction de logements dans le respect des grands objectifs de la loi du 13 décembre 2000. Soucieux de procéder à des assouplissements censés relancer la construction, et ne pouvant pas rester sourd aux critiques amères relayées par le rapport FLEURIEU, le législateur veut lever des contraintes jugées excessives, simplifier, clarifier les dispositions législatives afin d’éviter que des ambiguïtés ou des incompréhensions ne retardent ou n’empêchent la réalisation de projets. Ce faisant, il reprend une partie des propositions du rapport FLEURIEU.

Cette réforme n’a pas surpris. Elle est alors attendue eu égard à l’accueil plus que réservé des élus locaux432. Elle est même annoncée par la circulaire du Ministre de l’Équipement du 21 janvier 2003. Moins en profondeur que la réforme du 13 décembre 2000, la loi porte tout de même sur un grand nombre d’articles433. Et les assouplissements annoncés dépassent parfois le toilettage pour ressembler à un détricotage partiel de la réforme de 2000.

Nous ne commenterons pas, ici, les quatre-vingt-dix-huit articles de la loi, mais nous nous bornerons à souligner que cette réforme en nuances était nécessaire pour remédier aux difficultés posées par la mise en œuvre de la loi du 13 décembre 2000 mais tout autant pour éteindre le foyer d’hostilité parmi les élus locaux434. Ce dernier objectif plus ou moins avoué de la réforme a eu pour conséquence que les correctifs

432 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la

lettre ; rupture dans l’esprit, RDI, 2004, p. 1.

433 Préc. SAVARIT-BOURGEOIS (I.), Remarque sur quelques dérives du droit de l’urbanisme, in Mélanges J.-F. LACHAUME, Le droit administratif : permanences et convergences, Dalloz, Paris,

2007, 1122 p., p. 941.

434 Préc. SOLER-COUTEAUX (P.), Après la loi SRU, la loi urbanisme et habitat : continuité dans la

apportés à la réforme de 2000 ont « érodé435 », selon le terme de Jean-Pierre LEBRETON, les dispositions innovantes de la loi SRU

Par ailleurs, la loi du 2 juillet 2003 retouche également les dispositions relatives aux contentieux de l’urbanisme. Celle-ci ajoute un cinquième alinéa à l’article L. 300-2 du Code de l’urbanisme :

Les documents d’urbanisme et les opérations mentionnées aux a) b) et c) ne sont pas illégaux du seul fait des vices de procédure susceptibles d’entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées.

Comme le souligne Yves JEGOUZO, la concertation demeure ainsi le « laboratoire des dispositifs anti-contentieux dans le domaine de l’urbanisme436 ». Cependant, le législateur avait prévu, dès l’origine, que les autorisations d’urbanisme ne seraient pas illégales du seul fait des vices susceptibles d’entacher cette délibération ou les modalités de son exécution437.

En conclusion, si une nouvelle intervention était nécessaire pour parvenir à la réalisation des objectifs de politiques urbaines en conformité avec la démocratie et les exigences républicaines, des réserves peuvent être élevées sur les modalités de cette intervention de 2003. Le détricotage des dispositions novatrices de la réforme de 2000, et l’ajout d’une nouvelle strate de dispositions à une architecture législative encore jeune et donc peu maîtrisée accroît alors le risque d’insécurité juridique et de contentieux.