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Proposition d’un contrat social pour l’Europe

Section 2. La Confédération européenne des syndicats

C. Proposition d’un contrat social pour l’Europe

Force Ouvrière a toujours défendu une politique d’intégration européenne forte. Cela n’en fait pas moins la force syndicale revendicatrice d’une Europe sociale et solidaire. Or, force est de constater que ce modèle s’effrite, à la faveur des crises traversées par l’Union européenne. Les menaces qui pèsent sur le modèle social européen suscitent une méfiance grandissante de l’opinion à l’égard de l’UE, ce qui conduit aujourd’hui FO à combattre les mesures d’austérité imposées aux Etats membres.

Les mesures imposées aujourd’hui dans le cadre de la nouvelle gouvernance économique (Partie 5) menacent aujourd’hui les acquis sociaux, le droit du travail, la protection sociale et les services publics et entravent toute relance de l’économie et de l’emploi.

Le constat en termes de cohésion sociale au niveau de l’Union européenne est sévère : montée des nationalismes, des intégrismes, développement inquiétant de la pauvreté et du chômage, précarisation des emplois… La CES n’entend pas se résigner à cette situation. Elle s’est donc prononcée en 2013 en faveur d’un nouveau contrat social, en appelant les employeurs et les Etats à négocier sur cette base. 3 axes peuvent être dégagés :

 Un soutien appuyé aux négociations collectives libres et au dialogue social, notamment sur une autonomisation et un accroissement du rôle des partenaires sociaux.

 Une gouvernance économique pour une croissance et des emplois durables : donner à la BCE un rôle de

116 Le 14 mars 2003, la CES avait lancé un appel à « des arrêts de travail » pour protester contre cette « guerre injustifiée et sans légitimité internationale ».

prêteur aux banques nationales, qui permettrait l’émission d’euro-obligations ; une politique industrielle ciblée sur les investissements durables, les ressources renouvelables… ; une réglementation solide du secteur financier ; une meilleure utilisation des fonds structurels et de la Banque européenne d’investissement ; sécuriser les secteurs publics et les salaires décents, les emplois stables…

 Une justice économique et sociale, assise sur une fiscalité progressive et redistributive sur les revenus de la fortune ; la lutte contre l’évasion et les paradis fiscaux ; la lutte pour l‘égalité salariale (la fixation des salaires demeurant néanmoins une compétence nationale) ; l’harmonisation des taux d’imposition et de l’assiette de l’impôt sur les sociétés.

Suite aux très polémiques arrêts Laval et Viking, la CES était montée au créneau en demandant instamment aux autorités européennes la confirmation que l’UE n’était pas seulement un projet économique mais que son principal objectif est l’amélioration des conditions de vie et de travail de ses populations. C’est pourquoi les droits sociaux fondamentaux doivent avoir la priorité sur les libertés économiques. A ce titre, la notion clé de progrès social revêt une importance fondamentale pour garantir le soutien des citoyens et des travailleurs au projet européen. La CES demande qu’une Clause de progrès social soit introduite dans les Traités de l’UE.

Pour en connaître le détail, un renvoi à l’annexe permet de lire l’entièreté du texte du « Protocole de progrès social » exigé par la CES pour rétablir l’équilibre entre économique et social au sein de l’Union européenne.

On peut également mentionner ici la clause sociale horizontale, introduite dans le Traité de Lisbonne. L’article 9 du TFUE impose d’évaluer l’ensemble de leurs politiques et actions à

l’aune des finalités sociales. Selon cet article, « dans la définition et la mise en œuvre de ses politiques et actions, l’Union prend en compte les exigences liées à la promotion d’un niveau d’emploi élevé, à la garantie d’une protection sociale adéquate, à la lutte contre l’exclusion sociale ainsi qu’à un niveau élevé d’éducation, de formation et de protection de la santé humaine ».

La clause sociale horizontale affirme la prééminence de la finalité sociale des politiques et actions de l’Union, et ce compris dans les domaines économiques les plus « durs ». En raison de sa formulation, cette disposition a vocation à s’imposer à l’ensemble des institutions européennes (Parlement, Conseil, Cour de Justice, Commission, Comités impliqués dans le processus de Lisbonne ou Europe 2020, etc.), ainsi qu’aux Etats membres. Chacun de ces acteurs est désormais responsable de sa traduction concrète dans le cadre de ses compétences. En tant que partie du droit primaire : elle est impérative. Mais étant donné qu’elle se réfère à des domaines dans lesquels l’UE n’a pas de compétence exclusive (le champ social) elle est partiellement amputée dans son effectivité117.

Toujours est-il que cette approche vise à intégrer certaines dispositions – en l’occurrence, des normes sociales – dans des politiques européennes transversales. Cette « clause sociale horizontale » est de première importance : elle est susceptible d’imprimer du sceau social toutes les politiques européennes, et de contribuer à l’émergence du modèle social européen. La clause sociale s’enracine dans une vision fondamentalement progressiste de la finalité des politiques publiques.

117 La clause horizontale de « gender mainstreaming » fonctionnait sur ce modèle, en vertu duquel les institutions et les Etats membres devaient donner une finalité égalitaire à leurs politiques pour diffuser la question de l‘égalité hommes-femmes dans l’ensemble de l‘Union.

Dans le domaine du droit dur, la clause sociale met à l’abri de l’emprise du droit économique plusieurs domaines sociaux emblématiques du «modèle social européen » (par exemple, dans une solution jurisprudentielle que prônerait la CJCE).

Dans le domaine de la soft law, exploitée de manière adéquate, la clause sociale horizontale pourrait permettre une émancipation relative du processus de Lisbonne et d’Europe 2020 à l’égard des critères de convergence économique, voire d’imposer aux domaines économiques un test de compatibilité avec les finalités sociales du Traité qu’elle énonce.

Toutefois, il faut le préciser, c’est aux institutions et aux acteurs sociaux européens de rappeler les exigences qu’impose cette disposition, et de proposer des mécanismes institutionnels susceptibles d’assurer son effectivité. Cette clause en tant que telle n’est pas non plus soustraite de toute améliorations : on pourrait parfaitement envisager qu’elle couvre davantage de domaines, et qu’elle se penche sur les aspects qualitatifs de la politique sociale, par exemple.

Elle permettrait en tous cas de dépasser une approche négative, c'est-à-dire par l’introduction d’une clause de non-régression118 dans les textes communautaires. En en renversant la logique intrinsèque, la clause sociale permettrait d’acheminer au

« wagon social » l’ensemble des politiques de l’Union européenne.

118 La clause de non-régression introduite dans un texte communautaire, interdit à l’Etat membre qui s’en empare automatiquement de « profiter » de l’occasion pour réduire les droits qu’il garantit d’ores et déjà dans le droit interne.

Section 3. Agir syndicalement dans l’Europe